Page:Zorrilla - Don Juan Tenorio, trad. Curzon, 1899.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DOÑA INÈS (elle lit)

« Adieu, ô lumière de mes yeux !
« Adieu, Inès de mon âme.
« Médite, pour Dieu, avec calme
« Les mots qui vont ici vers toi ;
« Et si tu hais ce couvent
« Qui doit devenir ta tombe,
« Commande, et il osera tout
« Pour ta beauté, Don Juan. »

(Dona Inès fait un mouvement.) Ah ! quel filtre empoisonné me pénètre avec ce papier, pour que, le cœur déchiré, je reste là toute à sa pensée ? Quels sentiments endormis sont ceux qu’il réveille en moi ; quelles impulsions jamais éprouvées, quelle lumière jusqu’à présent jamais vue ? Qu’est-ce qui fait naître en mon âme si nouvelle et profonde angoisse ? Qui me ravit la douce paix de mon cœur ?

BRIGIDA

Don Juan.

DOÑA INÈS

Don Juan, dis-tu !… Ainsi cet homme doit me suivre où que j’aille ? Faut-il que je n’entende que son nom seul, que seule je voie son image ? Ah ! il dit bien ! Le ciel a lié nos destinées à tous deux, et il a fait naître en mon âme cette passion fatale.

BRIGIDA

Silence, pour Dieu !

(On entend sonner pour les âmes du Purgatoire.)