Page:Zola - Vérité.djvu/488

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C’était presque une confession, le regret caché de sa fuite, le doute anxieux où elle était tombée. Et il le sentit bien, il cria de nouveau :

— Mais si tu es malheureuse, dis-le donc ! et reviens, ramène les enfants, la maison vous attend toujours ! Ce sera une grande joie, un grand bonheur.

Elle s’était levée, elle répéta de sa voix blanche de pénitente, qui demeure têtue, aveugle et sourde :

— Je ne suis pas malheureuse, je suis punie, j’irai jusqu’au bout de mon châtiment. Et, si tu as quelque pitié de moi, reste assis là sans chercher à me suivre, tourne la tête s’il t’arrivait de me rencontrer encore, car tout est mort, tout doit être mort entre nous.

Et elle s’en alla, dans l’or pâli du couchant, au travers de l’avenue déserte. Elle était toute sombre, mince et haute, ne montrant plus de sa beauté que son admirable chevelure blonde, dont un dernier rayon incendiait les boucles. Et lui, obéissant, ne bougea pas, la regarda s’éloigner, avec l’espoir d’un dernier adieu. Mais elle ne se retourna pas, elle disparut parmi les arbres, tandis qu’un vent du soir qui se levait faisait passer sous les ombrages un frisson glacé.

Lorsque Marc, à son tour, se leva péniblement, il eut l’étonnement de voir devant lui le bon Salvan, un heureux sourire aux lèvres.

— Ah ! mes amoureux, je vous surprends à vous donner des rendez-vous dans les petits coins ! Je vous avais aperçus il y a un bon moment, et je vous guettais, je ne voulais pas vous déranger.. C’est donc ça cachottier, que vous m’avez fait une si courte visite, cette après-midi !

Marc, hochant tristement la tête, s’était mis à marcher à côté du vieillard.

— Non, non, nous nous sommes rencontrés simplement, j’en ai le cœur tout déchiré.