Page:Zola - Vérité.djvu/638

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quelles pouvaient être les confidences promises, il finissait par tomber au tourment de les connaître. En somme, pourquoi ne l’aurait-il pas reçu ? Même s’il n’apprenait rien d’utile, il pénétrerait l’homme davantage. Et, dès lors, il vécut dans l’attente de cette visite si lente à se produire.

Enfin, un soir d’hiver, par une pluie battante, le frère Gorgias se présenta, enveloppé dans un vieux manteau, qui ruisselait d’eau et de boue. Tout de suite, dès qu’il se fut débarrassé de cette loque, Marc le fit entrer dans la salle de classe, tiède encore, et où le poêle de faïence s’éteignait. Une petite lampe à pétrole éclairait seule la vaste pièce silencieuse, emplie de grandes ombres. Derrière la porte, Geneviève, un peu tremblante, était restée aux écoutes, prise de la crainte vague de quelque attentat possible.

Tout de suite, le frère Gorgias avait repris la conversation, interrompue sur la place des Capucins, comme si elle avait eu lieu l’après-midi même.

— Voyez-vous, monsieur Froment, l’Église se meurt, parce qu’elle n’a plus de prêtres résolus à la soutenir par le fer et le feu, s’il en était besoin. Pas un de ces pauvres nigauds, de ces jocrisses pleurards d’aujourd’hui n’aime, ni même ne connaît le véritable Dieu, celui qui exterminait les peuples pour une simple désobéissance et qui régnait sur les âmes et sur les corps, en mettre indiscuté, toujours armé de la foudre… Que voulez-vous que le monde devienne, s’il n’y a plus pour parler de son nom que des poltrons et des imbéciles ?

Alors, un à un, il prit ses supérieurs, ses frères en Jésus-Christ, comme il les nommait, et ce fut terrible, un véritable massacre. Mgr Bergerot, qui venait de mourir à près de quatre-vingt-sept ans, n’avait jamais été qu’un pauvre homme, trembleur et incohérent, incapable d’avoir le courage de se séparer de Rome, pour