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174 SULLY PRUDHOMME

progressifs de la civilisation ne se répartissent pas selon la justice. »

Ces idées si décourageantes s'expriment en des vers contondants et durs où la nature prend un air effrayant :

L'espace est plein de cris par les faibles poussés.

L'amour dresse au milieu du charnier son autel.

La Nature est habile et sait bien ce qu'on aime.

Le masque se déchire et par lambeaux s'envole. La Nature n'est plus la nourrice au grand cœur.

Voici des vers qui pourraient servir d'épi- graphe aux œuvres de Darwin :

Ainsi tout animal, de l'insecte au géant, En quête de la proie utile à la croissance Est un gouffre qui rude, affamé par essence, Assouvi par hasard, et, par instinct, béant.

Aveugle exécuteur d'un mal obligatoire, Chaque vivant promène écrit sur sa mâchoire L'arrêt de mort d'un autre, exigé par sa faim.

Les vers suivants illustrent, en un raccourci d'eau-forte, la théorie de Schopenhauer sur l'amour, combat des sexes :

Dans l'œil indifférent des vierges, o Nature! Tu fis bien d'allumer un céleste flambeau : Si fort que soit l'attrait d'un corps novice et beau, C'egt grâce à l'Idéal que l'humanité dure.