Page:Zorrilla - Don Juan Tenorio, trad. Curzon, 1899.djvu/110

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ne vous retournerez pas pour voir ce que vous laisserez derrière vous ! Les souvenirs mondains d’agitation et de plaisir ne vous troubleront pas, tentateurs, aux pieds des sacrés autels ; et ignorant ce qu’il y a derrière ces saintes murailles, vous ne souhaiterez jamais ce qui se trouve arrêté par elles. Douce colombe, instruite à manger dans les mains du maître qui l’a nourrie dans le verger domestique, et jamais échappée à la cage protectrice, vous n’aspirerez jamais à déployer vos ailes parmi l’espace. Lis exquis, dont la tige n’a été bercée tout au plus que par les brises embaumées du mois le plus fleuri, vous ouvrirez ici votre calice aux baisers du zéphir, et ici vos feuilles viendront paisiblement à tomber. Dans le coin de terre où se renferme notre vie retirée, et dans le coin de ciel qui apparaît à travers les grilles, vous ne verrez rien de plus qu’un lit où reposer votre doux sommeil, et un voile d’azur suspendu aux portes de l’Éden… Ah ! Je vous envie, en vérité, heureuse Doña Inès, avec votre innocente vie et cette vertu de ne pas savoir. — Mais pourquoi êtes-vous là, tête basse ? Pourquoi ne me répondez-vous pas, comme d’autres fois, joyeuse, quand je vous parlais des mêmes choses ? Vous soupirez ?… Oh ! Je comprends bien : ne pas voir encore de retour votre gouvernante, voilà ce qui vous inquiète ; mais ne craignez rien. Elle est allée à la maison de votre père, presque à la nuit, et elle doit être