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6 SULLY PRUDHOMME

pas à la complexité des choses, et tenons-les prêtes à s'ouvrir à d'inévitables atténuations.

Le poète romantique ne se détache pas de lui- même : il se replie ou il s'épanche, mais, dans ses méditations et ses épanchements, il ne se quitte jamais : il chante les aventures de son âme. Donc le chant romantique est un chant d'orgueil. Tantôt cet orgueil triomphe, tantôt il déplore sa défaite. Ivresse et mélancolie, exaltation et défail- lance, et, à la fin de tout, le rêve, qui apporte l'illusion ou l'oubli : tel est le rythme de notre âme envahie par l'amour d'elle-même, tel est le rythme de la poésie romantique. • Le poète romantique, réfractaire à l'idée de loi, est asservi aux désirs de sa sensibilité, et subit les égarements de l'ignorance. Le mot de Sainte- Beuve sur Lamartine « qui ne sait que son âme » demeure vrai. Le génie de Musset se dissipa avec sa jeunesse. Par l'usure de la sensibilité son imagination s'épuisa comme un arbre à bout de sève : à l'âge des maturités fécondes, Musset semble flétri. Victor Hugo, malgré ses prétentions à la psychologie dramatique et à l'histoire, ne domina guère mieux la force envahissante de son lyrisme. Ses drames sont la mise en scène de la