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LE PAYSAGE INTÉRIEUR 103

Il cherche à traduire ce silence accablant où retentit la douleur d'une solitude éternelle, mais sa propre douleur, infiniment multipliée, chante dans la plainte de chaque étoile, car l'étoile c'est son àme même, tremblante et solitaire, traversée de lueurs qui se perdent dans la nuit. Le poète a transporté au fond de lui-même les formes les plus ardentes offertes par la nature et il enroule autour d'elles ses méditations passionnées. Ainsi, imprégnées de son âme même, elles vivent en lui de sa propre substance intellectuelle.

Tel est, dans son premier aspect, ce paysage intérieur, moins pittoresque que sentimental, moins façonné pour l'enchantement des yeux que pour l'appel des méditations, paysage chargé de pensées et tout bruissant d'aspirations morales, lieu de refuge d'un poète qui est surtout un pen- seur, symbole plastique de son âme endolorie et anxieuse, décor fait à souhait pour encadrer et traduire la philosophie d'un homme qui, dans toutes les manifestations de la vie, a senti d'abord de la souffrance éparse, des élans brisés, des méditations inachevées, des ébauches doulou- reuses, des ardeurs et du délire.