Page:Zola - Vérité.djvu/484

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dans le troupeau dont le père Théodose se serait fait une sorte de cour galante. D’abord, je n’admets pas l’existence de cette cour, le père Théodose est peut-être un religieux un peu trop satisfait de sa personne, mais je le crois d’une foi sincère. Et, ensuite, j’aurais su me défendre, tu n’en doutes pas, je pense.

Malgré son chagrin, Marc ne put réprimer un léger sourire. La gêne évidente de Geneviève lui révélait quelque tentative repoussée du capucin, ce qui achevait de lui faire comprendre son trouble amer et son besoin de changer de directeur.

— Je n’en doute certainement pas, répondit-il. Moi aussi, je te connais, je te sais incapable d’une vilenie… Le père Théodose ne m’inquiète pas pour toi, bien qu’un mari de ma connaissance l’ait sûrement vu en aimable conversation avec sa femme… Et je regrette seulement le très mauvais conseil qui t’a décidée à quitter le bon abbé Quandieu pour te remettre aux mains de ce beau moine.

Une fugitive rougeur de Geneviève lui indiqua qu’il avait deviné juste. Ce n’était point sans une profonde connaissance de la femme jeune encore, de l’amoureuse chez la pénitente, que le père Crabot avait agi, en conseillant à Mme Duparque d’enlever sa petite-fille des mains de l’abbé Quandieu, pour la confier à celles du père Théodose. Le prétexte invoqué était l’insuffisance du vieil abbé, sa trop grande indulgence, à l’égard d’une âme exaltée, qui exigeait une ferme direction. Et le capucin, bel homme, aurait toute l’autorité nécessaire, toute la puissance dominatrice, dans ce rôle délicat où il s’agissait de suppléer Jésus, de le faire adorer d’une femme, en arrachant celle-ci à l’amour du mari dont elle était encore possédée. Les docteurs catholiques savent bien que l’amour seul tue l’amour, une chair qui aime en dehors du Christ n’est jamais au Christ tout entière. Le retour de Geneviève à son péché était fatal, si elle ne cessait