Par la harpe et par le cor de guerre/Texte entier

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LA VÉRITÉ À LA FACE DU MONDE


Ce petit livre est dédié

à Jean Le Fustec

(Yann ab Guillerm)

Grand Druide du Gorsedd des Bardes

de la Presqu’ile de Bretagne



INVOCATION




Ô toi, mon confrère qui vécus
Entre le Porz-Gwenn et la Roche de l’Hélas,
Non loin des lieux où moi-même
Je naquis à la vie, o Gwiklan !

Toi, Prophète, Barde et Martyr,
Donne-moi la force en tout temps
D’élever ma voix, comme toi,
Quelle que soit ma destinée.

Mes yeux auraient-ils été transpercés,
L’écluse de mon sang serait-elle ouverte
Par le tyran exécré de ma patrie,
Fais-moi hurler encore, terrible,
En mon ultime gémissement :
Malheur à l’Étranger ! Bretagne à jamais !




I

LE RETOUR DU BARDE


i


Né sur la terre des landes et des collines, — Au bord de la mer sauvage du nord, — Quand j’étais dans mon premier âge, — Le sang de mes veines était d’un rouge généreux.

Il bouillonnait à l’air de la côte ; — Mais maintenant mes joues sont décolorées ; — Hélas ! je vais par les pays, — Une fleur d’absinthe aux lèvres.

Mes ancêtres, vivants ou morts, — Étaient grandement honorés dans leur patrie… — Hélas ! et moi, sur le déclin de l’âge, — Je suis comme une herbe dans le pré.

Au-dessus de leur tête brillait le soleil, — Les regards du peuple vers eux se levaient. — Qui peut savoir si je suis bon ou mauvais ? — Je ne dépasse point le niveau des autres.

Les anciens savaient vivre — Sages et sans compromissions en ce monde ; — Ils cultivaient leur petit jardin ; — Et, parmi leurs fleurs, des saints grandissaient,

Mais les jardins sont abandonnés, — Les fleurs sont étouffées par les ronces ; — Dans le manoir sans toit ni porte — Vient hurler le vent de la mer.

La lumière va disparaître, — La Grande Nuit vient, épouvantable ; — La face rouge, comme le sang, le soleil pleure, — Avant de mourir, au bord de l’horizon.

Et toi, ma colombe ! oh ! quelle vie — T’ai-je faite jusqu’aujourd’hui, — À toi toujours la seule joie de mon logis, — Ton cœur battant contre le mien !

Le cœur glacé et oppressé, — Dans le deuil et dans l’effroi, — Je marche sur les ruines, — Une fleur d’absinthe à la bouche.


ii


Mais voici qu’un nouveau soleil, — Large, rayonnant, se montre dans les arbres ; — Un beau pays s’étend, — Sur le bord de la mer, au bout du monde.

On entend le cœur de la terre — Bouillonner au sein de ses profondeurs ; — Les nuages noirs fuient dans les cieux ; — Dans les champs s’épanouissent les fleurs. L’ombre est chassée, — La joie est dans les yeux de l’homme ; — Les frères enfin se reconnaissent, — Et, la main dans la main, appellent l’avenir.

Arrière, ruines mille fois maudites, — Où mon cœur était navré ; — Où, sur la terre, je versais — Mon sang et les larmes de ma douleur !

Salut à toi, terre charmante ! — Ton aspect me récon- forte : — Chaque langage, chaque fête, chaque souvenir, chaque coutume, — Tu as tout ressuscité, tout rajeuni !

Ayant secoué la poussière de mes talons, — Avec un cœur joyeux, je vais à toi ; — Me voici de retour et pour chanter, — Parmi les meilleurs de tes fils.

J’ai jeté la plante amère — Et cueilli sur le bord du sillon, — Au milieu des fleurs de la terre labourée, — Une petite marguerite de neige et d’or.

Et maintenant, si Dieu m’en fait la grâce, — Je vais, pendant le reste de ma vie, — Tresser des couronnes — Avec des rameaux de laurier et de chêne.



II

ÉLÉGIE DES MARINS


Les mois noirs sont arrivés : — Avec eux le mauvais temps est venu, — Le temps cruel, impitoyable — Pour ceux qui sont dehors chaque jour.

Dans la fureur du jour et de la nuit, — Sans un arrêt, sur ma maison close, — La vieille demeure qui gémit et qui tremble, — J’entends le vent passer.

Parfois il arrive, tranquille, — Et siffle gaiement à chaque interstice ; — Mais tout à coup il rassemble ses forces — Pour s’élancer comme un cheval emporté.

Les grands arbres les plus vigoureux — Sont tordus par la bête effrayante ; — Et les maisons sur les collines — Ont leurs toits arrachés.

Les feuilles et la paille volent — À travers l’atmosphère humide, pleine de rumeurs, — De rumeurs et (l’obscurité, — Dans le tourbillon de la tourmente,

Oh ! quel affreux temps est venu ! — Pluie et vent de tout côté, — Chaque jour, dans la vallée, sur la colline ; — Aujourd’hui est pire qu’hier.



Malgré le temps qui fait rage, — Le pauvre laboureur, — Depuis l’aube et sans cesse, — Bêche les champs pour le blé.

Mais d’autres sont encore à plaindre — Qui gagnent leur vie au milieu des dangers, — Dans une barque ballottée — Sur la profonde mer désentravée.

Ceux-là sont constamment en face — De la mort horrible, dans leur bateau : — Le bateau vibre et grince — De la cime aux profondeurs du sillon liquide.

Nul ne sait quelle vie — Ont là-bas les gens de mer, — Au loin, parmi les tempêtes, — Eux, les laboureurs des vagues.

Ô vous, dans votre lit chaud, la nuit, — Savez-vous quand, comment — Et où, sur la mer, mourront — Les pauvres matelots de notre pays ?

Dans les arbres, le vent sauvage hurle, — Mais vous dormez dans votre lit ; — Fenêtres et portes sont bien closes : — Vous n’entendez pas la mer en furie.

Trois fois j’ai fait le tour de la terre, — Car sur la mer j’ai longtemps erré, — Et trois fois j’ai vu la mort m’apparaître — Entre l’eau et les cieux.

Aussi quand vient le temps effréné, — Mon esprit par- court l’immensité, — L’immensité des mers furieuses, — À la suite de tous les marins.

Encore si le cadavre venait — Vers la mère-patrie, sur le flux, — Alors sur la terre bénite — S’en iraient prier l’épouse et l’enfant !

L’autre jour, devant le seuil de ma cour, — Une jeune femme, éperdument, criait, — Allant chercher le corps de son époux, — Noyé au port de Saint-Malo.

Mais combien qui ne viendront pas — À leur vieille paroisse pour le sommeil suprême ! — Jetés d’un côté, jetés de l’autre — Il ne parviendra d’eux aucune nouvelle.

Quand le vent hurlera à votre porte, — Priez pour les gens de mer — Madame Marie de Bon-Secours — Qu’elle

les sauve de l’eau.

III

ÉLÉGIE DU BARDE QUELLIEN


Sonnez, cloches de La Roche et cloches de Tréguier, — Sonnez le glas : — Un barde est mort, là-bas, avant son heure, — Au milieu de la Grande Ville.

Sonnez, cloches de Plouguiel et cloches de Saint-Yves, — Au-dessus des deux rivières ; — Avec des accents affligés, cloches, dites notre douleur, — Dans les campagnes et dans les villes.

Chères jeunes filles, déployez vos coiffes, — Et vous, femmes, — Mettez vos manteaux noirs, car aujourd’hui c’est jour de deuil, — En vérité.

Oh ! que d’amour il avait dans le cœur, — Pour vous ! — Et pour le pays des bruyères, des chênes, du goémon — Et du blé noir !

Marchez donc lentement et sans bruit, je vous en conjure, — Le long des chemins : — Jamais, mes sœurs, à Quellien, vous ne porterez — Assez de regret.

Une colombe grise et une petite colombe blanche, — Autour de la vieille tour de Saint-Michel, — Ensemble volent à tire-d’aile — Et voleront à jamais.

De là on distingue la mer bleue — Qui écume sur les rochers, — Les champs verts et boisés — Jusqu’aux épaules de Brê, le mont aride.

De là on distingue Bréhat, — Gildas, Mode, Gwennou et Er, — Toute la terre trécoroise, restée vierge — Sous les regards de l’Étranger.

Notre patrie déploie sa douceur, — Entre la mer et la montagne ; — L’air est saturé de son âme — Victorieuse de la Vieillesse et du Temps.

Sur mer, sur terre et dans le ciel, — Partout subsistent les traces des Saints. — Comme l’eau courante, au bord des chemins, — Les yeux sont transparents.

Et comment, après la mort, — L’âme du Barde pourrait-elle rester éloignée — De son cher pays de Bretagne, — Quand la vie de larmes est terminée !

La colombe grise et la petite colombe blanche, — Nichées en la tour de la vieille église, — Sont deux âmes revenues au pays ; — Celles de Renan et de Quellien.

Autour d’elles coassent les corneilles, — Mais elles, au delà de la mort, — Volent, dans les clartés célestes, — Dans leur rêve, au-dessus des clameurs.

Près de la petite ville de Tréguier, — Lorsque, moi aussi, je serai mort — À mon tour, à eux je me joindrai, — Sous la ressemblance d’une Alouette.



IV

MARGUERITE DE KERONARD


Poésie de Charles Le Goffic.


Une chanson vient d’être écrite — En dialecte léonard, — Une chanson sur Marguerite — De Keronard.

C’était la plus riche héritière — Qu’on connût chez nos paysans. — On l’a menée au cimetière — À vingt-deux ans.

— Margot, Margot, que je te gronde ! — Où sont passés ta lèvre en fleurs, — Tes fins cheveux, ta gorge ronde — Et tes couleurs ?

— C’est votre faute à vous ma mère. — On vous l’a dit et répété : — Rien n’est, hélas ! plus éphémère — Que la beauté.

À quoi me sert d’être jolie — Comme un fruit mûr en sa saison, — Si par vos ordres l’on m’oublie — À la maison ?

Le plus beau tissu devient loque. — C’est le destin de nos appas. — Mariez-nous quand c’est l’époque ; — N’attendez pas !…

Je veux qu’on m’enterre un dimanche. — Creusez ma tombe et semez-y — De l’aubépin, de la pervenche — Et du souci.

Pour vous dont les cœurs infidèles — Ont fui tout à coup de mon toit, — Comme on voit fuir les hirondelles, — Au premier froid,

Puisque aujourd’hui dans nos campagnes, — Fermier, gentilhomme ou valet, — Vous avez trouvé les compagnes — Qu’il vous fallait,

Ô jeunes gens de ma paroisse, — Je prierai Jésus, mon Seigneur, — Qu’il favorise et qu’il accroisse — Votre bonheur !

Et maintenant sonnez l’antienne. — Oignez mon corps d’ambre et de nard. — Je n’ai plus rien qui me retienne — À Keronard…

Elle mourut sur ces paroles, — Un soir que les vents attiédis — Jouaient dans les branches des saules… —

De profundis !

V

MORT DE GEOFFROY DU PONTBLANC, CHEVALIER


Pays des hommes vaillants, d’autrefois et d’aujourd’hui, — Bretagne ! qui donc fut jamais plus brave que celui-ci ?

Les Anglais exécrables, ainsi que des loups, à minuit, — Par la trahison sont entrés dans la vieille cité.

Or Geoffroy du Pontblanc est encore éveillé dans son lit. — Un bruit le surprend. Il se jette sur son épée. —

Le bruit des armes !… « Les Anglais sont dans Lannion !… » — Point n’est besoin de cuirasse au chevalier vaillant. —

La ceinture de cuir de son épée, bouclée sur son corps nu, — La lance au poing, dans la rue, le voici.

Seul contre cent, seul contre mille, — Sa lance et son épée, à droite et à gauche, frappent.

Ainsi qu’un troupeau de moutons chassés par le berger, — Ensanglantés, les Saxons sont repoussés au centre de la ville.

La honte, dans leur cœur, enfin monta : — « Nous sommes mille ici, fuyant devant un homme nu ! « Archers, frappez vite ! avant l’arrivée du renfort ! — « N’étant point courageux de près, soyons vaillants de loin ! «

Une flèche, raide et acérée, traversa son genou : — Le chevalier Geoffroy du Pontblanc trébucha de douleur.

La flèche dans la jambe, mais l’épée toujours étincelante, — Il recula, lentement, jusqu’à la muraille de sa demeure.

Au mur appuyé, rude besogne il faisait encore, — Tant que la force ne trahit point son bras.

Mais les Anglais maintenant moins inquiets, — S’approchaient en nombre, leurs haches levées.

Hélas ! tu ne bouges plus, chevalier Geoffroy du Pontblanc, — Par un Saxon sans cœur, ta tête a été tranchée.

Mais en terre bretonne il reste encore de ta graine : — Ils lèveront nombreux, les rudes hommes. — Dieu les rende forts ! —

Et le sang coulera, comme la rivière qui passe : — Éternel est notre souvenir ! Paix à toi, chevalier du Pontblanc !


COMME L’ON AIME EN BRETAGNE


— « Où sont vos deux joues en fleur ? — Vous êtes attristée, chère petite Anna. — Votre front blanc est plus pâle encore ; — Vos yeux sont remplis de larmes. »

— « Hélas, cher Yann, mon âme — Est angoissée jusqu’à mourir. — Et, si tu savais la nouvelle, — Aussi grand serait ton chagrin. »

— « Oh ! dis-moi, ma douce jolie, — Pourquoi ta tristesse ? » — « Ami, ne songe plus à moi désormais, — Jamais Annaïk ne sera joyeuse. »

Et la pauvre enfant disait : — « Ma pauvre petite vie est navrée. — Ma marâtre m’a vendue — À un étranger, hier matin.

Vendue à un homme plein d’orgueil, — Venu sans doute du pays français ; — Partout il marche le front orgueilleux, — Devant les hommes et devant Dieu.

Depuis je cours à travers champs, — Ayant la fièvre, le délire, — Pour te chercher, mon tendre ami, — Avant d’aller avec la mort. »

— « Anna, je t’ai donné ma foi, — Donne-moi ma part de ta douleur… — Mais chassons chagrins et crainte : — Nous allons être mariés.

Sèche tes yeux pleins de pleurs : — En un pays sans méchancetés, — Nous verrons Jésus et la Vierge — Notre-Dame de Bon-Secours. »

Et leur douleur, hélas ! étant trop grande, — Trop grande pour leur jeune cœur, — Ils moururent parmi les fleurs — Les fleurs d’or au pied de la Croix.


VII

ÉPITHALAME DE MAB-AN-ARGOAD


Voici la plus belle noce, — Qui ait été vue en Bretagne, — Évidemment depuis seize siècles.

Depuis que la mer fut traversée — Par nos ancêtres, en Armorique — On ne fit jamais tant d’honneur

À tant de peuple accouru — Du Trégor, du Léon, du Pays vannetais — Et de la Cornouaille, le pays boisé.

On voit, quel miracle ! — On voit douze cents convives ; — Parmi eux, foule de gens de grand renom.

Parmi les gens simples, les laboureurs — Verts rejetons de notre antique souche — Circulent les Porteurs de Harpe.

— « Un barde excellent sera marié… » — Et soudain voici les Bardes, — Sur les collines de Skrignak accourus.

Paroisse de Skrignak, sur la montagne, — Ô paroisse bénie de Dieu ! — Exaltée sera la noce d’aujourd’hui !

Vingt marmites sont là, hors de la maison, — Répandant leurs vapeurs dans l’air, — Comme si dix couples s’unissaient !

Si maintenant nos aïeux — Sont allongés dans les cimetières, — Leurs vieux usages ne sont point morts cependant.

Leurs âmes légères doivent, — Dans l’air, aujourd’hui si pur, — Au-dessus de nos têtes, voltiger.

Éclatantes, les cloches matinales — Ont carillonné pour elles, — Et sans retard elles sont accourues.

Bombardes et binious sonnent, — Le champ est recouvert de tables servies ! — En Bretagne, quelles superbes cérémonies !

— Demain l’on entendra, certes, — Tous les Bardes qui sont ici, — En Bretagne et en France chanter,

Chanter vos louanges, — Skrignak, et les vôtres aussi, jeunes époux, — Car aujourd’hui, quels salutaires exemples !

Avec tes écrits, Alfred Lajat, — Avec ta harpe, Mab-an-Argoad, — Tu es pour la Bretagne un solide soutien.

En ton costume à la mode de Scaer, — Jeune époux, tu es superbe, — Et brillant comme le soleil lumineux.

— Mais vous, petite épouse, comme une rose, — Reine des fleurs du jardin, — Vous levez au-dessus des autres votre tête.

Il n’en est point de plus belle, chacun le sait ; — Votre front est blanc comme la cire — Vous êtes aussi sereine que l’astre de la nuit.

Oh ! combien il est joyeux, — Le laboureur du Jardin d’Été, — De vous cueillir, rose heureuse !

Bénédiction de Dieu sur vous deux ! — Quotidien

bonheur pendant votre vie ! — Et, enfin, la Paix Éternelle !

VIII

LA PLAINTE DU VIEUX BARDE MÉCONNU


À quoi nous sert-il de naître ! — Il n’est partout que méchanceté. — Nous pleurons dès notre berceau, — Nous pleurons durant le cours de la vie.

Ai-je vécu sans me lamenter — Une semaine ou même un jour ? — Et cependant la terre est bonne… — Mais l’homme, combien mauvais !

J’ai voyagé dans ma jeunesse, — Et partout je n’ai vu que vilenies. — Et sur mes pas je suis revenu, — Sans la paix et sans le bonheur.

Et me voici maintenant dans ma patrie : — Les campagnes n’ont point change ; — Mais je suis comme un trépassé — Pour mes amis et mes parents.

Ils ne pénètrent plus mon esprit, — Ils se montrent sourds à ma voix ; — Leurs yeux sont scellés, — Quand les miens sont noyés de larmes.

Oh ! s’il y avait encore pour moi — Une parcelle de terre oubliée, — Un îlot sur la mer profonde — Pour étendre mon corps exténué !

Un coin, une île inhabitée, — Mesurée à ma stricte grandeur, — Où jamais ne viendrait le bruit — De ce qui se passe sur terre !

Mais, hélas ! en ces temps nouveaux, — Il n’est plus pour moi de retraite : — Sur le rivage de la mer, dans les bois sauvages, — Partout me suivra le méchant.

Sur quels chemins m’en aller maintenant, — Quand je vois venir la vieillesse, — N’ayant frère pour me soutenir, — Ni enfant pour me consoler !

Oh ! l’immense, l’immense tristesse ! — Ma tête s’affaisse sur mes genoux… — Je suis vaincu par le chagrin… — J’ai tranché les cordes de ma harpe…


IX

CONSOLATION AU VIEUX BARDE


Relève-toi ! corps et esprit, relève-toi ! — Honte à toi de tomber si bas ! — Le soleil reparaît après la pluie, — Et la paix après la guerre.

Qui donc lèvera bien haut le front ? — Qui donc aux foules donnera l’exemple ? — Qui donc nourrira la blanche Hermine — Et rentrera le grain après la moisson ?

Ce que tu as prophétisé, — Tôt ou tard s’accomplira. — Si le présent te raille, — L’avenir te louera.


Souffle le feu dans le foyer — Et mets-y une grosse souche, — Afin qu’un tison soit encore trouvé — Par ceux qui viendront demain.

Alors que tu vois accourir des malheurs, — Un hiver dur, noir et sauvage, — Verse l’huile dans la lampe — Afin que la nuit ne soit point sans lumière.

Quand une autre génération se sera levée, — Quand l’Été fleurira sur la Bretagne, — Quand il n’y aura plus ni bride ni entraves, — Peines de cœur, souffrances, ni larmes,

Quand régnera le bonheur, — Sur la Bretagne relevée, — On se souviendra que tu peinas, — Ta vie entière, pour la défendre.


Tu n’auras point la part de joie — Qui sera l’héritage de chacun ; — Ton corps de cendre ne sera plus rien, — Mais ton âme sera dans la félicité.


Et dans les hauteurs du Ciel, — Où sont les Saints et Saintes de Bretagne, — Ses Rois sur leurs trônes — Et les vieux Bardes au centre de leur cercle,


Les Bardes sur leurs Harpes, — Durant la vie sans fin, — Chantant la Bretagne et les travaux merveilleux — De ses fils invaincus,


Dans les hauteurs de la Bretagne céleste, — Ton âme sera consolée, — En voyant au-dessus de tous les royaumes, — La Bretagne enfin restaurée.



X

L’ANTIQUITÉ CELTIQUE


Au temps, maintenant couvert d’obscurité, — Au temps très ancien, d’avant l’ère chrétienne, — Si vieux qu’on en perd le souvenir ; — Sans doute peu de temps après le débordement des mers ; — La race des Celtes, née en Asie, — Descendit en Europe pour se procurer de la terre et un toit.

Venant d’un pays où survivait encore le souvenir — Des premiers Parents enseignés par Dieu même, — Noé, Abraham et les vénérables Patriarches, — Sur les montagnes arides, au sein des forêts vertes, — Partout où les Celtes passaient, partout, — En l’honneur de la Divinité, ils érigeaient des pierres colossales.

La première lumière par eux fut répandue — Sur les terres sauvages, encore sans loi et sans foyer.


D’aucuns disent qu’à cette époque n’était pas encore ouvert — Le détroit maintenant creusé entre les deux mers, — Qu’il n’était encore nul besoin de la barque du marinier

— Pour se rendre en Grande-Bretagne : mais qu’on s’y rendait à pied sec. — D’autres savants disent aussi — Que la Grande-Bretagne était déjà une île dès cette époque.

Quoi qu’il en soit, passé détroit ou passé presqu’île, — Chaque groupement dans le pays nouveau édifia sa nation.

Cependant tous les Celles ne passèrent point la mer : — Un certain nombre de familles descendit en Armorique.


Rendus au cap du Bout du Monde, en Bretagne, les hommes sans peur — Tournèrent à gauche jusqu’à la Petite Mer ou Morbihan — « Nous ne pouvons aller plus loin… Ici sera la halte : — Songeons donc maintenant à bâtir un temple. »

Alors le monde contempla ce qu’il ne vit jamais : — L’œuvre la plus colossale qui ait été édifiée sur terre. — Nul ne sait combien d’ans, combien de siècles peut-être, — Dura cet effort exécuté en hommage à Dieu.


Vingt mille menhirs plantés pour l’éternité, — Debout sur la plaine, portaient la toiture de l’édifice, — Mais la toiture des temples à cette époque était légère — Elle n’était autre que la voûte même du ciel.


Devant le temple de Karnak, à moins qu’il ne soit aveuglé, — L’homme est pris de vertige en songeant au passé. — Quels hommes étiez-vous donc, ô chers ancêtres ! — Et combien petits sommes-nous aujourd’hui, près de vous, — Puisque vous pouviez à cette époque, et par le corps et par l’esprit, — Exécuter ces travaux qui nous frappent de stupeur ?

Cependant là-bas, par delà La mer, — Au Dieu Eternel on rendait le même honneur. — Partout en Grande-Bretagne, comme en Irlande, — De cette antiquité subsistent les vivants souvenirs.

Bien d’autres races, venues après la nôtre, — Ont été vues, s’élevant et grandissant rapidement, — Mais aussi rapidement toutes sont passées, — Et sur leurs ruines restent encore les Celtes.

Si nous n’avons point édifié, ainsi qu’en certaines contrées, — Des palais sculptés du haut en bas et sur toutes les faces, — Ce n’est que pour observer l’antique loi, — La loi du Dieu véritable qui portait malédiction — Sur celui qui profanerait la figure admirable de la terre, — Sur celui qui frapperait un coup sacrilège sur l’œuvre du Créateur. — Nulle hache n’abattait les arbres des bois, — Nul marteau ne brisait un roc dans les campagnes.


Les prêtres de ces temps, les Druides vénérables, — Enseignaient au peuple que la mort n’est rien : — Qu’est la mort ? sinon le milieu de l’existence ? — Un voile soudain déchiré devant une existence nouvelle ? — Sorti de rien, l’homme ne fait que passer — Mais ses bonnes œuvres [’élèvent vers la lumière. — Malheur à celui qui va sur le chemin du Mal : — Plus longtemps il s’affaissera sous son fardeau. — Celui qui se dévouera pour le bien du prochain, — Au delà de la mort s’élèvera d’un nouveau degré.


Mort, vie et mort, et survie au Gwenved, — Parmi ceux que nous aimâmes, au sein du bonheur.


Cette foi faisait que la foule envisageait la mort — Plutôt avec joie même qu’avec de la crainte et des larmes. — Dans les terribles guerres les hommes couraient devant le danger. — Jamais ne vit-on des hommes plus valeureux.

On a beau répéter qu’ils vivaient parmi les forêts, — Tels que des animaux muets ou des hommes sauvages, — Il n’y avait point alors sous les rayons du soleil — — Un peuple plus instruit sur la vie universelle. — La vérité luisait dans l’esprit des Druides, — Conducteurs de la nation ordonnée par leur génie.


Les Bardes chantaient, sur leurs harpes d’or, — Les cœurs hauts et les œuvres grandioses. — Le souffle de Dieu entretenait le feu de leurs âmes — Et à leur suite la foule entière se précipitait. — Ils pouvaient apaiser la mer en fureur — Et marcher sans frôler le sol de

leurs pieds.

Il en est qui reprochent aux vieux Druides blancs — Les sacrifices offerts par eux sur les dolmens, — Mais ne faut-il pas, avant de juger le temps passé, — Détacher notre esprit des temps nouveaux ? — À cette époque, le malfaiteur détourné du bien — N’avait-il pas devant lui cinq années pour se blanchir ? — Et quand venait pour lui l’heure du règlement final — N’est-ce pas de lui-même — et joyeusement — qu’il allait à la mort ? — Aujourd’hui le fardeau du meurtrier l’accable encore, hélas ! — Jusqu’à l’heure suprême où le fer du bourreau s’abat sur sa nuque.

Que de sages alors ont fait le sacrifice de leur sang — Pour détourner de la patrie le malheur et les tribulations ! — Combien peu, maintenant, marcheraient à la mort — Pour le bien du prochain et pour celui de la patrie ! — Combien peu, aujourd’hui, songent à sauvegarder leur âme, — Alors qu’autrefois on croyait si fermement en son immortalité !

Non, ne croyez point que vos ancêtres fussent des sauvages, — Ayant vu s’élever leur esprit à de telles hauteurs.

Ce n’est qu’ensuite qu’ils ont pu choir, lorsque les Romains — Eurent détruit les croyances druidiques.


Un homme, dans une autre contrée, sacrifia de même sa vie, — Mais celui-là se nommait Jésus, Fils de Dieu. — Son sacrifice nous porte à croire — Que le sang du Sauveur était le même que le nôtre. La science nous montre en effet que les Galiléens Sortaient aussi de la race des Celles. — Ce qu’on ne saurait nier, contre la vérité même, — C’est que la foi nouvelle s’implanta rapidement, — Nos pères trouvant dans le Christianisme — Plusieurs des croyances enseignées par le Druidisme. — Ce qui manquait à celui-ci, — Le Christ — ô miracle ! — l’apportait avec lui ; — C’est-à-dire le mutuel amour — Qui conduit à s’anéantir dans l’amour de Dieu.


Nous ne devons point admirer le Maître, créateur de l’univers — Uniquement à travers sa puissance et son immensité, — Nous ne sommes point créés pour notre joie personnelle, — Mais aussi pour aimer fraternellement toute créature.

Les Druides renommés, convertis à la foi chrétienne, — Donnèrent à Jésus ses premiers prêtres : — Que de saints par nous naguère invoqués, — Qui furent d’abord Druides en Bretagne ! — Combien qui vinrent de l’autre côté des flots, — Qui donnaient à Dieu les noms d’Ezuz et d’Ior ! — Les saints monastères partout se levaient — Où chaque moine était un barde et chaque barde un apôtre.


Mais hélas ! vers ces temps, les Saxons sans loi, — Venus des pays des glaces sur leurs barques de cuir, — Soufflaient en Grande-Bretagne le feu et la guerre, — Si bien qu’elle était noire de cendres et rouge de sang. — Et si longtemps dura la guerre maudite, — Et tant de Saxons accouraient chaque année, — Qu’ils réussirent à triompher de nos pères, — Les pourchassant dans les bois et sur les montagnes.

En chantant lamentablement, d’aucuns passèrent la mer, — Pour implorer le secours de leurs frères d’Armorique. — Ils apportaient les lumières du Christianisme — Qui brilleront à jamais sur le monde.


Ployés, là-bas, sous les Saxons et plus tard — Sous les Normands, non moins haïssables, — Pendant seize cents ans courbés, foulés aux pieds, — Nos frères de Grande-Bretagne furent oubliés : — Nous-mêmes retenus par les guerres de jadis, — Ensuite maltraités par les félons francisés, — Et réduits à défendre notre existence menacée, — Pouvions-nous ne pas les perdre de vue ?


Cependant, parfois, nous apprenions — Qu’en certaines contrées d’Angleterre vivaient des hommes — Ne respirant que la haine unique du Saxon, — Et qui parlaient

une langue sœur de la nôtre.

Oui, pendant seize cents années, ô Bardes de Cambrie ! — Encore que la tempête soufflât et que le ciel fût noir, — Vous gardiez toujours de génération en génération, le trésor : — La science des Druides à nous transmise par votre mémoire.

Maintenant louons Dieu ! Après une nuit si longue, — Le soleil va briller encore sur nos fronts d’acier. — Voici venu le temps de chercher des appuis. — Irlande, Cambrie, Écosse et Bretagne — Sont encore quatre sœurs, bien vivantes quoique séparées : — En leur cœur le même sang bouillonne.

Filles toutes les quatre du vieux Celte indompté, — Voici qu’en s’éveillant elles ont la même aspiration : — Ni bride, ni entrave de la part de l’Étranger ! — Trop longtemps elles ont caché en elles leur angoisse ! — L’union fait la force ! Quand nous serons unis — Le royaume du monde appartiendra aux Celtes.

Bardes vénérés, surgissez donc de chaque côté de l’Océan, — Le Gwenved, pour vous, n’a ni murailles ni porte : — Gildas, Hervé, Kadok, Aneurin et Merlin, — Liwarc’h-le-Vieux, Gwiklan, et toi Taliesin ! — Retournez encore une fois vers l’Abred, cercle de l’angoisse, — Faites de nous des Bardes inspirés et vigoureux, — Afin que vos fils, rejetant le fardeau qui les écrase, — Puissent trancher de ce monde la racine du Mal,



XI

LE RETOUR DE BRIZEUX


Un antre viendra-t-il du moins sur ma colline ?
Boira-t-il à la source où ma lèvre s’incline ?
Passera-t-il où j’ai passé ?
Brizeux.


Le Barde :


Exprimais-tu le doute ? exprimais-tu l’espoir ? — Ô barde consume par le feu du devoir, — Pouvais-tu redouter qu’on oubliât ta trace, — Toi qui fis tant vibrer l’âme de notre race ! — De toi dès le berceau chacun de nous s’éprit : — Nous sommes tes enfants par le cœur et l’esprit.

Nos mères ont bercé notre enfance fragile — Au chant de tes beaux vers, doux comme l’Évangile, — Nos maîtres, nous menant par les frais chemins creux, — N’ont jamais séparé la Bretagne et Brizeux. — Pour faire naître en nous l’amour de la Patrie, — Ils laissaient nous parler le chantre de Marie.


Brizeux, âme de Saint, urne d’amour, grand cœur — Débordant d’une exquise et puissante liqueur, — Que ne te dois-je point, quant à moi, jeune pâtre, — Qui menais mon troupeau sur un coteau bleuâtre, — Aux premières clartés d’un printanier matin, — Dans les parfums de la camomille et du thym ! — Parmi l’essaim déjà bourdonnant des abeilles, — Tes vers prenant leur vol, chantaient à mes oreilles, — Ton livre de « Marie » en main, les yeux au ciel, — J’évoquais Pierre Elo, Marie et Daniel.

Lorsqu’éprouve l’enfant l’éternelle surprise, — Son amour, grâce à toi, Brizeux, s’idéalise. — Et s’étend à la terre, aux bois, au ciel, aux eaux : — Il écoute jaser le vent dans les roseaux ; — Les nuages voguant en escadres rapides — Sur l’océan des cieux aux profondeurs limpides, — Le prennent à leur bord. De nouveaux horizons — S’ouvrent sur des pays aux nouvelles saisons. — Son rêve prenant corps, il s’éprend des voyages : — Il aime les vaisseaux traçant leurs longs sillages, — Et la forêt l’attire avec son noir mystère ; — Sa soif de l’infini, rien ne la désaltère ; — Une immense clarté mystérieuse a lui — Sur un monde idéal qu’il va porter en lui. — Il boit dans un profond calice, et son ivresse — Idéalise pour jamais une pauvresse.


Quand le ciel se rougit à l’approche du soir, — Lorsque le chemin creux, plus creux se fait plus noir, — Qu’un frisson fait trembler les landiers sur la lande, — Lorsque s’est faite une atmosphère de légende, — Pendant que le troupeau s’en va tranquillement — Vers la ferme, en poussant parfois un meuglement, — L’on croit ouïr soudain des cliquetis bizarres, — Des galops de chevaux et des bruits de fanfares ; — Et c’est Morvan Lez-Breiz et ses fiers chevaliers — Passant sur le ciel rouge en broyant les halliers… — Arthur, tous les Héros,., les Saints… toute la Gloire : — Le ciel déroule au loin notre héroïque Histoire.


Ah ! pour moi je te dois ce que j’ai de meilleur. — Tu m’as, adolescent, tu m’as formé le cœur. — Élevé, comme toi, loin des bruits de la ville, — J’ai goûté la douceur de ta suave idylle ; — Mes champs et tes conseils m’ont sauvé du danger, — Sur moi n’a pas déteint le fard de l’Étranger.

J’ai reconnu les miens dans un livre qui trace — Pour la postérité le passé de ma race. — Je me suis reconnu dans ta fidélité : — Le chemin où je vais, tu l’as facilité. — Je suis un humble anneau dans une chaîne immense ; — Je me plie, avec joie, à sa moindre exigence ; — Docilement comme il est du, je me soumets, — Et je suis le maillon qui ne rompra jamais.

Ô mon frère Brizeux, doux et fervent apôtre, — Que ton nom soit loué dans ce monde et dans l’autre ! — Au Gwenved lumineux où maintenant tu vis, — As-lu quelque fierté quand tu revois tes fils ? — Que disent près de toi Taliésin et ses Bardes — Lorsque vers Breiz-Izel ces ancêtres regardent ?

L’Esprit de Brizeux :

Nous serons parmi vous dans les heures de lutte. — Ô Bretons que l’on persécute, — Jamais le fort ne fut si proche de sa chute.

Quand la mort a posé le scel — Sur le tombeau glacé, notre esprit immortel — Revit encore pour Breiz-Izel.


Du cercle du Gwenved où s’éleva mon âme, — Vers vous que la Justice affame, — Je suis redescendu pour attiser la flamme.

Du cercle où n’entre point l’oubli, — J’ai vu tout le passé tendu sans un repli, — Et mon esprit s’est réjoui.


Mon œuvre de vingt ans qui m’avait paru vaine — Germait et levait, bonne graine, — Parmi le dur granit et parmi le dur chêne.

La Harpe de Taliésin — Mon rang me place auprès de lui et de Merlin — A vibré de joie en ma main.

Devant le grand Arthur en sa cour immortelle, — Dont l’armure prête étincelle, — J’ai chanté Breiz ardente autant qu’elle est fidèle,

Les Héros tressaillaient encor — Longtemps après, les yeux attachés sur l’Arvor, — Encharmés par la Harpe d’or.

Ils vont venir, car ils s’incarnent à cette heure : — Dans la riche ou pauvre demeure — C’est un héros qui naît que cet enfant qui pleure.


Vers les humbles, vers les fermiers, — Pour faire amonceler le grain dans les greniers, — Je suis parti l’un des premiers.

De vos harpes, j’ai fait changer les vieilles cordes : — Sur les brins d’acier qui s’accordent, — S’élimeront les dents des Barbares, s’ils mordent.

Dans la langue chère aux aïeux, — Vous que nous allons rendre enfin victorieux, — Chantez toujours en fils pieux.

Haut les cœurs et debout ! Et plus de vaines larmes ! — Mais, que dans toutes les alarmes, — La harpe d’acier brille entre l’acier des armes.

L’Inspiration Celtique :

Vers tous ces morts de qui l’on dit qu’ils ne sont plus, — Tournez les yeux ; inspirez-vous de leurs vertus — Qu’à son sang nul de vous ne soit jamais parjure. — Morts glorieusement ou morts à l’œuvre obscure, — À vos aïeux, vivant en esprit près de vous, — Gardez-vous de fournir un sujet de courroux. — Que la Tradition vous serve de cuirasse ; — Tenez-vous sur la voie où s’engagea la Race.


Lorsque l’on s’en écarte, on se voue à la mort : — On est seul pour souffrir lorsque frappe le sort. — Toujours noyé dans une immense multitude, — Vous n’en souffrez que plus de votre solitude. — L’ennemi naturel, à tout nouveau malheur, — Retourne avec plaisir le fer dans votre cœur. — Vos enfants, assemblés autour de votre table, — Restent muets devant le coup qui vous accable, — Car vous avez laissé mourir le Souvenir, — Et vide est le Passé, vide aussi l’Avenir.


Mais que si vous suivez la droite et large route, — Plus d’hésitation, de trouble, plus de doute. — L’Esprit de vos aïeux ne vous quitte jamais : — Par ses sages conseils, vous fuyez les mauvais ; — D’invisibles amis peuplent votre demeure — Et dans la peine une main douce vous effleure.

À l’heure où la Bretagne enfin se ressaisit, — Des morts sont revenus en corps et en esprit : — Plus d’un, obscur encor, que le peuple coudoie, — Peu à peu l’ont mené vers son antique voie.

Celui-là qui jamais n’abdiqua sa fierté, — Le Barde qui, vingt ans, chanta la liberté, — Exalta les vertus de la Race bretonne — Et sema le froment qu’aujourd’hui l’on moissonne, — Brizeux, le doux Brizeux, parmi vous redescend, — Mais, plus rude, sa voix fait bouillir votre sang.

Oui, l’heure du réveil sonne pour la Bretagne ; — L’esprit de vos aïeux partout vous accompagne ; — C’est lui qui souffle en vous cette nouvelle ardeur — À qui Breiz redevra sa prochaine grandeur.



XII

LE RÉVEIL CELTIQUE


i


Un ange s’est élevé, nul ne sait d’où ; — Sur ses deux ailes vigoureuses il a plané au-dessus de la colline ; — Sa trompette rayonnante répand partout la terreur.

Que se passe-t-il de nouveau ? Serait-ce l’heure finale ? — Les vibrations du cuivre pénètrent jusqu’aux profondeurs de la tombe… — Serait-ce le jour de la Résurrection !


— Homme, ta tête était trop orgueilleuse, — Homme sans cœur, homme sans règle : — L’heure de la déchéance a sonné pour toi.

Par toi les fruits sont cueillis ; — La fleur est brûlée par ton haleine ; — Tu as fait de la terre un amas de ruines.

Tu as profané l’œuvre du Créateur ; — Homme sans âme et sans souci, — Pour toi les temps sont écoulés,

— Celtia ! Celtia ! réveille-toi et monte dans la gloire, — Celtia, si longtemps foulée sous le sol, — Relève-toi, aujourd’hui, Celtia, sainte Race, Race sans égale.

La terre était souillée, la terre allait périr ; — Avant l’août les hommes avaient fait la moisson ; — Les greniers sont vides de grain, les berceaux vides d’enfants.

À toi, ô Celtia ! de sauver le monde ; — Tu creuseras les sillons et tu sèmeras le froment, — Ô Celtia sainte, tu feras obstacle à la Nécessité.


ii

Dans les quatre coins d’un antique cimetière, — Où l’herbe haute se mêle aux ronces, — Quatre pierres sépulcrales se sont renversées.

Une femme est sortie de chaque tombe. — Et sous les fleurs des églantiers, — Pour démêler leur chevelure elles sont allées s’asseoir.

Leurs cheveux tombaient sur leurs épaules, — Épais et beaux et longs, plus longs que la folle avoine, — Fins, blancs comme la neige.

Elles buvaient le parfum de l’if et du buis… — Les rayons solaires, tamises par les arbres, — Mettaient une clarté vivante dans leurs yeux caves.

La vigueur venait peu à peu — Aux quatre soins qui étaient aussi quatre mères : — Et voici qu’elles ont retrouve leur première jeunesse.

Elles savent qu’en certain lieu de ce cimetière — Elles ont encore une sœur inhumée, — Laquelle se lèvera quand l’heure aura sonné pour elle.

Car les cinq sœurs sont des fées : — La mort n’est pour elles qu’un sommeil. La faux du Trépas — Ne saurait entamer leurs corps, jamais.


Après quelques moments passés dans l’attente, — Les sœurs, jeunes et belles, — Se trouvent à la fois debout dans le champ des morts.

Elles sont allées l’une vers l’autre : — Et les trois les plus jeunes tombent sur le cœur de l’aînée ! — Et celle-ci tremble de bonheur.

« — Oh ! le long sommeil que vous avez fait ! s’écrie Gwalia. — Depuis que vous dormez que de siècles ! — Moi, dans ma tombe, je veillais, l’angoisse me rongeant…

Je ne pouvais me soulever seule : — La pierre était si lourde, et ma voix, en dessous, — N’était qu’un souffle, une haleine.

Lorsque a sonné l’heure désignée par le Créateur, — La lourde pierre s’est écartée — Et dans ma tombe, la chaleur est descendue avec le jour.

Nous voici maintenant réveillées, — Mais depuis que nous sommes dans la tombe que de choses réduites en poudre ! — Travaillons d’un commun accord. »

Les quatre sœurs, Cambrie, Bretagne, Écosse et Irlande, — Ayant fait l’union de leurs cœurs, — Ont alors développé les trésors de leur souvenir.

Et soudain voici qu’arrivèrent, — Venus pour prier dans le vieux cimetière, — Quelques-uns de leurs enfants.

Le sang aux fils des Celtes à jamais parlera : — L’écho tressaillait en écoutant — Les cris joyeux à travers l’enclos des morts.

— Ô petite mère, petite mère adorée ! — Disait chaque enfant, ma petite mère, venez au logis. — Que de joie nous allons goûter !


iii

Pour honorer la mère celtique, — Seigneur, ouvrier, paysan, — Tous les fils ne se font plus prier.

L’amour filial s’est réveillé. — Le sang, dans les cœurs, a fermenté. — La voix maternelle est écoulée.


Chaque mère donne les mêmes conseils : — Soyez unis et rien — Et rien ne pourra vous anéantir.


Pressurée par mon ennemi, — Dépouillée des fruits de mon labeur, — Mon espérance ne s’est point défleurie.


Je fus étranglée, enfouie dans la tombe, — Et si foulée, en vérité !… — La vie ne m’a point abandonnée.


Une chose plus dure que le chêne — Plus forte que le fer et la mort, — Mon âme est à jamais vivante.


Et quand bien même on vous ferait encore plus souffrir, — Si, par dessus tout, vous m’aimez telle que je suis, — Mon âme se survivra en vous.

Laissez les chiens méchants aboyer ; — Allez votre chemin, le cœur loyal ; — Les races mauvaises périront.


Et, selon la parole des Druides, — Après les tribulations de l’Abred, — Vous revivrez dans la paix du

Gwenved.
iv

Autour du dolmen, les Bardes, — Les Bardes de la Celtique sont assemblés — Ô Dublin ! ô Dublin ! quelle joie dans tes murs : — Les cœurs sont débordants de foi dans la Destinée. — L’épée d’Arthur et la bannière du Gorsedd, — La Korn-Hirlas, ô joie ! resplendissent aujourd’hui dans l’air, — Sur la pelouse de la Maison de Ville.

Les Bardes sont venus de pays lointains, — Les uns de la Grande Cornouailles mourante — Mais qui doit se relever quand viendra son tour, — D’autres d’Écosse et de Bretagne — Et d’autres de l’île de Man. — D’autres enfin, qu’ils soient célébrés par dessus tous ! — De la Cambrie, ô les meilleurs des Bardes !

Le peuple, le regard enflammé, — Contemple la renaissance de la Tradition. — Son cœur galope dans son sein : — Il se sent la force du lion.

Espérance, allégresse ! Il s’est réveillé — Le vieux sang des Celtes ! — Comme la sève au printemps, — Dans les bois et dans les campagnes, — Donne une vie nouvelle à la verdure, — Ainsi le Souvenir aujourd’hui est pour les Celtes une nourriture spirituelle.

Plus loin que l’horizon terrestre. — Dans les profondeurs de l’avenir, — Chacun aperçoit la nation celtique — Qui ne connaîtra ni le besoin ni l’épouvante.


L’exemple de cette union qu’on lui présente — Ouvre largement les yeux du peuple. — Car ne voit-il pas ici, la main dans la main, — Le fils du pauvre et le prince, le bourgeois et le noble ?

Loin de l’esprit qui anime les autres races, — Bien loin se tient notre esprit. — Malheur à elles si elles sont aveuglées, — Quant à nous, nous avons la lumière. — Nous sommes tous frères, riches et pauvres, — Et dans les conseils — Il n’y a pas plus de prépondérance pour l’Héritier de la fortune — Que pour l’Héritier de la pauvreté.

Nobles ! nous le sommes tous, les grands et les humbles, — Par l’ancienneté et la pureté de notre sang, — Et par le désintéressement de notre espoir, — Voué au Bien.

Voici que sont renoués les lits conducteurs — Qui indiquent la voie dans l’obscurité, — Et maintenant nous allons surgir dans les rayons — Pendant que les

autres races descendront dans la nuit.

L’Archi-Druide, vêtu de blanc, — Un collier d’or massif au cou, — Ses cheveux si blancs ! En sa majesté, — Si semblable au Dieu Créateur ! — Trois fois, le cœur troublé par l’émotion, a demandé, — « La paix existe-t-elle entre les Celtes ? »

— Oui, la paix existe, l’unanimité des voix — En porte la nouvelle à l’univers. — Écoutez, Celtes d’Armorique et de Grande-Bretagne, — Vous, ceux des États-Unis, — Et vous tous, exilés, parsemés sur le monde, — L’heure est sonnée.

Devant l’esprit des Ancêtres — Qui nous suit partout à travers les siècles, — Au-dessus du menhir, véritable symbole de la Durée, — Tous les Bardes, en foule pressée, — Ont levé la main.


Oui, l’heure a sonné, car le serment est accompli.

Le serment est fait pour toujours ! — Sur le menhir sont tracées cinq divisions — Qui symbolisent les cinq nations — Qui ont fait reculer la mort.

Maintenant notre race est semblable au menhir — Le feu, la pluie, le vent, — Le temps, l’Esprit du Mal, — Rien ne saurait désormais l’entamer.

Elle est levée, la malédiction — Tombée jadis sur la race des Celtes ; — Depuis deux mille ans nous attendions — Voici le pardon descendu.

— Ô Créateur de l’Univers, combien longtemps — Nous sommes demeurés dans l’Abîme ! — Mais tes regards, ô Tout-Puissant, restent sereins — Devant la joie et devant les sanglots…

— « Malheur à celui qui perd sa route, — Et qui rétrograde dans l’Abred, cercle de l’Epreuve, — Il devra remonter le même chemin — Pour conquérir la sagesse et l’allégresse éternelle. — Je t’ai placé dans le monde — En équilibre entre le mal et le bien, — Mais tu as la faculté d’améliorer constamment ton sort — Sous la dure loi de la Nécessité… »

Sur la terre immense, oui, vraiment nous sommes répandus — Mais avant de partir pour la conquête matérielle — Celte union doit être avant tout — L’union des esprits. — L’autre union aura son tour — Et nous retrouverons encore — La puissance autrefois perdue — Le jour où notre lien national fut rompu.


Rappelons-nous que nous sommes généralement — Dépouillés de notre héritage, — Travaillons dès aujourd’hui — À le reconquérir de nouveau.

— Bardes, vous avez juré devant les Morts, — Devant l’Archi-Druide, devant le glaive d’Arthur, — D’être, comme les anciens Bardes qui tenaient en main le gouvernail, — Les serviteurs jurés du Droit et de la Patrie.


v

Un Savant :

Ma tête était pleine de toutes les sciences : — Que faire d’elles ? Mon esprit était sans direction. — Aujourd’hui, je sais : je suis à toi, tout entier, mère Bretagne.

Un Ouvrier :

Ce n’est pas dans les bois profonds que le loup m’étranglait… — Ô villes maudites où je servais de proie ! — Femmes et enfants, retournons vers notre mère Bretagne !

Fanch Kouer (Le Jacques Bonhomme breton)

Qu’y a-t-il aujourd’hui de nouveau dans ma demeure ? — Le sang court plus vite dans mon cœur paisible… — Jamais ne me parurent si belles les terres de ma Bretagne !

La vieille Celtique chante sa chanson — dans mon cœur. — Ô joie ! il n’est plus qu’un cœur — une croyance, — En Cambrie, en Écosse, en Irlande — et en Bretagne.

Un grand vent vient de passer… — Celui qui n’est point aveugle a vu — Au-dessus de la terre, deux ailes immenses étendues : — Il est venu, le Règne de l’Esprit.




xiii

LE DÉRACINÉ


Où donc vas-tu, comme un aveugle ? — Demandait César au Gaulois.

— Je n’en sais rien, répondait celui-ci ; — Il me semble que je me suis égaré.

Eh bien ! charge immédiatement mon fardeau ; — Mais, je t’en préviens, nous ne serons point — Au terme du voyage avant cinq cents ans, — Car il me reste encore bien des contrées à parcourir.

Et durant cinq siècles le Gaulois — A porté le fardeau du Romain féroce.

— Où donc vas-tu, comme un aveugle ? — Demandait le Germain au Gaulois.

— Où je vais ? je n’en sais rien : — Dans les routes de traverse je suis égaré.

— Et d’où viens-tu, — Demande encore le Germain rébarbatif ? — Je ne sais plus le nom de ma patrie ; — Je ne sais même plus mon nom.

— Prends mon fardeau et marche vite, — Puisque tu ne sais te conduire toi-même.

Et treize siècles durant, à travers son pays, — Le Gaulois va et vient, — Exilé de son propre héritage, — Pressuré par le Germain.


— Où donc vas-tu, étourdi, — Demande le Juif gras et voûté ?

— Je n’en sais rien, répond le Gaulois, — Tous les chemins me sont également mauvais.

— Mauvais les chemins ! Ne vois-tu point — Qu’ils sont trop encombrés par tes frères ? — Prends ce poignard : marchons, — Et nous les exterminerons l’un après l’autre.

Et, les yeux en fureur, — Le Gaulois a répandu le sang.

Me donneras-tu maintenant, ô mon maître, — La rémunération de mes forfaits ?

— Clos la bouche et travaille ferme ; — Point d’héritage pour le bâtard ! — Tu es né pour porter sans rosse — Les fardeaux de tous les passants. — Tu ne seras jamais qu’un valet, — Le mien, ou celui d’un autre, jusqu’à mourir. —

Or vint à passer un Breton, — Le front haut et l’œil brillant :

— Où donc vas-tu, ô mon frère, — Écrasé sous le fardeau du malheur ?

— Je n’en sais rien, répond le Gaulois… — Et que m’importe d’aller dans un sens ou dans l’autre !… — Aujourd’hui j’ai un nouveau maître — Cent fois plus mauvais que le dernier.

— Je crains que tu n’aies oublié — Ton origine et le lieu de ta naissance. — Dans quelle Race ton sang prit-il sa source ? — Et quel est aujourd’hui ton âge ?

— L’on m’a dit que je suis un croisement — De Romains et de Germains.

— Ô malheureux ! ô malheureux ! — Quel effroyable destin ! — Terrible exemple pour celui qui ferme les yeux — À la vraie lumière de la Tradition !

Ce pays est le pays de tes Ancêtres, — Où tu peines en guenilles. — Si tu avais su le défendre, — Aujourd’hui ta tête se dresserait avec fierté. — Tu n’es ni Romain ni Germain, — Mais Celte comme moi-même, — Et si tu veux suivre mes leçons, — Tu retrouveras encore tes anciennes traces.


— Silence ! ne casse point plus longtemps — Ma tête avec tes paroles ténébreuses. — Va ton chemin et moi le mien : — J’entends claquer le fouet de mon maître.

— Va donc ! Va donc ! jusqu’à la mort, — Serviteur de la Race étrangère !… — Tu as oublié, pauvre fou ! — La langue sacrée de tes pères, ma langue. — Tu ne comprends plus que la langue du mensonge — Que t’enseigna l’Étranger.

Sans patrie ! sans souvenirs ! sans tradition ! sans langue !… — Descends donc, misérable Gaulois ! dans

la tombe.

xiv

LE RÉVEIL DE LA BRETAGNE


Et qui donc n’a vu, sur la crête des montagnes, — Arthur, le Grand Roi, avec ses guerriers ? — Arthur n’est point mort. Affilons nos couteaux — Pour trancher les entraves de la Bretagne… — Bardes, touchez les cordes de la Harpe d’acier, — Sonneurs, soufflez dans vos binious : — La Bretagne n’est plus garrottée ; elle est réveillée, en vérité ; — Arthur, Roi valeureux, tu n’es pas encore trépassé.

Depuis quinze cents ans, nous avons tous vu, — Parmi les blanches vapeurs de l’aurore, — Ou parmi les rouges nuages du crépuscule, — D’effroyables guerriers environnant Arthur. — Ils brandissaient leurs lourdes épées au-dessus de leurs tètes : — Malheur aux ennemis ! Les épées faucheront — Les membres ainsi que le froment est fauché dans la plaine : — Arthur, Roi valeureux, tu n’es pas encore trépassé.

Vous avez pu nous abaisser, ennemis fourbes, — Et pendant un temps nous imposer des lois ; — Mais bientôt viendra le grand jour d’allégresse — Où vous devrez vous enfuir de ce pays. — Et n’entendez-vous point la terre qui remue ! — Dans chaque cimetière paroissial des plaintes s’élèvent des tombes : — « Lourde est la terre foulée par les méchants. » — Arthur, Roi valeureux, tu n’es pas encore trépassé.

En Bretagne, on rencontre des foules inquiètes, qui vont, — À la nuit tombante, nul ne sait où ; — Elles glissent, plutôt qu’elles ne marchent, — Par les chemins creux, en agitant le bras… — Portez des armes de guerre sur les tombes des morts : — Faux aiguisées, haches, gourdins et lances : — Morts et vivants nous marcherons quand la trompe sonnera : — Arthur, Roi valeureux, tu n’es pas encore trépassé.

Chantez donc, ô Bardes, raidissez les cordes d’acier, — Que la Harpe guerrière soit plus sonore ! — Hommes instruits, mettez l’incendie dans chaque mot ; — Fils de la Cornouaille, soufflez sauvagement dans vos binious. — Vous tous dans le cœur desquels le sang bouillonne, — Sous les tyrans qui se rient de vos douleurs, — Que votre voix s’élève au ciel, en Arvor comme en Argoad : — Arthur, Roi valeureux, tu n’es pas encore trépassé.

Chantons tous d’une voix : « La Bretagne est le pays le plus beau. — Nul n’est plus courageux que le Breton. — Nul ne fut, nul n’est et nul ne sera plus courageux que lui ; — Seul contre dix, il se fait le défenseur de la Vérité. — Trop longtemps l’Étranger s’en est fait un jouet. — En la plénitude de sa force, le lion va se lever. — Traîtres sans cœur, bientôt vous tremblerez : — Arthur, Roi valeureux, tu n’es pas encore trépassé.

Une patrie comme celle-ci ne doit jamais périr ! — Des hommes comme ceux-ci renaissent dans leurs enfants ! — Que de fois notre sang a coulé pour la France ! — Sachons aussi le répandre pour notre patrie. — Nos saints nous protégeront, puisque nous sommes de leur sang, — Aussi longtemps que le regard de Dieu sera sur nos champs. — Sur la terre et dans le ciel la Bretagne doit vivre : — Arthur, Roi valeureux, tu n’es pas encore trépassé.


xv

APPEL AUX BRETONS

Pour Dieu et pour la Pairie !


Ne vous avais-je point dit, voici longtemps, — Que nous serions foulés aux pieds en notre pays ? — Que nous n’aurions qu’avanies — Et non des marques de tendresse de la part de la France ? — Que nous serions entravés — Comme les bœufs et les moutons ?

Ne voyez-vous point les coutelas — Briller autour de vos poitrines ? — Écoutez le vent de mort — qui courbe les arbres sur le pays. — Je vous le dis : Voici venir le jour — Où l’on doit mourir ou triompher en Bretagne.

L’on a vu ces jours-ci — Des traîtres, accompagnant les Français, — Faire l’apologie des jours d’angoisse — Où l’écluse de notre sang était ouverte. — Ils viennent nous lancer le défi, — Bras dessus, bras dessous avec le Français.

Et nous faudra-t-il encore ployer la tête, — Ainsi que des agneaux sans défense ! — Avaler, réavaler notre rancœur, — Et chaque jour verser de l’eau dans noire sang ! — Un chatouillement passe dans mes ongles, — Mes dents grincent dans ma bouche.

Je m’étrangle de fureur — Quand je te considère, ô mon pays d’Arvor ! — N’ouvriras-tu les yeux — Qu’alors que tes veines seront encore tranchées ? — Mon cœur, en un champ de digitales, — Galope d’un quadruple galop rouge.


Ah ! les paroles ne suffisent plus ! — Voici l’ère des œuvres néfastes. — Force nous est enfin de comprendre — Que nul n’est plus le maître chez soi. — Dites-moi donc encore, ô aveugles, — Que ce n’est ici qu’un mauvais rêve !


Qui donc donne appui aux fripons — Pour jeter sur les routes vos sœurs ? — Serait-ce donc vous qui aide- riez — À la destruction du Bien en Bretagne ? — Dites-moi donc si jamais — Vous montrâtes de la haine envers vos sœurs ?


Si vous ne criez : mépris pour la Loi ! — Demain viendra le tour de vos prêtres. - Ensuite on fermera vos églises, — Puis viendra la confiscation de vos biens. — Alors, soudain, vous sciez garrottés, — Dans l’écurie, avec les bestiaux.

Depuis quand les Brelons — Qui furent jadis gens de renom, — Ont-ils aux mains des ampoules — Quand ils doivent défendre l’Arvor ? — Quoi donc, damnation de mes os ! — Qu’avez-vous encore à ménager ?

Votre liberté perdue, — Qu’avez-vous donc encore à perdre ? — Il me serait préférable de mourir — Plutôt que d’avoir un licou sur la tête, — Plutôt que de voir l’Étranger — Régner en maître dans la maison paternelle !

Que les Bardes de Bretagne — Lèvent bien haut leurs furieuses voix ! — Le plus grand amour des Celtes, — La Liberté est sous le joug ! — En avant, hommes de cœur, — Pour relever l’honneur du nom

breton.

xvi

LE DEVOIR


Lorsque la duchesse Anne donne − Au roi français ce gentil pays, − La pauvre dame ne savait point − Qu’un roi serait décapité.

Quand elle nous disait : Voici votre père ! − Elle ne se doutait point que le sang coulerait, − Le sang des Bretons, pour défendre − Leur tête contre les Français.

Elle ne savait point que nous serions un jour − Mis à mort pour notre foi, − Pour nos coutumes, pour notre grandeur d’âme, − Par ceux-là qu’elle nos frères.

Ta couronne de reine − Nous coûta cher, ô duchesse ! − Nous n’avons point fini de la payer − Après un laps de cinq siècles.

Nous avons donne argent et or − Et sang, les riches comme les pauvres ; − Nous donnons encore nos peines quotidiennes − À ceux qui ont volé notre patrimoine. Anne, que donnerons-nous donc encore, — Nous qui n’avons plus rien aujourd’hui ? — Nous avons abandonné tous nos biens — Et nous sommes saignés à mort.

Ta couronne était belle, je le sais ; — Ce n’est point assez des biens terrestres — Pour la payer, hélas ! à la France : — Il faut encore les biens d’outre-tombe.

L’on a renié les Ancêtres, — L’on a renié la Langue et les vieux Us, — La Foi, la Vie éternelle ; — Quelle autre calamité prépare-t-on ?

Chaussure de bois et couronne d’or — Étaient aussi déplacées dans la maison du pauvre — Que dans le palais du roi, — En ton temps comme au nôtre.

Qui donc chantait tes « sabots de bois », — « Les sabots de bois de la Bonne Duchesse » ? — Hélas ! il y eut en toi trop de vanité — Pour voyager en sabots !

Ô mes frères ! levez le front ! — Ce n’est point demain : aujourd’hui, à l’instant — Nous devons trancher nos entraves — Et lever les yeux vers les hauteurs.

Plus de bride ! Bretagne libre ! — Mépris au Français sans pitié ! — Plus de maître sur la terre : — Le soleil brille pour nous tous.

Plus de bride de la part de la France ! — Ni maîtresse, ni maître ! — À nous de choisir un homme — Si un homme doit nous diriger.

Et cet homme devra être — De notre sang et du plus pur ! — Bretagne aux Bretons ! À eux le pays — Fécondé par leurs morts !

Leur sueur, leurs ossements, leur sang — Prodiguent la sève aux arbres ainsi qu’au grain : Restons liés à ce sol — Qui vit leurs joies et leurs douleurs.

Anne épousa le roi. — L’épouserait-elle encore aujourd’hui ? — Mais ni maintenant, ni jamais — Nous n’avons — nous — épousé la France.

Chacun chez soi, en son pays, — Sinon le sang ici coulera !… — Bretagne est terre sainte : — Pour la défendre il est beau de mourir.

La mort est bien peu de chose — Quand on a son âme à sauver ; — L’homme le plus faible sera fort — S’il place son espoir dans le ciel.

Deux seules choses sont nécessaires : — Être libre en ce monde — Pour vivre loin des pervers, — Être heureux dans l’autre vie.



xvii

DEBOUT


Après Saxons et Français, — Voici venus les Juifs. — Est-il vrai que tu devras, à jamais, — À l’Étranger fournir du pain blanc ? — Brise mon crâne !

Il nous fallut quitter notre patrie, — Voici maintenant seize siècles ; — Nous avons traversé la mer écumante — Devant le Saxon ; — maudit soit-il ! — Brise son crâne !

Dieu seul peut savoir combien — Tu répandis de sang pour la défense — De ce pays, — comme pour l’autre Bretagne, — Contre l’Anglais, contre le Français. — Brise son crâne !

D’autres ennemis menacent — Tes champs et ta chaumière, — Ton corps et aussi — hélas ! ton âme… — Autrefois les Bretons hurlaient : — Brise son crâne !

Ancêtres ! hommes de haut renom ! — Vous ne vous seriez point laissé pressurer — Comme on nous pressure aujourd’hui ! — Est-il bien vrai que nous sommes vos fils ? — Brise leur crâne !

Honte à nous ! oh ! cœurs tiédis ! — Buveurs de nos propres larmes douloureuses ! — On nous pousse sur la route, courbés — Comme des bêtes écrasées sous le faix. — Brise son crâne !

Le peuple ennemi est arrivé — Sur les marches de la patrie, de tous côtés ; — Le peuple qui couronna — De ronces et d’épines le Sauveur du monde. — Brise son crâne !

Il faut régner sur l’univers, — Et principalement sur les âmes… — Moi je prétends rester libre — À mon crépuscule comme je le fus à mon aurore. — Brise son crâne !

Et puisqu’il faut encore se battre, — Dès ce moment je suis prêt : — Faux ou hache, tout me sera bon — Pour mettre le sang à ruisseler. — Brise son crâne !

Vivre comme du bétail entravé ! — Vivre comme les animaux muets qu’on étouffe ! — Plutôt creuser le sol du cimetière — Et donner aux vers ma chair vivante ! — Brise son crâne !

Je proclame que le soleil doit briller — Pour toi mendiant, chercheur de pain. — Lève-toi devant l’étroite porte de ta chaumière ! — Lève-toi pour bien défendre ta peau. — Brise son crâne !

Je n’ai ni Maîtresse, ni Roi. — Ma pauvre âme est à Dieu. — Un autre, jamais, ne sera mon maître : — Je ne veux ni joug ni entraves. — Brise son crâne !

Breton, s’il y a du sang dans ton cœur, — Écoute… la Trompette sonne… — Il est venu, le jour des batailles… — Demain le sang rouge coulera… — Brise son crâne !



xviii

LA PROPHÉTIE DE GWIKLAN


J’entends la Harpe d’acier — Résonner sur la crête des montagnes, — Après avoir écouté de longs gémissements — S’élever, nuit et jour, au fond des bois.

La rude harpe de la mer répond — À la merveilleuse harpe des bois, — Et le sifflet du courlieu — Aux hennissements du pivert.

Entre Carnac et le Port-Blanc, — À travers les bruyères du mont de Brê, — En chaque vallon, sur chaque colline, — L’armée de Gwiklan est prête.

Elles sont accomplies, effroyable Barde aveugle ! — La plupart de tes prophéties : — Le sang chrétien, en ruisselant, — A fait tourner les roues des moulins.

Et les terres les plus mauvaises — Produisent le froment comme les meilleures ; — Et l’on tient, maintenant, en égal mépris — La terre nourricière et le sang.

Il y aura bientôt des tribulations en Bretagne : — Lorsque Gwiklan se lèvera de sa tombe, — Si l’on en croit ceux de Pédernek, — Le temps des luttes sera venu.

Depuis un certain nombre d’années — L’âme du Barde s’était partagée — Et donnait de la force aux cœurs — Des petits Bardes qu’il a suscités.

Chacun portait sa harpe — Entre la France et la Bretagne, — En tirant de la vibration des cordes — Les louanges du pays de son berceau.

Mais toutes les harpes aujourd’hui — Ont uni leurs sons, — Maintenant que les fils de Gwiklan — N’ont plus au cœur qu’un désir unique.

Il est donc venu, le jour de la lutte ; — Elle tremble la terre du « Grand Champ », — Car voici que Gwiklan se lève — Pour diriger le combat de « l’Île Verte ».

Entre le « Bas Yaudi » et « Louargat » — Près de la montagne, sur le chemin, — En rivières, le sang ruissellera, — Ainsi que l’eau coulait auparavant.

Oh ! que de lamentations et que de larmes ! — Oh ! combien de deuils de tous côtés ! — Que de cadavres dans le char de l’Ankou ! — Merci, quand même ! la Bretagne sera victorieuse !

Et jamais plus de guerre ; — La paix règnera partout désormais. — La Bretagne sera restaurée, — Gouvernée par la meilleure Loi.

La Bretagne dominera — Les plus grands pays de la terre ; Toutes les âmes seront en joie, — Tous les cœurs sans affliction.

Lève-toi donc vite sur le mont de Brê, — Grand Barde Gwiklan, prophète : — Longue est l’attente du jour —

Où nous n’aurons pour maître que Dieu.

xix

PROPHÉTIE DE LA MORT DE PARIS


Il viendra aussi, ton tour, — Comme arriva celui de la ville d’Is ; — Il approche, l’Ange de la Mort, — Ville des Vices, ô Paris[1].

Cela te fut prophétisé, — Par quelque Barde inconnu… — Court est le fil sur ton fuseau ! — Ton vaisseau n’est plus qu’un esquif !…

Selon qu’il est écrit par le Destin, — Sur le livre où se trouve exposé notre sort, — Voici que la terre sous toi — Est minée comme une ruche.

Sous le Palais des Rois — Et sous les palais du plaisir, — Où vivent nos maîtres sans âme — Avec leurs scandaleuses prostituées,

Sous la maison du riche orgueilleux — Et la maison du bourgeois imbécile, — Sous la maison du malheureux — Et sous les carcasses pourries des cimetières ;

Tu es minée partout, Ville immense, — Ainsi que la ruche d’abeilles… — Quand l’aiguille arrivera sur l’heure, — Dans les mines le feu s’allumera.

Alors éclatera le fracas de la poudre ; — En fendant l’écorce terrestre, — Comme la foudre, le feu surgira, — Des effroyables profondeurs de chaque crevasse.

Ô Paris pourri ! Marécage en ébullition ! — Ventrée ! Famine ! Peste ! Débordement ! — La ville d’Is fut noyée dans la mer, — Paris, tu seras noyée dans le feu !



xx

L’ANCIENNE


Certain jour l’Ancienne — S’étendit en son lit-clos ; — Ce n’est point une nuit, ce n’est point une semaine : — Quatre cents ans a duré son sommeil. — Lon, lon la, tra deri lon la.

Pendant mille ans, bien des rois — Eurent leur part de son amour ; — Mais elle leur a survécu, — Pure son âme, pur son corps, comme la neige.

En dernier lieu elle épousa — Un roi de France qui la chérissait, — Car elle fut touchée en sa jeunesse par une fée, — Son cœur encore serein et si libre !

Un jour, au crépuscule, un valet — Souffla le feu dans le château… — Le roi fut décapité : — La Vieille alors se réveilla.

Cent autres années se sont écoulées : — L’Ancienne n’est pas vaincue, — Et l’on a beau frapper à sa porte — Ce n’est point au valet qu’elle vendra son honneur.

L’Ancienne, c’est notre mère Bretagne, — En son sein, le cœur enflammé : — « Plutôt, dit-elle, plutôt mourir ! — Jamais ne sera souillée la Bretagne. »

Debout ! enfants de l’Arvor ! — Qu’en nous monte la fureur, — La fureur sacrée pour chasser — Les ennemis de celle qui nous a nourris.

— « Dis moi, que ferais-tu, — Fils aimant, si tu voyais — Quelqu’un mépriser ta race ? » — « Ma lourde main, sur-le-champ, le rendrait muet. »

— « N’entends-tu pas l’Étranger — Calomnier journellement ton père, — Tes frères et ta mère ? » — « Si je l’entendais, il ne resterait point valide. »

— « Ouvre donc tes oreilles, alors : — Écoute et tous les jours tu entendras — Les paroles haineuses des hommes sans règle. » — « Je pourrais bien donner quelque mauvais coup. »

— « Alors donc sur eux tu cogneras : — Car ils déshonorent ta patrie ; — Ils abattent sa renommée et son langage : — Pour un Breton cela n’est-il pas une honte ?

« Ne vois-tu pas que l’on prétend — Lui faire échanger son vêtement, — Ses mœurs, sa foi même ? » — « Malédiction ! Malédiction ! Je fus trop longtemps aveugle ! »

— « Gourdin de chêne, accours en ma main, — J’ai bien des os à broyer, — J’ai à fendre bien des crânes. — Accours ici, bon gourdin, mon gourdin.

— « Feu et tonnerre ! Je prétends que personne — À la Bretagne ne touchera. — Malheur à celui qui approchera : — Sur sa peau je signerai mon nom. — Lon, lon la, tra deri lon la. »



xxi

LA DOUCE JOLIE DU BARDE


Ma Douce jolie n’a point sa pareille : — Il n’en est pas une sur terre — Digne de nouer sa chaussure. — Ni de lever sur elle ses regards.

Ma Douce jolie est étendue — Sur le rivage d’une mer écumeuse ; — Le vent se joue dans sa chevelure, — Dans ses cheveux blancs comme la blanche-gelée.

Au-dessus d’elle les nuages, — Si blancs et si légers cheminent — Doucement, assemblés, — Faisant de l’ombre à son visage.

Sur les chênes, partout surgis, — Des oiselets chantent sans cesse, — Le jour et la nuit, à l’aurore, — Pour rendre son rêve plus doux.

Car ma jolie Douce est endormie — Depuis des jours et des semaines, — Et des années et des siècles, — Dans la campagne et sur la terre en fleurs.

Mais, combien qu’il y ait de temps, — De temps passé, toujours sereine, — En son visage fleuri comme en son corps, — Elle est restée comme une fée.

Ainsi étendue de son long, — Son corps ondule comme un champ de froment. — Ses seins sont comme deux collines, — Droites sous la rosée matinale.

Ses jambes, ses bras entr’ouverts, — Ainsi que des fleuves de lait coulant vers l’Océan, — Vont d’une mer à l’autre mer, — À travers les champs et les bois.

Elle est vieille, dit-on, puisque ses cheveux — Sont blancs comme le lin ou comme la gelée, — Mais son corps de fée et son âme — Sont restés jeunes en vérité.

Dès que l’Étranger l’aperçut, — Aussitôt il la désira ; — Mais jamais, malgré ma faible taille, — Il ne portera sur elle la main.

Oh ! réveille-toi, mon Arvor aimée ! — Oh ! lève-toi pour défendre ton honneur ! — Avant que mon sang soit tari, — Ouvre, ouvre tes yeux.

Plutôt que de voir une souillure — Sur ton corps pur, ton corps incomparable, — Oh ! ma Douce jolie, Bretagne,

— Amante et mère, plutôt mourir !

xxii

CHANT NATIONAL


Nous sommes les fils des Bretons d’Outremer, Frères des Saints toujours honorés — En Grande-Bretagne comme en Arvor.

refrain :

Avant qu’il soit longtemps la Bretagne triomphera, — Et partout la paix règnera, — Quand les vigoureux Bretons lèveront le bras.

La race des Bretons est de toute antiquité. — Elle fut autrefois puissante, étendue, — Et un jour elle sera plus puissante encore.

Les Saxons ont dérobé la Grande-Bretagne — Mais il bouillonne toujours, le bon sang breton, — En Cambrie, en Écosse, en Irlande.

L’Arvor connaît aussi son sang : — Bon sang jamais ne saurait mentir, — Il sera vainqueur du sang étranger.

Par Dieu, notre maître, nous serons relevés — Au-dessus de toute race sur le globe, — Car nous garderons les mœurs des Celtes.

Nous garderons notre langue, la langue sans égale, — La plus belle qui soit au monde : — Malheur à celui qui voudrait l’abattre !

Nous aimons la terre de Bretagne, généreuse : — Nulle part on ne goûte tel bonheur. — Sur elle à jamais nous serons invincibles.

Nous garderons notre foi, comme nos pères, — Et nous serons vigoureux jusqu’à la mort. — Plus durs nous sommes que le cœur du chêne.

Au breuvage ardent, notre mépris, — Puisqu’il est encore des pommiers en Bretagne : — Notre corps n’est point un assemblage d’os et de peau flétrie.

Le plus beau pays du monde, c’est la Bretagne. — Livre il sera, ou guerre il y aura. — Pour le défendre, nous saurons mourir.



xxiii

LA SECONDE MORT DE RENAN

i

Me voici revenu dans la petite ville de Tréguier : — Ainsi qu’un enfant perdu l’on me ramène à la maison. — Hélas ! que diront mes frères de par le sang ? — Alors que si longtemps je fus pour eux un étranger.

Les portes de l’église me sont fermées — Et mes frères, hélas ! sont perplexes en me voyant. — Ici, en ma jeunesse, enfant docile, je vécus — Respectueux de la foi chrétienne et des coutumes.

Dès que je me trouvai parmi les Français, — Un mal sans remède frappa mon esprit ; — Le breuvage que l’on me donna me fit perdre ma route — Et aussitôt je perdis aussi l’amour de Dieu.

L’amour de la gloire et l’orgueil enflammèrent mes yeux ; — L’ambition troubla mon sang. — Pour être rapidement connu du monde entier, Je déclarai la guerre à la divinité de Jésus.

Sans pitié pour le pauvre dont l’espoir est ailleurs, — Sur la foi chrétienne, aveuglément, je frappai. — Combien, m’ayant entendu, ont perdu la foi, — Et, comme des bêtes oubliées, sont morts solitaires en leur maison ! Maintenant que je suis mort, maintenant je suis plus clairvoyant ; — Il n’y a plus pour moi ni renommée, ni biens, ni flatterie. — Ma production, comme une moisson, est maintenant vannée, — Le froment et l’ivraie sont triés.

Mais l’on n’a point jeté les mauvaises herbes dans la mer : — Par mes anciens amis, en grande cérémonie, elles sont semées. — La belle moisson que produira ce grain maudit ! — La belle fureur universelle ! les belles malédictions !

Le grand labeur que fut le mien pour amener le mal ! — Le poids m’en fait encore incliner les épaules. — Uniquement au mal, Renan doit sa renommée ; — Par les esprits pervers, il est hissé sur son piédestal.

Or dois-je maintenant ou rire ou pleurer ? — Pour certains je suis un sage, pour d’autres un charlatan. — J’entends les malédictions se lever autour de moi ; — À cause de moi, ma patrie est en guerre civile.

Et me voici dressé devant la cathédrale — Par une foule composée de beaucoup d’étrangers et de peu de compatriotes. — Saint Yves, honoré, est là parmi les Saints, — Et toujours, sans honneur, je resterai au milieu du chemin.

De moi, les gens de mon pays sont ignorants, — Encore que je crusse être aussi grand que Dieu. — Devant les vieux Saints de Bretagne, sur leurs deux genoux nus, — Les hommes prient aujourd’hui comme ils prieront demain.

Mais devant moi, jamais personne ne s’agenouillera. — Il n’y aura pour moi qu’un sourire moqueur, en passant. — Avec mes yeux bouffis et mes bajoues pendantes, — On m’exécrera autant mort que vivant.

Ô Jésus ! porteur de la Croix, vainqueur du Temps, — En dépit de mon esprit, tu règnes sur l’autel. — Moi, mort, homme lourd de graisse, je descends dans la terre. — Et toi, pauvre, amaigri, tu t’élèves dans la Gloire.

J’avais cru pouvoir te détrôner, — Retirer à Dieu le Père sa toute-puissance, — Étouffer toute chose sacrée sous l’universel mépris ; — Je ne suis parvenu qu’à m’échouer à la porte de cette église.

D’ici j’étais parti, ici je suis revenu ; — Seul je m’étais éloigné, aujourd’hui l’on me ramène. — Et maintenant quand il entendra les « coups » mortuaires de la cloche, — Le vieux Renan tremblera, car son orgueil est décédé.

ii

Cloches, cloches que j’ai aimées, — Ô cloches de Tréguier, taisez-vous ! — Durant le jour entier j’entends votre voix. — Oh ! taisez-vous, cloches impitoyables.

La nuit, j’entends votre marteau, — Sur l’airain, frapper chaque coup. — Le soleil n’est pas encore levé, — Que déjà trois cloches, au-dessus de moi, sont en branle.

Et jusqu’à midi les coups funèbres ! — Le glas qui sonne le deuil ! — Au crépuscule, le glas encore — Et les heures jusqu’au matin.

Le dimanche et les jours de grande fête, — Les cloches sonnent encore davantage. — Il faut bien que tu le reconnaisses, — Pauvre Renan, tu es vaincu.

Et les cloches seraient-elles muettes, — Que d’ici je verrais encore la foule — Suivre toujours les mêmes us — Et venir prier dans l’église.

Et l’église dominant ma statue, — Et dans l’église les cérémonies chrétiennes, — Et, chagrin surpassant tout, hélas ! hélas ! — À la pointe de la flèche haute, la Croix !

Je ne veux pas rester ici plus longtemps ! — Je sens que je vais m’écrouler. — Quand je ne suis plus rien, rien de rien, — Christ, tu es encore le Roi du Monde.

Quand tu es reconnu par l’univers, — Ma renommée peu à peu se dissipe, — Et, en dépit de l’instruction, (répandue) — L’on se demande, à mon propos : « Qui donc est celui-là ? »

Soyez maudits, Gens de Paris, — Pour m’avoir mis en tel dédain ; — Comme moi vous avez perdu votre temps, — Et maudit sois-je aussi moi-même !

iii

un maraicher, matinal :

— Regarde donc ! on a retiré cette nuit — D’ici, le « reflet » du bonhomme. — À savoir pourquoi et par qui ? — Il est peut-être mort de froid.

un bourgeois, les yeux encore rouges :

— N’avez-vous pas entendu cette nuit — Un grand vacarme dans la rue ? — Un vacarme de ferraille qui descendait, — Qui descendait la rue des Bouchers ?

un pêcheur :

— Cette nuit la pleine lune était éclatante : — J’étais sur ma barque, au milieu du fleuve, — Et j’aperçus, toute seule, — La statue de Renan se rouler vers la

mer.

xxiv

LA VENGEANCE DE L’ANKOU (LA MORT)

i

Au château du Bilo la dame était malade — Ceci se passait au milieu d’une nuit d’hiver.

Parents et serviteurs allaient et venaient, — Fatigués, affolés par huit nuits sans sommeil.

Le cuivre et l’argent étincellent dans les appartements, — Le chêne crépite dans les cheminées.

De la cave au grenier, l’huile et la cire — Mettent aux fenêtres de grandes clartés.

L’Ankou, cette nuit, courant à travers le pays, — La faux sur l’épaule, se trouva dans les environs.

— « Hola ! s’écria l’Ankou, qu’y a-t-il donc cette nuit ? — Lumières partout !… Serait-on là donc à m’attendre ?

Le portail était sans doute resté suffisamment ouvert — Pour laisser passage au faucheur armé de sa faux.

Ils retentissaient, les os décharnés et sans peau, — Et sur le bois cognaient ses pieds durs et nus.

Mais voici l’Homme maigre montant le grand escalier ; — Il arrive là-haut sur le plancher ciré.

— Que mes os soient brûlés ! jure alors le Vieux Faucheur. — Le plancher du Paradis n’est pas aussi luisant !

Allons néanmoins ! La dame aura le premier coup : — Si sa vie est emmêlée, il y faut bien remédier.

Étendue sur sa couche, la dame se plaignait ; — Devant elle les parents, assemblés, versaient des larmes.

Une foule de serviteurs, attendant le dénouement, — Sur les genoux, priaient la Vierge.

Le silence dans la demeure !… Parfois, dehors, un hibou, — Un chien désespéré, poussaient un cri lamentable.

Patatra !… Qu’y a-t-il ?… Jésus ! Marie ! Credo ! — Au beau milieu de la pièce l’Ankou a chu sur le séant.

— Une autre fois tu sauras que sur un plancher de cire — Les ossements secs glissent mieux que sur le sol !

Ne me croyez pas, si je vous dis un mensonge : — Il fit en tombant le même bruit qu’un sac de noix.

Mais aussi vite relevé que tombé, — Comme la foudre, et honteux, dehors il s’est élancé.

Quand aux assistants revinrent leurs esprits, — Dans le lointain gémissait le char de l’Ankou.


ii

Par les chemins étroits et profonds, — Par les bois, par les champs, — Comme un abruti, avec sa tête de bois, — Je vous l’assure, il se pressait l’Ankou !

Il allait, de toute rapidité, — Par les pierres, par la terre molle… — « Ceci, disait-il, sur ma parole ! — Coûtera cher à quelqu’un ! »

Ni l’eau, ni l’ajonc, ni les cailloux, ni les ronces — N’arrêtaient le coureur, — Mis encore plus en fureur par la honte — Que par l’endolorissement de son postérieur.

Puisqu’il n’y a rien sur ses os, — Il n’y a rien qui s’endolorisse ; — Pour le piquer, ni ronces ni épines, — Ni chute aucune pour le meurtrir.

Son cœur, froid comme la glace, — Est sans pitié pour le chagrin ; — Ce n’est qu’une pierre ou qu’un os : — L’Ankou n’a ni parent ni ami.

Il allait sous les nuages — Qui pesaient sur la terre obscurcie, — Lorsqu’une vieille chaumière se présenta — En travers de son attelage.

Malheur à celui dont est marquée — La maison, cette nuit, par le Destin ! — Celle-ci sera la première frappée… — L’horloge sonne minuit.

La chandelle se résine au-dessus de l’âtre, — Fume et craque ; — Le chef de famille est assis sur un vieux banc — En ses mains le front appuyé.

Des ombres dans les coins noirs… — La bûche éteinte sur le foyer… — Dans la cheminée les Voix de Décembre… — Deux corps chétifs sur une paillasse…

La femme et l’enfant malades… — Hélas ! la serrure a grincé : — Le pauvre époux est veuf — Et le pauvre père est sans enfant.



xxv

RESTONS BRETONS

erwan, homme âgé et sage, parle :

Et ne serions-nous plus les Bretons à tête dure ! — Et ne bouillonnerait-il plus en nous le sang des vrais Bretons ? — Au cours de tant de siècles la Bretagne est restée la Bretagne, — Et la voici soudainement changée !

Saxons ni Français ne purent l’entraver, — Lui imposer des mœurs nouvelles ni des lois. — Aussi longtemps pour la défendre, notre sang a coulé — Et sans combat l’on triompherait de nous aujourd’hui !

Au lieu de l’enseigner l’on pourchasse notre langue ; — Sa mort est jurée par des Français sans pudeur. — Notre cœur se serait-il donc amolli, — Que tant de nous renient leur sang ? — Ils renient leur langue, ils renient leur patrie : — Ils conduiraient traîtreusement, leur mère Bretagne à la mort !

Usages et langue de France sont partout honorés, — Et les nôtres, bannis, reculent jusqu’à la mer ; — Les costumes éclatants qui distinguaient les gens droits parmi les filous sont maintenant abandonnés ; — Ils pourrissent, en tas dans les greniers, — Parmi l’étoupe, les chiffons et les os.


yves, cousin d’Erwan, breton revenu des pays lointains où il avait cru pouvoir trouver de l’argent à râteler :

Sous le prétexte de gagner beaucoup d’argent et d’or, — Je vendis mon bien et je quittai la Bretagne. — Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, hélas ! Car je ne trouvai que chagrin et peine mortelle. — Les labeurs accablants sont souvent notre lot — Sous le joug des Français plein de perversité.

Parmi la boue, dans la glace, au cœur de l’hiver ; — Parmi la poussière, sous le soleil, au cœur de l’été ; — La plupart du temps enterrés dans les profondeurs, — Comme des damnés, dans les puits infernaux, — Creusant, comme les taupes ; rampant comme les vers, — Voilà la vie des Bretons exilés.

Et au bout de toutes les souffrances, la santé perdue, — Nous n’avons pas le moindre sou, pas un denier — Pour retourner au cher pays où l’on voudrait mourir : — Il nous faut nous résigner à passer en pays lointain.

Pas un prêtre, quand vient l’heure de l’angoisse, — Pour mettre notre âme aux mains de Jésus. — Il faut mourir, sans air, sans soleil, au milieu des bruits, — Sur la pierre ou sur la planche, sans un sac de paille.

Jamais pour nous ni dimanche ni fête gardée ; — Ployé sous le regret, le malheureux marche, — À la suite d’un plus malheureux, pendant l’année sans fin, — Comme des bêtes de somme attelées. — Il voit sa femme dévorée par le chagrin — Et ses pauvres enfants, verdis, trembler, — Sans nourriture, sans vêtements, en hiver, au froid, — Alors que pendent au bord des toits les dents de janvier.

Notre nourriture quotidienne se compose des restes, tellement avancés, — Que les pourceaux eux-mêmes n’en voudraient point. — Et l’eau que nous buvons, si chargée de mauvais germes, — Apporte au cours de l’année entière les fièvres mortelles au logis.

Que de regrets nous avons de notre pays de Basse-Bretagne ! — Comme nous voudrions y retourner pour y mourir ! — Mais nous sommes retenus à la ville par un sot respect humain, — Ainsi que tous ceux qui sont venus en France.

En Bretagne, autrefois, nous étions en paix et en joie : — Le froment poussait dans nos champs, la vache donnait son lait. — À chaque fête, assemblés autour des vastes tables, — Ayant demandé à Dieu ses grâces, — Devant des mets bien sains et du cidre doré, — Du cœur de tous jaillissait la gaieté.

En hiver au crépuscule, en teillant le chanvre, — Chacun racontait avec tout son talent ; — Et chaque dimanche d’été, aux pardons invités, — Dans les maisons de nos parents l’on nous voyait.

Dites-nous, ô compatriotes : y a-t-il encore — De beaux pardons en Bretagne ; des festins aux anniversaires ; — Des festins aux noces, des festins aux Jours Gras, — Des festins aux baptêmes, comme autrefois ? — Et des veillées sereines, pendant les mois durs, — Devant les potées de cidre, en cercle autour du foyer ? — De belles fêtes aux bons Saints, près de leur antique ermitage ; — De belles fêtes à Dieu, en l’église de la paroisse.


erwanik, jeune homme instruit de la campagne.

Malgré le mal qu’on lui fait la Bretagne soutient sa renommée : Jamais on ne l’échangera comme on échange les bêtes muettes. — Tant que la terre sera la terre, en ce monde, — La Bretagne restera la Bretagne, le pays toujours le plus chéri.

Les maîtres de la France peuvent songer à nous détruire, — À nous donner des mœurs dévergondées, des vêtements sans beauté, — Nous resterons Bretons, hommes simples et droits, — L’amour de la mère patrie, enflammant nos cœurs.

Puisqu’ils chassent notre langue des écoles, — Nous en créerons d’autres, au mains de nos compatriotes. — Notre langue se parlera toujours comme au temps jadis — Avant l’époque où n’existaient encore ni la nation ni la langue française. Page:Berthou - Dre an delen hag ar c horn-boud.djvu/193 Page:Berthou - Dre an delen hag ar c horn-boud.djvu/195 Page:Berthou - Dre an delen hag ar c horn-boud.djvu/197 Page:Berthou - Dre an delen hag ar c horn-boud.djvu/199 Page:Berthou - Dre an delen hag ar c horn-boud.djvu/201 Page:Berthou - Dre an delen hag ar c horn-boud.djvu/203 Page:Berthou - Dre an delen hag ar c horn-boud.djvu/205



XXVIII


BERCEUSE


— Binv ! banv ! cloches, — Au-dessus des campagnes, — Au-dessus des grèves, — Portez au monde entier la nouvelle… — Enfant de sa petite mère ! — Maintenant baptisé, — Sois un jour Lemenik !

Dors dans ta couche : — Je te berce, — Ô mon enfant ! — Semblable encore à un ange blanc. — Mais dès aujourd’hui, — Ô Dieu ! mets en lui — La force d’Arthur et de Morvan.

— Chétif enfant, — Avec le temps — Force et grandeur — Tu auras pour être le Sauveur, — Le Sauveur de notre Bretagne adorée, — Celui-là qui nous fut annoncé — Jadis par les Bardes.

De la Bretagne, — Pays de ton berceau, — Jusqu’à la mort, — Le nom sera sur la lèvre. — Par le Français maudit, — Alors même que tu serais martyrisé, — Tu crieras encore : Bretagne à jamais !

À toi je chanterai — Les Morts, — Aux noms illustres : — Ce n’est pas uniquement de lait que tu seras nourri. — Sois le plus grand des Bretons, — L’épouvante de l’Étranger, — Grandis pour la lutte.



XXIX


POUR LA STATUE DE NOMÉNOÉ


Morvan Lez-Breiz, te voilà mort ! — Et morte serait aussi la patrie avec toi ?… — Pour suivre tes traces, roi martyr, — Trouverait-elle encore un sauveur ? — Qui la ramènerait à la vie ?…

— Noménoé.

Morvan paya le tribut — Au Franc avec du fer aiguisé, en sa chair — Morvan tué, voilà notre Bretagne — Encore en proie aux Francs. — Sur leur roi qui donc triompherait ?…

— Noménoé.

Il a payé le tribut de la Bretagne — Avec des sacs de cailloux tirés de la carrière. — « De l’or à toi, intendant du roi Franc ?… — Ta tête, oui, dans le plateau de la balance ! » — Qui donc celui qui lit cela ?

— Noménoé.

Dès que s’avance Noménoé, — Charles le Chauve est vaincu ; — Vaincus sont les Normands — Et la Bretagne est relevée. — Elle n’obéit plus qu’à son unique roi :

Noménoé.

Ô Grand Roi ! — Roi sans égal ! — Il n’est que juste que tu vives dans la gloire. — Ô père de notre nationalité ! — À toi toute notre reconnaissance ! — Vois tes fils désormais unis,

Noménoé.

L’heure du réveil est sonnée, — Mais puisque tu ne peux plus être le maître, nul autre ne le sera. — Or pour que tu sois encore avec nous, — Nous t’élèverons une statue colossale — Et nous la monterons sur une montagne,

Noménoé.



XXX


ÉPILOGUE



Les prophéties sont accomplies :
La joie est dans les cœurs,

L’Inspiration poétique souffle
Sur l’esprit de la Bretagne qui se développe.

Sur le dolmen, le serment est prononcé :
L’heure va sonner sans retard.

Je vois accourir Léménik à la barbe blanche,
Léménik, le rude conquérant.

Il viendra comme l’aurore
Et la Bretagne entière suivra ses pas.

Il est sur les rives de l’Elorn,
Le glaive d’Arthur étincelle dans sa main.

Ses cheveux sont gris, mais en son cœur
Bouillonne le sang courageux du lion.

Ses armes s’étendront au loin,
Plus loin que les frontières de Bretagne.

Nul ne pourra l’arrêter,
Ni l’Anglais, ni le Romain, ni le Franc.

Accours, ô Restaurateur de nos Libertés,
Léménik, joie des Bretons !

TABLE


Pages.
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 131
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 211

9-04. — Saint-Brieuc. — Imp. René Prud’homme.

  1. Paris = Par-Is, égale d’Is.