Page:Zola - Vérité.djvu/632

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

trois gamines. Le village entier s’est révolté contre lui, le jour où il a poursuivi et fessé la petite Louvard, parce qu’elle lui avait tiré la langue. Il devient fou de violence, depuis qu’il se sent battu, et c’est moi qui suis obligé de le défendre maintenant, dans la crainte de voir la population outrée lui faire un mauvais parti.

Mignot riait, et, questionné, il donna d’autres détails.

— Mais oui, Saleur, notre maire, si méfiant, si désireux de ne pas gâter sa jouissance de marchand de bœufs enrichi, devenu bourgeois, parlait de lui faire un procès et d’écrire à l’évêque. Vraiment, si j’ai eu d’abord quelque peine à tirer le Moreux de la crasse d’ignorance et de crédulité où mon prédécesseur le clérical Chagnat l’avait comme noyé, je n’ai plus guère désormais qu’à laisser parler les faits. La population entière vient à moi, l’école bientôt régnera sans rivale, et l’église se ferme, c’est fini.

— Nous n’en sommes pas encore là tout de même, dit gaiement Marc. Ici, l’abbé Cognasse résistera jusqu’au dernier jour, tant qu’il se sentira payé par l’État, imposé par Rome. Je l’ai toujours pensé, les petites communes perdues comme le Moreux, surtout celles où la vie est aisée, seront les premières à se libérer du prêtre, parce qu’il peut disparaître sans rien y déranger de la vie sociale. On ne l’y aimait déjà guère, on y pratiquait de moins en moins, on le verra partir sans regret, dès que le lien civique se sera fortement noué, en créant un autre pacte humain et d’autres satisfactions vivantes et certaines.

Mais la cérémonie allait commencer, Marc et Mignot se dirigèrent vers la maison commune, où leurs élèves étaient réunis. Ils y trouvèrent Geneviève, en compagnie de Salvan et de Mlle  Mazeline, tous deux sortis de leur retraite pour assister à cette fête laïque, qui était un peu leur œuvre, la victoire de leur long enseignement. Et