Page:Zola - Vérité.djvu/176

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pas de trop gros reproches à me faire, puisque vous êtes heureux… Mais, c’est bien vrai, si vous acceptez le poste de Maillebois, vous allez vous trouver en continuel conflit avec ces dames. Et c’est à cela que vous songez, n’est-ce pas ?

— Oui, je l’avoue, je crains pour mon bonheur… Vous le savez, je suis sans ambition, ce serait pour moi un avancement désirable que d’être nommé à Maillebois ; mais je me déclare parfaitement satisfait de ma situation à Jonville, où j’ai eu la joie de réussir et de rendre des services à notre cause… Et vous voulez que je quitte cette certitude, pour risquer ailleurs tout ma paix !

Il y eut un silence, puis Salvan demanda doucement :

— Douteriez-vous de la tendresse de Geneviève ?

— Oh ! non ! cria Marc.

Et le silence recommença, et Marc reprit, après une gêne presque inconsciente, un embarras de quelques secondes :

— Comment pourrais-je douter d’elle ? elle est si aimante, si ravie dans mes bras… Mais vous ne vous imaginez pas la vie que nous avons menée chez ces dames, pendant les vacances, au moment où je m’occupais de l’affaire Simon. Ce n’était plus tenable, j’y étais devenu un étranger, auquel la servante elle-même n’adressait pas la parole. Sous les rares mots échangés, une hostilité grondait, toujours sur le point d’éclater en querelles furieuses. Enfin, je me sentais là perdu à mille lieues, comme chez des êtres d’une autre planète, avec qui je n’avais rien de commun. C’était la séparation brutale, totale… Et ces dames commençaient à nous gâter ma Geneviève elle redevenait la pensionnaire des Dames de la Visitation. Aussi a-t-elle fini par prendre peur et par être bien heureuse, quand nous nous sommes