Page:Zola - Vérité.djvu/93

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et étranglé son neveu, et pendant qu’il roule vers la prison de Beaumont, voilà les bons frères qui triomphent !

C’était l’instituteur Férou, le meurt-de-faim révolté, plus dégingandé encore, avec ses cheveux en désordre, sa longue tête osseuse, où ricanait sa bouche large.

— Comment les accuser, puisque le petit mort est à eux. à eux seuls, avec leur bon Dieu ? Ah ! sûrement, personne n’osera les accuser, maintenant que tout Maillebois les a vus l’enterrer en grande procession… Le plus drôle, c’est le bourdonnement de cette mouche saugrenue, de cet imbécile frère Fulgence, qui se cogne à tout le monde. Trop de zèle ! Et vous avez vu le père Crabot, avec son sourire si fin, derrière lequel il doit y avoir pas mal de sottise, malgré son renom d’habileté triomphante. Mais rappelez-vous ce que je vous dis, le plus fort, le seul fort d’eux tous est certainement le père Philibin, qui prend des airs de grosse bête. Vous pouvez le chercher aujourd’hui, celui-là, il n’y a pas de danger qu’il soit venu. Le voilà terré dans l’ombre, et soyez certain qu’il y fait de la belle besogne… Ah ! je ne sais pas qui est le coupable, aucun de ceux-ci sûrement, mais il est de la boutique, cela saute aux yeux, et ils bouleverseront la terre, plutôt que de le livrer !

Puis, voyant Marc hocher la tête, accablé et silencieux :

— Alors, vous comprenez, bonne occasion pour écraser la laïque. Un instituteur communal pédéraste et assassin, hein ! quelle machine de guerre, comme on va nous régler notre compte, à nous tous, les sans-Dieu et les sans-patrie… Mort aux vendus et aux traîtres ! mort aux juifs ! Et il se perdit dans la foule, en agitant ses grands bras. Ainsi qu’il le disait, avec son outrance d’amère plaisanterie, il s’en moquait au fond, de finir sur un bûcher, revêtu d’une chemise soufrée, ou de crever de faim dans sa misérable école du Moreux.