Page:Zyromski - Sully Prudhomme, 1907.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L'IDÉE DE LOI 233

Imaginative et à l'inquiétude sentimentale. Sully Prudhomme, au contraire, a plié sa poésie à la méditation des lois naturelles.

Pour les mêmes raisons, il s'est détaché des Parnassiens. Il approuvait, certes, leur culte de l'art et leur sentiment des disciplines nécessaires, mais il trouva, devant l'œuvre des artistes, de nouveaux motifs de superposer au culte de l'Art le culte de la Pensée. Je n'oublie pas qu'Emma- nuel des Essarts, qui parle avec tant de compé- tence du groupe de 1866 dont il eut la gloire de faire partie, a souvent protesté contre le jugement de la critique sur l'impassibilité Parnassienne, et j'ai montré plus haut ce qu'il y avait d'émouvant dans ce calme apparent qui dissimulait les plus nobles soucis. Mais les Parnassiens gardaient le préjugé romantique de la prédominance de l'émo- tion et de l'image, et, s'ils laissaient échapper en de beaux vers leurs effusions d'humanité, ils ne songeaient guère à renouer la chaîne des grands poèmes philosophiques. Leur idée de l'art, su- prême expression de la vie, les condamnait aux poèmes éclatants, mais morcelés. Or Sully Prud- homme soumet l'art lui-même à la loi de l'aspi- ration. Il juge les artistes d'après la qualité des