Page:Zola - Vérité.djvu/377

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

femme, lui donner près de nous sa vraie place d’égale et de compagne, car, seule, la femme libérée peut libérer l’homme.

Au moment où Marc, calmé, réconforté, reprenait tout son courage pour lutter encore, il entendit Geneviève qui rentrait, il la rejoignit dans la classe, vaguement éclairée d’un reste de jour. Et il la trouva debout, la taille épaissie par sa grossesse à terme bientôt, mais grande et redressée, les yeux si brillants, l’attitude si agressive, qu’il sentit monter un suprême orage.

— Eh bien, lui demanda-t-elle d’une voix brusque, tu es content ?

— Content de quoi, ma chérie ?

— Ah ! tu ne sais pas… Je vais donc avoir le plaisir d’être la première à te donner la grande nouvelle… Vos héroïques efforts ont réussi, et la dépêche en arrive à l’instant. La Cour de cassation vient de décider la révision de l’affaire.

Il eut un cri d’immense joie, sans vouloir remarquer le ton de furieuse ironie dont le triomphe lui était annoncé.

— Enfin, il y a donc des juges ! l’innocent ne souffrira plus !… Mais la nouvelle est-elle bien certaine ?

— Oui, oui, tout à fait certaine, je la tiens d’honnêtes gens à qui elle a été télégraphiée. Va, va, l’abomination est complète, et tu peux te réjouir !

Et on retrouvait, dans cet amer frémissement, l’écho de la scène violente à laquelle sans doute elle venait d’assister chez ces dames, quelque saint personnage, prêtre ou religieux, un familier du père Crabot accouru pour dire la catastrophe, qui mettait Dieu en péril.

Gaiement, s’obstinant à ne pas vouloir comprendre, Marc tendit les bras à sa femme.

— Merci, il ne pouvait y avoir pour moi de bonne messagère plus aimée. Embrasse-moi.