Page:Zola - Vérité.djvu/684

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Marc eut un sourire involontaire, devant l’évocation du passé.

— La religion une simple police, je connais votre théorie. Mais comment la religion resterait-elle une force, lorsqu’on ne croit plus et que les prêtres ne sont plus à craindre ?

— Plus à craindre, grand Dieu ! dans quelle erreur vous êtes !… Moi, j’ai toujours été et je suis encore leur victime. Si je m’étais mis avec eux, croyez-vous que j’aurais végété toute ma vie au fond d’un obscur bureau et que je serais aujourd’hui à la charge de mon fils Léon, après avoir perdu ma femme, morte de privations de toutes sortes ? Et mon fils Achille que vous voyez là, si tristement affligé, encore une victime des prêtres. J’aurais dû le mettre au séminaire, il serait préfet ou président de tribunal, au lieu d’avoir pris des douleurs pendant trente ans, dans le même bureau que moi, et d’en être sorti sans bras ni jambes, incapable de manger lui-même sa soupe… N’est-ce pas ? Achille, ce sont de sales gens, les curés, mais tout de même il vaut mieux les avoir avec soi que contre soi.

L’infirme avait salué son ancien maître d’un mouvement de tête amical, et il dit d’une voix lente, un peu embarrassée déjà par la paralysie :

— Sans doute les prêtres faisaient la pluie et le beau temps, mais on commence pourtant à se passer très bien d’eux… Aussi, désormais, est-ce facile de régler leur compte et de se poser en justicier.

Il regardait Adrien, resté silencieux, à qui sûrement cette allusion désobligeante s’adressait. Sa fâcheuse situation, la perte de sa femme Virginie, une brouille survenue entre lui et sa fille Léontine, mariée à un petit quincaillier de Beaumont le rendaient amer. Et il continua, voulant préciser :

— Vous vous souvenez, monsieur Froment, lorsque la cour