Page:Zorrilla - Don Juan Tenorio, trad. Curzon, 1899.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sens qu’ici naissent en moi des pensers étranges (il indique son front). — Oh ! peut-être me les inspire-t-elle du haut du ciel où elle demeure, cette Ombre protectrice qui, pour mon malheur, n’est plus de ce monde… (Il se dirige vers la statue de Doña Inès et lui parle, pénétré de respect.)

Marbre sous qui Doña Inès existe, en corps sinon en âme, permets que l’âme d’un malheureux pleure un moment à tes pieds. À travers mille hasards, j’ai conservé pure ton image ; et puisque la fatale fortune de Don Juan t’a assassinée, contemple l’angoisse avec laquelle, — il vient aujourd’hui devant ta sépulture.

À toi, sur toute chose, il a songé, depuis qu’il t’a quittée ; depuis qu’il s’est enfui d’ici, il n’a pensé qu’à revenir. Don Juan, de Doña Inès seule, a espéré son bonheur ; et aujourd’hui qu’en quête de ta beauté revient le malheureux Don Juan, regarde quelle est son angoisse, — de trouver ici ta sépulture.

Innocente Doña Inès, dont la jeunesse si belle a été enfermée au tombeau par celui qui pleure ici à tes pieds ; si tu peux, à travers cette pierre, considérer la douleur de l’âme qui adora ta beauté avec tant d’ardeur, prépare une place a Don Juan, — dans ta propre sépulture.

Dieu t’a créée pour mon bien ; par toi j’ai pensé à la vertu, j’ai adoré sa sublimité, j’ai aspiré à son saint Éden. Oui ! jusqu’à ce jour même, en toi mon espérance s’assure encore, et j’entends une voix qui murmure, tout autour de