Page:Zola - Vérité.djvu/396

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Mais, le plus souvent, dans le petit jardin envahi par le crépuscule, Marc et Mlle  Mazeline causaient de Geneviève, surtout les soirs où Louise, ayant passé l’après-midi chez Mme  Duparque, apportait quelque nouvelle de sa mère. Un jour, elle revint très troublée : sa mère, qu’elle avait dû accompagner à la chapelle des Capucins, pour une grande cérémonie donnée en l’honneur de saint Antoine de Padoue, s’y était évanouie ; et il avait fallu l’emporter dans un état inquiétant, à cause de sa grossesse.

— Ils me la tueront, dit Marc avec désespoir.

Mlle  Mazeline, désireuse de le réconforter, se montrait volontairement optimiste.

— Non, non, votre Geneviève n’est en somme qu’une raison malade dans un corps sain et solide. Vous verrez, mon ami, l’intelligence un jour, aidée du cœur, triomphera… Mais, que voulez-vous ? elle paie son instruction et son éducation mystiques, dans un de ces couvents d’où continueront à sortir les maux de la femme et les désastres du mariage actuel, tant qu’on ne les aura pas fermés. Il faut lui pardonner, elle n’est pas la vraie coupable, elle subit la longue hérédité des aïeules, possédées, terrorisées, abêties par l’Église.

Marc, que la tristesse accablait, eut une plainte à voix basse, un aveu exhalé malgré lui, devant sa fille.

— Ah ! pour son bonheur et le mien, il eût mieux valu ne jamais nous unir. Elle ne pouvait être ma compagne, l’autre moi-même.

— Mais qui donc auriez-vous épousé, alors ? demanda l’institutrice. Dans les familles bourgeoises, où donc auriez-vous trouvé une jeune fille qui ne fût pas élevée sous la règle catholique, empoisonnée d’erreurs et de mensonges ? Mon pauvre ami, la femme qu’il vous fallait, à vous esprit libre, ouvrier de l’avenir, oui ! cette femme est encore à faire. Il en existe peut-être quelques