Page:Zola - Vérité.djvu/82

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brune, le visage épais, en opposition complète avec son cousin Victor.

Tout de suite mise au courant, Mme Édouard regarda sévèrement son fils.

— Comment ça, un modèle ? tu as volé un modèle chez les frères et tu l’as apporté chez nous ?

Victor avait jeté à Sébastien un regard désespéré et furieux.

— Mais non, maman !

— Mais si, monsieur ! puisque ton cousin l’a vu. Il ne ment pas d’habitude.

L’enfant cessa de répondre, lançant toujours à son cousin des coups d’œil terribles, et celui-ci n’était pas à son aise, car il vivait en admiration devant la force physique de son camarade de jeux, il faisait d’ordinaire l’ennemi vaincu et rossé, quand ils jouaient à la guerre ensemble. C’étaient, sous la conduite du plus âgé, des chevauchées effrayantes, des galops sans fin au travers de la maison, dans lesquels le plus jeune, si doux et si tendre, se laissait entraîner avec une sorte de terreur ravie.

— Il ne l’a sans doute pas volé, fit remarquer indulgemment Mme Alexandre. Peut-être l’aura-t-il emporté de l’école par mégarde.

Et, pour que son cousin lui pardonnât d’avoir été indiscret, Sébastien se hâta de confirmer cette supposition.

— Bien sûr, c’est comme ça, je n’ai pas dit qu’il avait volé le modèle.

Cependant, Mme Édouard, calmée, exigeait plus violemment une réponse de Victor, devant son silence, son obstination à ne pas avouer. Elle venait certainement de réfléchir qu’il était peu prudent de vider cette question devant un étranger, sans en mesurer toutes les graves conséquences. Elle se vit prenant parti, indisposant l’école des frères ou l’école laïque, perdant du coup l’une de ses deux clientèles ; et elle lança un regard dominateur à Mme