Page:Zola - Vérité.djvu/192

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en un champ de massacre, où il n’y aura plus bientôt que débris et décombres. Et là était le danger mortel, la mort certaine, si l’Église triomphante rejetait la France aux ténèbres et aux misères du passé, faisait d’elle une de ces nations déchues qui agonisent dans la misère et le néant dont le catholicisme a frappé toutes les terres où il a régné.

Alors, les réflexions qui avaient rendu Marc si perplexe, lui revinrent en foule, comme éclairées d’une grande lumière nouvelle. Depuis un demi-siècle, tout le travail souterrain de l’Église lui apparaissait, d’abord la savante manœuvre de l’enseignement congréganiste, la conquête de l’avenir par l’enfant, puis la politique de Léon XIII, la République acceptée pour être envahie et domptée. Mais, surtout, si la France de Voltaire et de Diderot, la France de la Révolution et des trois Républiques était devenue la pauvre France actuelle, troublée, dévoyée, éperdue, près de retourner au passé, au lieu de marcher à l’avenir, c’était que les jésuites et les autres ordres enseignants avaient mis la main sur l’enfant, triplant en trente années le nombre de leurs élèves, élargissant leurs puissantes maisons sur les pays entiers. Et, brusquement, sous la poussée des faits, l’Église, se croyant triomphante, forcée d’ailleurs, de prendre parti, démasquait son œuvre au grand jour avouait, tenait tête, entendait être la maîtresse souveraine de la nation. Toute sa conquête déjà accomplie se dressait aux yeux effarés : les hautes situations sociales dans l’armée, la magistrature, l’administration, la politique, aux mains des hommes élevés, formés par elle ; la bourgeoisie, autrefois libérale, incroyante et frondeuse, désormais reconquise à son esprit rétrograde, par terreur d’être dépossédée, de céder la place au flot populaire montant ; les masses populaires elles-mêmes, empoisonnées de superstitions grossières, maintenues dans la