Page:Zola - Vérité.djvu/143

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débats : toute la belle société de Beaumont derrière les fauteuils des juges ; des dames en toilette un peu partout, même sur les bancs réservés aux témoins ; un parterre debout très tumultueux déjà, un public trié, ou l’on reconnaissait des faces de bedeaux, les manifestants payés de la rue, auxquels se mêlaient les quelques énergumènes de la jeunesse catholique. L’attente fut longue, Marc eut le temps d’examiner les visages, de sentir dans quel milieu de passions hostiles allait se dérouler l’affaire.

La cour parut, Gragnon et ses assesseurs, suivis du procureur de la République La Bissonnière. Et les premières formalités furent accomplies rapidement, le bruit courut que le tirage du jury ne s’était pas fait sans peine, plusieurs des jurés ayant donné des raisons pour être récusés, tant leur peur semblait grande d’avoir une responsabilité dans l’affaire. Enfin, les douze jurés, tombés au sort, revinrent à la file, prirent place, d’un air de condamnés moroses. Il y avait cinq boutiquiers, deux industriels, deux rentiers, un médecin, un architecte, un capitaine en retraite ; et l’architecte, un homme pieux, travaillant pour l’évêché, nommé Jacquin, sorti le premier, se trouva être le chef du jury. Si la défense ne l’avait pas récusé, c’était grâce à son renom mérité d’esprit loyal, droit et honnête. Du reste, il se produisit comme une déception, parmi les anti-simonistes, à l’arrivée de ces hommes, dont l’entrée était guettée passionnément et dont les noms circulèrent, un à un. Quelques-uns durent paraître douteux, on espérait un jury plus sûr, ayant condamné d’avance.

Puis, un grand silence se fit, l’interrogatoire de Simon commença. À son apparition, il avait déplu, l’air chétif et gauche. Puis, il s’était redressé, maintenant il semblait impudent, par la façon tranquille et sèche dont il répondait aux questions. Le président Gragnon avait pris son air goguenard des grands jours, couvant surtout de ses petits yeux