Page:Zola - Vérité.djvu/327

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Un soir, Marc la trouva seule toujours, tombée à genoux devant le lit, et sanglotante, la face contre le drap. Son fils ne pouvait plus l’entendre, pris de délire depuis la veille, terrassé par le mal, désormais sans oreilles et sans yeux. Et elle s’abandonnait, elle criait son effroyable douleur.

— Mon enfant, mon enfant !… Qu’ai-je donc fait, pour qu’on me vole mon enfant ?… Un enfant si bon, un enfant qui était mon cœur, comme j’étais son cœur… Qu’ai-je donc fait ? qu’ai-je donc fait ?

Elle se releva, elle saisit les deux mains de Marc, elle les serra éperdument.

— Dites-moi, monsieur, vous qui êtes un juste… N’est-ce pas ? il est impossible qu’on souffre tant, qu’on soit ainsi frappé, si l’on est exempt de toute faute… Ce serait monstrueux d’être puni, quand on n’a rien fait de mal… N’est-ce pas, n’est-ce pas ? ça ne peut être qu’une expiation, et si c’était vrai, mon Dieu ! si je savais, si je savais !

Et elle paraissait en proie au plus horrible des combats. Depuis quelques jours, une continuelle angoisse l’agitait. Pourtant, elle ne parla pas encore ce jour-là, et ce fut seulement le lendemain qu’elle courut à la rencontre de Marc, comme emportée par la hâte d’en finir. Dans le lit, Sébastien gisait, presque sans souffle.

— Écoutez, monsieur Froment, il faut que je me confesse. Le médecin sort d’ici, mon enfant va mourir, un prodige seul peut le sauver… Et, alors, ma faute m’étouffe. Je finis par croire que c’est moi qui tue mon enfant, moi qui suis punie par sa mort de l’avoir fait mentir autrefois et de m’être plus tard entêtée dans ce mensonge, pour avoir la paix lorsqu’un autre, un innocent, souffrait les pires tortures… Ah ! toute cette lutte, tout ce débat dont je suis déchirée depuis tant de jours !