Page:Zola - Vérité.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— C’est cela, ma certitude est également absolue. Plus j’étudie l’affaire, plus j’aboutis à cette seule vérité possible.

Puis, comme David, soucieux, hochait la tête d’un air désespéré :

— Oui, je sais, accuser un de ces ignorantins, sans avoir une preuve décisive, vous paraît extrêmement dangereux pour le sort de votre frère. Et vous avez sûrement raison, car si nous ne faisions pas l’entière lumière sur l’assassin dénoncé par nous, notre cas s’aggraverait d’une diffamation, que nous payerions cher, par ces temps d’imbécile réaction cléricale… Cependant, il faut bien que je plaide, et la meilleure façon de prouver l’innocence de votre frère n’est-elle pas encore de démontrer quel doit être, quel est certainement le coupable ? Vous me direz qu’il s’agirait de le connaître, aussi voudrais-je en causer à fond avec vous.

La discussion continua. Marc donna les raisons de la certitude où il était arrivé qu’un membre seul de l’école des frères avait pu commettre le crime. D’abord, le modèle d’écriture sortait évidemment de chez eux, il en avait la preuve certaine dans ce qui s’était passé chez les dames Milhomme, l’aveu, puis la rétractation de Sébastien ; et il y avait encore le paraphe, le coin du modèle disparu, peut-être soustrait, toute une complication dont il ne pouvait percer le mystère, mais où il sentait bien que la vraie vérité se cachait. Ensuite, une preuve morale décisive, c’était l’extraordinaire fracas que se donnait la congrégation pour dénoncer et accabler Simon. Elle n’aurait point ainsi remué ciel et terre, si elle n’avait pas eu quelque brebis galeuse à sauver. Du même coup, il est vrai, elle espérait bien écraser l’enseignement laïque, faire triompher l’Église compromise. Enfin, le viol et l’assassinat étaient comme signés, un sadisme cruel et sournois, un mélange d’ignominie et de religiosité, qui