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192 SULLY PRUDHOMME

un acte public la leçon donnée par la nature.

Les strophes de la IX e veille de la Justice pren- nent maintenant tout leur sens. Elles s'opposent aux strophes si hautaines de Vigny sur l'indiffé- rence de la nature qui ne sent pas nos adorations et se nourrit de l'hécatombe de nos morts. Elles apportent, sur le droit naturel des hommes, une théorie neuve et forte dont les conséquences se dérouleront à travers nos réformes morales.

Nous pouvons maintenant comprendre et classer les différentes attitudes prises par le poète devant la Nature. Il a prononcé d'abord des paroles de blâme, puis des paroles de résignation, enfin des paroles de respect et de gratitude. Le sentiment de la nature, suivant la courbe de la philosophie du poète, a passé de l'effroi à l'admiration con- fiante, de la plainte à l'amour.

La première partie du poème de la Justice aboutit au désespoir, à l'anathème, à la passion du néant. Déjà dans les Vaines Tendresses et les Solitudes on rencontre souvent des chants de deuil qui orchestrent la sombre voix que le poète lance, comme une protestation, contre les scan- dales de la Nature :