Page:Zola - Vérité.djvu/389

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Cependant, Marc ne fit rien pour forcer Geneviève à revenir près de lui. Il ne voulait rien devoir au droit qu’il pouvait exercer. L’idée d’un scandale, d’un débat public lui était odieuse ; et, non seulement il entendait ne pas tomber dans le piège tendu par les auteurs du rapt, qui devaient compter sur un drame conjugal, afin de le faire révoquer ; mais encore il mettait tout son espoir dans l’unique force de l’amour. Geneviève allait réfléchir, elle reviendrait sûrement au foyer. Surtout, cet enfant dont elle était grosse, il lui semblait impossible qu’elle le gardât pour elle seule, elle le lui rapporterait, dès qu’il serait né, puisqu’il était à eux deux. Si l’Église avait réussi à pervertir en elle l’amante, elle n’arriverait sans doute pas à tuer la mère ; et la mère, ramenée ainsi, resterait avec l’enfant. Ce n’était donc qu’un mois à attendre, les couches étant très prochaines. Peu à peu, après avoir espéré ce dénouement, en manière de consolation, il en était venu à le croire certain, il vivait dans l’attente de l’accouchement, comme s’il avait dû être la fin de leur souffrance. Et, en brave homme, ne voulant pas séparer la fille de la mère, il envoyait Louise passer les après-midi du jeudi et du dimanche, près de Geneviève, chez Mme Duparque, dans cette petite maison dévote, humide et sombre, dont pourtant il avait eu déjà tant à souffrir. Peut-être, à son insu, était-ce là aussi une satisfaction dernière et mélancolique, une façon de ne pas couper brusquement tous rapports, de garder un lien entre lui et l’absente. Louise, à chaque visite, lui rapportait un peu de Geneviève, et les soirs des jours où elle avait passé plusieurs heures avec sa mère, il la gardait plus longtemps sur ses genoux, il la questionnait, désireux de savoir et de souffrir.

— Mon enfant, comment l’as-tu trouvée aujourd’hui ? Rit-elle un peu, paraît contente ? A-t-elle joué avec toi ?