Page:Zola - Vérité.djvu/438

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Simon, en est à croire qu’un trésor de cinq millions, donné par les juifs et caché quelque part, attend le malheureux, quand on aura réussi à le faire revenir du bagne et à l’y remplacer par un frère de la Doctrine chrétienne ?

Brusquement, Mme Doloir devint très grave, immobile, ramassée dans sa courte taille. Doloir lui-même, toujours robuste, d’un blond cendré maintenant, eut un geste d’ennui. Et, silencieux jusque-là, il dit entre ses dents :

— Encore des histoires dont ma femme a bien raison de ne pas vouloir qu’on s’occupe.

Mais Auguste s’exclamait, très amusé.

— Oui, je sais, l’histoire du trésor qui a paru dans Le Petit Beaumontais. Ça ne m’étonne pas, si Fernand avale un pareil conte… Cinq millions dans la terre, ah ! non !

Le père paraît vexé, et il sortit de sa réserve.

— Un trésor, pourquoi pas ?… Tu te crois trop malin, mon petit. C’est que tu ignores ce dont les juifs son capables. Au régiment, j’ai connu un caporal, qui avait servi chez un banquier juif. Eh bien ! il avait vu, tous les samedis, ce banquier expédier en Allemagne des tonneaux d’or, tout l’or de la France, comme il disait… Nous sommes vendus, c’est bien certain.

— Non, non ! papa, interrompit Auguste de son air de gaillard peu respectueux, faut pas nous resservir les histoires de ton régiment. Tu sais, j’en reviens, moi, de la caserne, et c’est trop bête !… Tu verras ça, mon pauvre Charles.

En effet, il venait de rentrer du service tandis que son frère Charles devait partir à son tour, en octobre.

— Alors, continua-t-il, vous comprenez, je n’avale plus cette absurdité, les cinq millions enterrés au pied d’un arbre, qu’on ira chercher, un soir de lune… Seulement, ça ne