Page:Zola - Vérité.djvu/456

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de son père, elle abordait discrètement l’affreuse situation qui les hantait et dont ils ne parlaient pas.

— Maman est encore bien souffrante, il faut beaucoup de ménagements, je n’ose causer avec elle comme avec une amie. J’espère cependant, il est des heures où elle me prend dans ses bras, où elle me serre à m’étouffer, les yeux en larmes. D’autres fois, il est vrai, elle est dure et injuste, elle m’accuse de ne pas l’aimer, elle se plaint de n’avoir jamais été aimée par personne… Vois-tu, père, il faut être bon pour elle car elle doit souffrir affreusement, de croire ainsi que jamais plus elle ne contentera son amour.

Alors, Marc s’exaltait, criait :

— Mais pourquoi ne revient-elle pas ici ? Moi, je l’aime toujours à en mourir, et si elle m’aimait encore, nous serions si heureux !

Doucement, d’un geste triste et câlin, Louise lui mettait la main sur la bouche.

— Non, non ! père, ne parlons pas de cela. J’ai eu tort de commencer, ça ne peut que nous faire souffrir davantage. Il faut attendre… Maintenant, n’est-ce pas ? je suis près de maman, et elle verra bien un jour que nous deux seuls nous l’aimons. Elle m’écoutera, elle me suivra.

D’autres fois, la jeune fille arrivait chez son père les yeux brillants, l’allure résolue, comme au sortir d’une lutte récente. Il ne s’y trompait pas, il lui disait :

— Tu as encore dû te quereller avec ta grand-mère.

— Ah ! tu vois ça ! C’est vrai, elle m’a tenue de nouveau ce matin, pendant une bonne heure, pour me faire honte et me terrifier, au sujet de la première communion. Elle me parle comme à la dernière des créatures, elle me décrit les abominables supplices de l’enfer, stupéfaite et scandalisée de ce qu’elle nomme mon inconcevable obstination.

Et Marc se rassurait, s’égayait un moment. Il avait tant redouté