Page:Zola - Vérité.djvu/448

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

donc coupable, tout le prouve, le sentiment public, les preuves fournies au tribunal, sa condamnation, les ignobles trafics que les juifs ont faits, qu’ils font encore afin de le sauver. Et, si, par miracle, il n’était pas coupable, ce serait un trop grand malheur pour le pays, il faudrait absolument qu’il le fût.

Devant tant d’aveuglement, mêlé à tant de sottise, Marc dut s’incliner. Et il allait partir, lorsqu’il vit arriver Hortense, avec sa fillette Charlotte, âgée de bientôt sept ans. Ce n’était déjà plus la jolie Hortense, soucieuse, réduite à un ménage laborieux de pauvre, depuis qu’elle avait dû épouser son séducteur, le garçon laitier. Du reste, Savin la recevait assez mal, en père rancunier, honteux de ce mariage, dont souffrait son incurable orgueil de petit employé rageur. Et il fallait toute la grâce, toute l’intelligence vive de la petite Charlotte, pour adoucir tant d’amertume.

— Bonjour, grand-père, bonjour grand-mère… Tu sais, j’ai encore été première en lecture, Mlle  Mazeline m’a donné la médaille.

Elle était délicieuse, Mme  Savin avait lâché ses perles, la prenant dans ses bras, la baisant, consolée, heureuse. Et la fillette se tourna encore vers Marc, qu’elle connaissait très bien.

— Vous savez, monsieur Froment, j’ai été première. C’est beau, ça, d’être première !

— Mais oui, ma mignonne, c’est très beau d’être première. Et je sais aussi que tu es très sage… Vois-tu, il faut toujours écouter Mlle  Mazeline, parce qu’elle fera de toi une petite femme bien instruite, bien raisonnable, qui sera très heureuse et qui donnera autour d’elle du bonheur à tous les siens.

Hortense s’était assise, l’air gêné, tandis que ses deux frères, Achille et Philippe, se consultaient du regard, désireux de sortir, jusqu’au dîner. Mais Savin recommençait à gronder