Page:Zola - Vérité.djvu/578

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d’avoir ainsi une collaboratrice dévouée, travaillant à la même œuvre, le servant au lieu de le gêner en sa marche vers l’avenir. Et puis, bien que rien ne l’inquiétât chez Geneviève, n’était-ce pas là une façon de l’occuper, de la forcer à reconquérir toute sa raison, faisant d’elle une éducatrice, une gardienne de la sensibilité et de l’intelligence des petites femmes naissantes, des épouses et des mères de demain ? Et, enfin, cela n’achèverait-il pas de les unir, de les confondre à jamais l’un dans l’autre, s’ils s’employaient ensemble, de toute leur foi, de toute leur tendresse, à la même et sainte besogne, cet enseignement des petits et des humbles, dont la félicité future devait naître ? Quand la nomination arriva, ils en eurent une joie nouvelle, comme s’ils s’étaient senti désormais un même cœur et un même cerveau.

Ah ! ce Jonville tant aimé autrefois, dans quel état de malaise et de ruine Marc le retrouvait ! Il se rappelait ses premières luttes d’instituteur contre le terrible curé Cognasse, comment il avait fini par triompher en mettant avec lui le maire Martineau, paysan riche, illettré et raisonnable, ayant la haine atavique de sa race contre le prêtre, débaucheur de femmes, paresseux vivant du culte à ne rien faire. Et, à eux deux, ils avaient commencé à laïciser fortement la commune : l’instituteur ne chantait plus au lutrin, ne sonnait plus la messe, ne conduisait plus au catéchisme ses élèves ; tandis que le maire et le conseil municipal en entier s’échappaient de la routine, favorisaient l’évolution qui donnait à l’École le pas sur l’Église. En peu de temps, Marc, par son action sur les enfants et sur les familles, par son influence à la mairie, où il était secrétaire, avait pu voir naître et grandir un mouvement de vive prospérité, tout en conquérant pour sa personne la place qui lui était due, la première. Mais, du jour où il s’en était allé à Maillebois, Martineau, tombé entre les