Panthéon égyptien/48

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Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 365-366).

SATÉ ou SATI.

(satis, l’héra ou la junon égyptienne.)
Planche 19 (A)

Les bas-reliefs sculptés sur les édifices religieux de l’Égypte nous offrent assez fréquemment la représentation d’une déesse caractérisée surtout par sa coiffure formée de la portion supérieure du pschent, flanquée de deux cornes. Cette divinité, dont le nom hiéroglyphique est formé de quatre caractères (voyez pl. 19 (B)) répondant aux lettres coptes ⲥⲧⲏ, qui pouvaient se prononcer Saté ou Sati, est figurée sur un grand nombre de bas-reliefs, et presque toujours à la suite du dieu Ammon-Chnouphis, avec lequel Sati paraît s’être trouvée dans des rapports mythiques très-intimes.

Cet aperçu, déduit de la seule inspection des monuments, devient un point de fait démontré par une inscription grecque du temps de Ptolémée Évergète II, gravée sur un autel découvert par M. Ruppel, à Sehhélé, île située entre Philæ et Éléphantine[1]. On y lit en effet que l’une des divinités locales, assimilée par les Grecs à leur Héra (la Junon des Latins), porta, en langue égyptienne, le nom de ΣΑΤΙΣ, Satis, ou plutôt ΣΑΤΙ, Sati, en faisant abstraction de la finale grecque. Dans cette même inscription, Héra-Satis ou Junon-Satis, est nommée, immédiatement après, Ammon-Chnoubis. D’autre part, une inscription latine a été copiée dans les carrières de Syène, par l’infatigable Belzoni[2], sur un autel dédié à Jupiter-Chnoubis et à Junon-Reine, protecteurs de ces montagnes ; il est donc certain que la divinité figurée sur notre planche 19 (B), est la déesse Sati, la Junon égyptienne, la compagne d’Ammon-Chnouphis, le Jupiter égyptien.

Que Sati ou Saté fût dans les mythes sacrés de l’Égypte l’épouse de ce grand dieu, ou qu’elle en fût seulement une parèdre, c’est ce que les textes hiéroglyphiques connus jusqu’à ce jour ne nous ont point encore appris. Quoi qu’il en soit, elle partage les honneurs rendus à Ammon-Chnouphis, et nous citerons d’abord une belle stèle rapportée de Thèbes par lord Belmore[3], et un bas-relief sculpté sous le portique du grand temple de Philæ, et représentant Ptolémée Évergète II offrant l’encens à Chnouphis et à la déesse Saté, assise à côté du dieu[4]. Dans un temple beaucoup plus ancien, celui du dieu Chnouphis, à Éléphantine, monument du règne d’Aménophis II, de la XVIIIe dynastie, on voit Saté[5] qui présente elle-même le pharaon à Ammon-Chnouphis ; plus loin la déesse reçoit, à la suite du même dieu, les offrandes du monarque[6].

Le culte de Saté exista donc en Égypte du temps des Grecs, comme sous les rois de race égyptienne : c’était une des plus anciennes divinités du pays.

L’image de cette déesse (pl. 19) est extraite de la Description de l’Égypte[7]. Les chairs sont peintes en rouge, contre l’habitude des Égyptiens, qui n’attribuent ordinairement cette couleur qu’aux divinités mâles. Mais la stèle coloriée de lord Belmore donne aux chairs de la déesse cette même teinte rouge, et cette concordance prouve, dans cette occasion, en faveur de l’exactitude du dessin publié dans la Description de l’Égypte. Saté tient dans ses mains l’emblème de la vie, et le sceptre terminé par une fleur de lotus, commun à toutes les déesses. Les ailes de vautour que les Égyptiens attribuèrent aux déesses mères[8] du premier, du second et du troisième ordre, sont reployées et enveloppent sous leurs replis les cuisses et les jambes de Saté.


Notes
  1. Recherches pour servir à l’histoire de l’Égypte, etc., par M. Letronne, pages 341 et 480.
  2. Idem, page 361.
  3. Ce monument colorié représente huit magistrats qualifiés d’auditeurs dans le prétoire de justice, adressant leurs supplications à quatre divinités, Phtha, Chnouphis-Chnoumis, Saté et Anouké.
  4. Description de l’Égypte, Antiquités, vol. I, pl. 16, no 1.
  5. Idem, pl. 37, no 2.
  6. Idem, pl. 37, no 1.
  7. Idem, pl. 16, no 1.
  8. Voir l’explication de notre planche 6 quater.

——— Planche 19 (A) ———