Page:Zola - Vérité.djvu/549

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pour prendre un amant. Elle refréna son besoin de sensualité, elle parvint à le tromper, à le satisfaire dans les cérémonies du culte, dans les odeurs d’encens, les prières exaltées, les rendez-vous mystiques avec le Jésus blond des saintes images. N’ayant pas connu l’étreinte passionnée de l’amant, elle put estimer suffisante la consolation de l’effleurement discret des prêtres, de l’homme auprès duquel on ne pèche pas, même en vivant dans son haleine, en lui livrant l’intimité charnelle de son être. Si les gestes onctueux, les caressantes paroles de son directeur la baignaient d’une continuelle joie, il n’était pas jusqu’à ses rigueurs, ses menaces de l’enfer, de tourments affreux, qui ne fissent passer dans sa chair châtiée, un délicieux frisson. Et, à croire aveuglément, à se conformer strictement aux pratiques les plus sévères, elle ne trouvait pas seulement la satisfaction de ses sens amortis, elle trouvait encore la règle, le soutien, la domination dont avait soif sa faiblesse séculaire de femme. L’Église le sait bien, elle ne conquiert pas la femme uniquement par la sensualité du culte, elle la fait sienne en la brutalisant, en la terrorisant, elle la traite en esclave habituée aux coups depuis des siècles, et qui a fini par goûter l’amère jouissance du servage. Mme Duparque, rompue dès le berceau à l’obéissance, était ainsi la fille conquise de l’Église, la créature dont elle se méfie, qu’elle foudroie et qu’elle enrégimente, l’instrument à jamais docile, qui lui permet d’atteindre l’homme et de le conquérir à son tour. Lorsque devenue veuve, ayant réalisé sa petite fortune compromise, elle s’était installée à Maillebois, elle n’avait plus eu, dans sa vie brusquement oisive, d’autre occupation, d’autre passion grandissante que cette dévotion autoritaire où elle achevait de contenter son existence manquée de femme, toutes les joies naturelles, tous les bonheurs humains qu’elle n’avait pas connus. Et, dans sa rudesse à vouloir imposer son culte étroit et glacé à sa petite-fille Geneviève,