Panthéon égyptien/71

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Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 159-160).

THOTH PSYCHOPOMPE,

LE SECOND HERMÈS DANS L’AMENTÉ.
Planche 30 (C)

Le Thoth égyptien ibiocéphale, compagnon fidèle d’Osiris tant que ce dieu resta dans le monde pour adoucir les mœurs des hommes, n’abandonna point ce dieu lorsque, ayant terminé sa mission sur la terre, il alla établir son tribunal et sa demeure dans l’Amenté (l’enfer des Égyptiens), lieu où se réunissaient les ames pour rendre compte de leur conduite, et d’après le résultat de cet examen, être réparties dans les diverses régions célestes, ou rentrer dans des corps matériels en expiation de leurs fautes. Thoth fut, après Osiris, le premier personnage de ce lieu terrible, où les destinées des ames étaient réglées à chacune de leurs transmigrations sous forme humaine. Les peintures qui décorent les manuscrits funéraires, les cercueils et enveloppes des momies, et les bas-reliefs des catacombes de l’Égypte, ne permettent aucun doute à cet égard ; tout nous montre le dieu Thoth remplissant auprès des ames, diverses fonctions qui l’assimilent complètement à l’Hermès Psychopompe des Grecs.

Le dieu à tête d’Ibis est en effet représenté dans les scènes mythiques peintes sur les enveloppes des momies et relatives au jugement de l’ame, conduisant par la main le défunt ou plutôt son ame figurée sous les apparences du corps qu’elle vient de quitter, devant la balance infernale, ou aux pieds du trône d’Osiris dominateur de l’Amenté. J’ai reconnu cette scène sur plusieurs momies, sur deux entre autres, dont l’une appartient au cabinet du Roi, et l’autre à la précieuse collection de M. Durand.

Souvent aussi le dieu Thoth semble instruire les ames et les préparer à l’effrayante épreuve qu’elles ont à subir, leurs actions allant être pesées dans l’équitable balance de l’Amenté. Ce sujet est figuré en grand sur un des bas-reliefs du tombeau royal du pharaon Phtah-ousireï-mèn, découvert à Thèbes par le célèbre voyageur Belzoni dont la perte récente, au moment même où il allait décider le plus important des problèmes relatifs à la géographie de l’Afrique intérieure, sera à jamais regrettable et vivement sentie par tous ceux qui accordent une estime bien méritée au courage réfléchi qui se dévoue généreusement au progrès de la science.

La plus grande partie des grandes scènes peintes, placées au commencement ou à la fin des manuscrits funéraires soit en écriture hiéroglyphique, soit en écriture hiératique, et qui représentent la Psychostasie et le jugement des ames par Osiris, nous offrent le second Thoth debout devant le trône du juge suprême, et dans l’attitude qu’on lui voit sur notre planche 30 (C). La tête du dieu est celle d’un ibis, ordinairement peinte en noir, d’où l’on pourrait inférer peut-être que l’Ibis blanc était plus spécialement consacré à Thoth considéré dans ses attributions relatives aux globes de la Lune et de la Terre, et l’ibis noir à ce même dieu réglant le sort des ames dans l’Amenté, l’enfer ou la région ténébreuse. La tête d’oiseau qui remplace la tête humaine de Thoth, est couverte de la coiffure égyptienne ordinaire, et n’est surmontée d’aucun symbole particulier : le dieu tient dans sa main gauche une tablette rectangulaire pareille à celles qu’on a découvertes depuis peu dans les catacombes égyptiennes, et qui, portant vers leur partie supérieure deux cavités destinées à recevoir des pains de couleur noire et rouge, et sur leur milieu, des rainures pour des pinceaux, ont été facilement reconnues pour un ustensile de peintre ou d’écrivain. On a donné à ces tablettes, qui portent presque toutes des légendes hiéroglyphiques, le nom de palette : Thoth est figuré traçant avec un roseau ou un pinceau qu’il tient dans sa main droite, des caractères sur la tablette qui, combinée avec le pinceau et un petit vase renfermant soit de l’encre, soit de l’eau pour layer les couleurs, forme le groupe hiéroglyphique tropique[1] exprimant les idées Écrire et Écriture, idées dont les mots Shai, Sah, ou bien Skhai et Sakh étaient les signes dans la langue orale.

Ainsi c’est la science divine personnifiée qui perscrutait la vie passée des ames et présentait le résultat écrit de cet examen au dieu bienfaisant par excellence, Osiris, dont la bouche sainte prononçait la sentence. J’ai reconnu dans les peintures des manuscrits les plus soignés, que le caractère inscrit par Thoth sur la tablette, était le signe recourbé[2], l’une des formes de la consonne S dans l’écriture hiéroglyphique. Comme on ne pourrait présenter que des conjectures sur le sens de cette lettre initiale, j’ai cru devoir me borner à reconnaître le fait seulement.


Notes
  1. Voyez sur nos planches 30 et suivantes le dernier caractère de la légende no 1.
  2. Voyez le premier signe du nom du dieu Sovk, pl. 21, lég. no 1.

——— Planche 30 (C) ———