Page:Zola - Vérité.djvu/194

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épaisse, comme dans un lit de craintif égoïsme. C’était ça, la France, cette masse ahurie, abrutie, livrée aux préjugés, maintenue dans l’imbécillité cléricale. On avait inventé, pour la pourrir plus vite, l’exécrable antisémitisme, ce réveil des haines religieuses, ce catholicisme exaspéré et masqué, avec lequel on espérait ramener aux curés le peuple incroyant, qui avait déserté les églises. Le jeter sur les juifs, exploiter ses passions ancestrales, il n’y avait là qu’un commencement, puis, au bout, le retour sous le joug, la culbute aux ténèbres, dans l’antique servage. Et c’était, demain, la France tombée plus bas encore, avec des Bongard, des Doloir, des Savin, des Milhomme plus hébétés, plus envahis d’ombre et de mensonge, si on laissait leurs enfants aux mains des frères et des jésuites, sur les bancs des écoles congréganistes. Fermer celles-ci n’aurait pas même suffi, il fallait purifier, rendre à leur véritable rôle les écoles laïques, ces écoles communales que le sourd travail de l’Église avait fini par atteindre, y paralysant l’enseignement libéré des dogmes, y casant des instituteurs, des institutrices de réaction, dont les leçons et les exemples entretenaient l’erreur. Pour un Férou, d’intelligence si nette, si vaillante, mais que la misère affolait, pour une Mlle  Mazeline surtout, admirable éducatrice de raison et de cœur, que de non-valeurs inquiétantes, que d’esprits mauvais, vendus à l’ennemi, dévoyés, faisant la pire des besognes : une Mlle  Rouzaire, ambitieuse acquise aux plus forts, d’un cléricalisme intéressé et outré, un Mignot flottant sans direction, allant où le poussait son entourage, un Doutrequin honnête homme, républicain de la veille, devenu antisémite et réactionnaire par erreur patriotique ; et, derrière ceux-là, tous les autres suivaient, tout l’enseignement primaire du pays se trouvait ainsi troublé, gâté, ayant perdu la route droite, en danger de mener à l’abîme les enfants qu’on leur confiait,