Page:Zola - Vérité.djvu/245

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l’église, d’où il n’aurait pas dû sortir… Tiens ! aide-moi, prends-le.

Mais elle ne tendit pas le bras, elle ne bougea pas. Devenue très pâle, elle le regardait faire, comme si elle assistait à un acte défendu et dangereux, qui la frappait de crainte. Et il dut, sans son aide, descendre de l’escabeau, les mains embarrassées par le grand crucifix, qu’il enferma tout de suite dans un bas d’armoire.

— Tu ne veux pas m’aider ?… Qu’as-tu ? est-ce que tu me désapprouves ?

Nettement, malgré son émotion, elle répondit :

— Oui, je te désapprouve.

Il fut saisi, il se mit à frémir comme elle. C’était la première fois qu’elle prenait avec lui ce ton fâché et agressif. Il sentit un petit choc, le brisement léger qui annonce la rupture. Et il la regarda, n’ayant pas reconnu sa voix, étonné et inquiet, comme si une personne étrangère venait de lui parler.

— Comment, tu me désapprouves ! Est-ce bien toi qui as dit cela ?

— Oui, c’est moi. Tu as tort de faire ce que tu fais.

C’était bien elle, en effet. Elle se tenait là, devant lui, grande et fine, avec son aimable visage rond, où un peu de la passion sensuelle de son père luisait dans son gai regard. C’était bien elle, et pourtant cela commençait à n’être plus elle, car il y avait quelque chose de changé déjà en son air, en ses grands yeux bleus, où un trouble apparaissait, un peu de l’obscurité mystique de l’au-delà. Et il s’étonnait, il sentait un froid lui venir au cœur de ce changement, dont il s’apercevait ainsi tout d’un coup. Que s’était-il donc passé, pour qu’elle ne fût plus la même ? Il recula devant une explication immédiate, il se contenta d’ajouter :

— Jusqu’à présent, même lorsque tu ne pensais peut-être pas comme moi, tu m’avais toujours dit d’agir selon ma conscience,