Page:Zorrilla - Don Juan Tenorio, trad. Curzon, 1899.djvu/144

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DOÑA INÈS

Tu me déconcertes positivement, Brigida… Je ne sais quels sont les filets qu’entre ces murailles, je le crains, tu es en train de me tendre. Jamais je n’ai quitté le cloître, et j’ignore les usages du monde extérieur ; mais j’ai de l’honneur ; je suis noble, Brigida, et sais que la maison de Don Juan n’est pas un asile convenable pour moi. Une je ne sais quelle angoisse secrète me le dit ici en ce moment. Viens, fuyons !

BRIGIDA

Dona Inès, il vous a sauvé la vie.

DOÑA INÈS

Oui, mais il m’a empoisonné le cœur.

BRIGIDA

Vous l’aimez donc ?

DOÑA INÈS

Je ne sais… Mais, par pitié, fuyons vite cet homme, au seul nom de qui le cœur me manque. Ah ! c’est toi qui m’as donné un papier écrit de la main de cet homme, et c’est quelque charme maudit que tu me donnais là, renfermé en lui. Une seule fois je le vis, par une jalousie, et c’est toi qui m’as dit qu’il était à cette place pour moi. C’est toi, Brigida, à toute heure, qui venais me parler de lui, rappelant à mon souvenir ses grâces fascinatrices. C’est toi qui me dis qu’il