Page:Zorrilla - Don Juan Tenorio, trad. Curzon, 1899.djvu/249

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dans le but littéraire de l’entreprise, par ces talents en accord parfait, par une façon d’être des directeurs avec leurs pensionnaires, qui fit de la compagnie comme une famille, se trouva désormais assuré.

Pour en revenir au personnage redoutable de Don Juan, on comprend qu’il dût convenir essentiellement au talent, d’ailleurs, si souple, mais particulièrement intelligent et distingué de M. de Mendoza. Il y a montré partout autant de style que de caractère, avec une sérénité froide dans l’audace, avec une nervosité concentrée et pleine d’autorité dans l’explosion des sentiments contraires qui se disputent l’âme de Don Juan. Dans le quatrième acte surtout, lorsque, un genou en terre, devant le commandeur, mais pâlissant sous l’insulte, les narines frémissantes, la gorge serrée, il étouffait ses cris de colère, il donnait une impression vraiment inoubliable.

Les autres rôles étaient excellemment tenus, chacun dans leur caractère et leur relation avec l’ensemble, — car c’est un des mérites qui ont le plus frappé dans cette troupe : ce jeu était la vie même, sans procédés traditionnels ni effets escomptés d’avance, sans fausse note ni dissonance indépendante de l’accord total. — Il faut cependant mettre hors de pair l’interprétation du rôle de Brigida par Mme Fernandez. Il est impossible de donner plus de relief et de vérité sobre à cette répugnante figure de vieille entremetteuse dévote : sa scène avec Inès au couvent,