Page:Zola - Vérité.djvu/332

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fait le grand honneur de leur rendre visite, afin de leur expliquer que, lorsque la patrie pouvait souffrir de la vérité, le mensonge était préférable et glorieux. Et, si le général Garous se fâchait, que deviendrait son fils Victor, qui comptait bien sur son oncle, pour être un jour général comme lui ?

Le soir, Marc devait dîner chez Mme Duparque, où il continuait à se rendre, ne voulant pas y laisser aller sa femme toujours seule. Le mot de Polydor le hantait, car il sentait, derrière, la vérité enfin certaine ; et, quand il arriva chez ces dames, avec Geneviève et Louise, il aperçut, au fond de la cuisine, le jeune homme et sa tante Pélagie, qui chuchotaient passionnément. D’ailleurs, ces dames eurent pour lui un accueil si froid, qu’il devina dans l’air une menace. Depuis les événements des dernières années, Mme Berthereau, la mère de Geneviève, s’affaiblissait beaucoup, toujours souffrante, envahie d’une sorte de tristesse désespérée, en sa résignation.

Mais Mme Duparque, la grand-mère, malgré ses soixante et onze ans, restait combative et terrible, d’une foi implacable. Lorsque Marc dînait chez elle, pour bien lui marquer à quel titre exceptionnel elle se croyait tenue de le recevoir, elle n’invitait jamais personne ; et cette solitude lui disait aussi sa situation de paria, l’impossibilité de le faire se rencontrer avec d’honnêtes gens. Cette fois-là, comme les fois précédentes, le dîner fut donc d’une intimité absolue, silencieux et gêné. Et Marc, aux attitudes hostiles, et surtout à la brusquerie de Pélagie, qui servait, s’apercevait très bien que quelque orage allait éclater.

Jusqu’au dessert, pourtant, Mme Duparque se contint, en bourgeoise qui entend tenir correctement son rôle de maîtresse de maison. Enfin, comme Pélagie apportait des poires et des pommes, elle lui dit :