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Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/374

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Sans Jésus-Christ le monde ne subsisteroit pas ; car il faudroit, ou qu’il fût détruit, ou qu’il fût comme un enfer.




ARTICLE XXIII[1]


1.

Commencement. — Les miracles discernent la doctrine, et la doctrine discerne les miracles[2].


2.

Il y en a de faux et de vrais. Il faut une marque pour les connoître ; autrement ils seroient inutiles. Or, ils ne sont pas inutiles, et sont au contraire fondement. Or, il faut que la règle qu’il nous donne soit telle, qu’elle ne détruise pas la preuve que les vrais miracles donnent de la vérité, qui est la fin principale des miracles.

Moïse en a donné deux : que la prédiction n’arrive pas, Deut., xviii, 22, et qu’ils ne mènent point à l’idolâtrie[3], Deut., xiii, 4 ; et Jésus-Christ une[4].

Si la doctrine règle les miracles, les miracles sont inutiles pour la doctrine. Si les miracles règlent...

... Dans le Vieux Testament, quand on vous détournera de Dieu. Dans le Nouveau, quand on vous détournera de Jésus-Christ. Voilà les occasions d’exclusion à la foi des miracles, marquées. Il ne faut pas y donner d’autres exclusions.

... S’ensuit-il de là qu’ils auroient droit d’exclure tous les prophètes qui leur sont venus ? Non. Ils eussent péché en n’excluant pas ceux qui nioient Dieu, et aussi péché d’exclure ceux qui ne nioient pas Dieu.

D’abord donc qu’on voit un miracle, il faut, ou se soumettre, ou avoir d’étranges marques du contraire. Il faut voir s’ils nient ou un Dieu, ou Jésus-Christ, ou l’Église.

S’il n’y avoit point de faux miracles, il y auroit certitude. S’il n’y avoit point de règle pour les discerner, les miracles seroient inutiles, et il n’y auroit pas de raison de croire. Or, il n’y a pas humainement de certitude humaine, mais raison.


3.

Toute religion est fausse, qui, dans sa foi, n’adore pas un Dieu comme principe de toutes choses, et qui, dans sa morale, n’aime pas un seul Dieu comme objet de toutes choses. Les juifs avoient une doctrine de Dieu comme nous en avons une de Jésus-Christ, et confirmée par miracles ; et défense de croire à tous faiseurs de miracles, et, de plus, ordre de recourir aux grands prêtres,

  1. Article XVI de la seconde partie, dans Bossut.
  2. On lit encore à la page 475 du manuscrit : « Règle. Il faut juger de la doctrine par les miracles, il faut juger des miracles par la doctrine. Tout cela est vrai, mais cela ne se contredit pas. »
  3. La phrase serait plus claire s’il y avait : « Et qu’ils mènent à l’idolâtrie. »
  4. Marc, IX, 38 : « Il n’est pas possible qu’un homme fasse un miracle en mon nom, et qu’en même temps il parle mal de moi. »