Page:Zola - Vérité.djvu/283

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Puis, d’un coup, la grande porte de l’église s’ouvrit à deux battants, et l’on vit paraître le curé Cognasse, en riches vêtements sacerdotaux, suivi d’un clergé nombreux, de la queue des prêtres accourus des environs. Des chants éclatèrent, l’assistance se prosterna dévotement, pendant la bénédiction solennelle du drapeau. Et ce fut ensuite le moment pathétique, le maire Martineau se mit à genoux, ainsi que tout le conseil municipal, sous les plis de l’étendard symbolique, dont Jauffre penchait la hampe, pour en mieux dérouler les trois couleurs au cœur saignant. Et, à très haute voix, le maire prononça l’acte de la consécration officielle de la commune de Jonville au Sacré-Cœur.

— Je reconnais les droits souverains de Jésus-Christ sur tous les citoyens dont je suis le mandataire, sur leurs personnes, leurs familles et leurs biens. Jésus-Christ sera leur premier, leur unique maître, et désormais il inspirera les actes de notre administration municipale pour notre salut et pour sa gloire.

Des femmes pleuraient, des hommes applaudirent. Un vent de folie heureuse monta dans le clair soleil, au bruit des cuivres et des tambours, qui avaient repris la marche triomphale. Et le cortège entra dans l’église, le clergé, le maire et le conseil municipal, toujours accompagnés de l’instituteur et du drapeau. Il y eut une bénédiction du Saint-Sacrement, luisant comme un astre sur l’autel, entouré de cierges, et devant lequel la municipalité s’agenouilla encore, très dévotement. Puis, l’abbé Cognasse parla, d’une éloquence enflammée, exultant de voir ainsi l’autorité civile, abritée sous le drapeau national du Sacré-Cœur de Jésus, prosternée devant le Saint-Sacrement, abdiquant tout orgueil et toute révolte aux mains de Dieu, s’en remettant désormais à lui pour gouverner et pour sauver la France. N’était-ce pas la fin de l’impiété, l’Église maîtresse des âmes et des