Page:Zola - Vérité.djvu/183

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du père Théodose fut d’étendre la sphère d’action miraculeuse du saint, de l’appliquer à tous les besoins, à tous les désirs de la clientèle toujours croissante. Malades incurables abandonnés par les médecins, ou même simplement indisposés, souffrant d’une colique, d’une migraine ; petits commerçants embarrassés, n’ayant pas l’argent de leurs échéances, ne sachant comment écouler des marchandises avariées ; spéculateurs engagés dans quelque aventure louche, en danger d’y laisser leur fortune et leur peau ; mères trop chargées de famille, désespérant de trouver des maris pour des filles sans beauté et sans dot, pauvres hères sur le pavé, las de courir après des emplois, n’attendant plus que d’un prodige la faveur d’un gagne-pain ; héritiers inquiets sur le bon vouloir de quelque grand-parent en agonie, désirant avoir Dieu avec soi pour être couchés sur le testament ; écoliers paresseux, écolières bornées, cancres certains de n’être point reçus aux examens, si le ciel ne venait à leur aide : tous les tristes gens, incapables de volonté et d’effort, attendant d’une puissance supérieure l’impossible, le succès immérité, en dehors des conditions logiques de travail et de bon sens, pouvaient s’adresser au saint, lui confier leur cas, le prendre comme intermédiaire tout-puissant auprès de Dieu, avec six chances contre quatre de réussir, les statistiques ayant donné ces chiffres de probabilités. Et, dès lors, l’affaire s’organisa largement, on remplaça l’ancienne statue par une autre, beaucoup plus grande et plus dorée, on établit des troncs partout, des troncs nouveau modèle, séparés en deux compartiments, l’un pour l’argent, l’autre pour les lettres adressées au saint, spécifiant l’objet des demandes. Naturellement, on pouvait ne pas payer ; mais on avait remarqué que le saint exauçait seulement ceux qui donnaient une aumône, si légère fût-elle ; et un tarif s’était réglé, sur l’expérience, comme l’affirmait le