Page:Zola - Vérité.djvu/686

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Doloir, il n’y avait plus de juifs, puisqu’il n’y avait désormais que des citoyens libérés des dogmes. Seule l’Église catholique avait utilisé, en l’exaspérant, l’antisémitisme imbécile et farouche, pour ramener à elle le peuple incrédule ; et l’antisémitisme avait disparu, à mesure qu’elle-même était rentrée dans l’ombre des religions agonisantes.

Très intéressé, Marc suivait la scène, hanté toujours par les souvenirs du passé, comparant les temps d’autrefois au temps présent, se rappelant chaque geste, chaque mot des quarante années écoulées, pour tirer la leçon des gestes et des mots de l’heure actuelle. Mais Léon Savin rentra enfin, avec son fils Robert, un grand garçon de seize ans déjà, qu’il commençait à mettre au courant des travaux de la ferme. Et, dès qu’il sut le motif de la visite, il se montra particulièrement touché de la démarche de Marc, auquel il témoignait une grande déférence.

— Monsieur Froment, vous ne doutez pas de mon désir de vous être agréable. Vous êtes aujourd’hui pour nous tous le maître juste et vénérable… Et d’ailleurs, mon ami Adrien a dû vous le dire, je ne suis pas du tout opposé à son projet, je l’appuierai au contraire de toute mon autorité, car je suis entièrement de son avis, Maillebois ne retrouvera son honneur que le jour où il aura réparé sa faute… Seulement, je le répète, il nous faut l’unanimité dans le conseil, et j’y travaille, et je vous prie d’y travailler vous-même.

Puis, comme son père ricanait, il lui dit en souriant :

— Voyons, ne te fais pas le crâne si dur, tu as reconnu l’autre jour avec moi l’innocence de Simon.

— Oh ! son innocence, je veux bien. Moi aussi, je suis innocent, et on ne me bâtit pas de maison.

Léon lui répondit un peu rudement :

— Tu as la mienne.