Paris de ma fenêtre/08
VIII
Un hasard, à tout prendre heureux, me met en contact avec une troupe théâtrale. Je ne cache pas le plaisir que j’y prends, plaisir retrouvé, plaisir nouveau. La réouverture des théâtres, l’annonce des pièces nouvelles, l’animation qui gagne tous les représentants d’une corporation éprouvée, sont parmi les signes les plus certains qu’une capitale veut vivre, se rasséréner, défendre ses droits au divertissement. Paris, qui ne fuit pas les réalités, recourt pourtant à la fable pour les supporter mieux. Il y a à parier que les salles de théâtre et de musique, les cinémas et ce qui nous reste de music-halls s’empliront cet hiver. Insouciance ? Loin de là. Plutôt résolution de réagir contre le souci, et je n’excepte pas cette paresse d’esprit qui se contente du cinéma, même quand il ne mérite pas de nous contenter. La paresse d’esprit, il faut encore la préférer à la mort de tout esprit.
Déjà les « fanatiques » — ainsi j’appelle le public éclairé, obstiné, du Théâtre-Français — ont repris leur station régulière et patiente sous les arcades de leur théâtre préféré. La petite compagnie de comédiens que je rencontre depuis une dizaine de jours attend, elle aussi, et espère, et m’échauffe à son voisinage.
L’euphorie qui me vient d’elle n’a pas sa source que dans une émotion artistique. L’œuvre qu’elle répète est sans origines pures, se réclame un peu de l’opérette, un peu de la comédie, un peu de la charge d’atelier et ne prétend pas plus haut. Outre les genres, la troupe elle-même mêle les valeurs. Une des vedettes de l’œuvrette hybride est une grande artiste du théâtre. Que de larmes coulèrent dans l’auditoire chaque fois que ses pleurs authentiques ruisselèrent sur la scène ! Elle a décidé cette année qu’elle nous ferait rire, le temps d’un sketch. Ce n’est pas seulement un caprice. L’artiste obéit à l’humaine envie de manifester qu’identiques à nous-mêmes et saufs de lésions graves nous sommes tentés par un autre aspect, une autre forme de langage, une « mue » comme celle qui dépouille la couleuvre…
Donc, la grande comédienne a choisi de rire ici, de souffrir là, de donner la réplique à un charmant fantaisiste dont la voix aérienne et le don d’inventer font des répétitions autant de récréations. Sa bonne humeur éclaire le plateau. On veut qu’elle chante ? Elle chantera. On veut qu’elle paraisse couronnée de bigoudis ? Rien de mieux. Elle montre une souplesse de débutante, une autorité d’étoile, la camaraderie tutoyeuse des ateliers ; elle va écouter pour son plaisir la chanson toute neuve que travaille, au piano, la plus blonde des « tour-de-chant »…
Merveille d’une persistante bonne foi ! Cette dernière, habituée à apprivoiser des foules difficiles, experte à placer le mot risqué, le souligner et l’adoucir par une gambade de chèvre, grimacer sans s’enlaidir, ressemble fidèlement à elle-même, en deçà de la rampe. Sa sincérité l’éclaire autant que ses étranges cheveux clair-de-lune. En outre, elle écoute, elle s’étonne, elle applaudit. Elle est le premier spectateur de l’œuvre, son premier critique amical, son premier partisan pur d’arrière-pensée…
La fraîcheur, la faculté de trouver nouveau ce qui est seulement ingénieux, je les ai toujours rencontrées chez les comédiens, encore que beaucoup s’en défendent. On connaît des comédiens aigris ; il n’en est guère de désillusionnés. La nuance est d’importance et démontre l’efficacité, l’étanchéité de leur balcon à planches, de leur chambre de toile à trois faces d’où ils entrevoient, de l’autre côté de la rampe, béant, nébuleux et peuplé, l’espace qui appartient à leurs juges…
En ce moment, la petite compagnie d’artistes qui m’admet à ses répétitions bénéficie de ses derniers jours d’intimité. Elle s’ébat au sein de ses travaux. L’un des deux auteurs, le plus jeune, indique ses propres couplets d’une voix de ténor ravissante, et ses interprètes l’applaudissent. Une pause allume toutes les cigarettes. L’incertitude d’un jeu de scène rassemble des bonnes volontés angéliques pour une collaboration qui s’exprime comme les charades d’enfants : « Et si on faisait comme ci, au lieu de faire comme ça ? Moi je dis ça, alors toi tu entres et tu dis ça… »
Aux instants critiques, les interprètes se massent au bord de la rampe, et je cesse de voir leurs visages, parce que la grande comédienne chausse, si j’ose écrire, ses lunettes fumées de plein air, le charmant comique se protège à l’aide des verres de studio, les autres s’abritent derrière leur cahier de rôle, et une fillette éblouie, qui va débuter, enferme son frais visage dans ses mains comme si elle sanglotait. Silence. Méditation. Le directeur du théâtre mâchonne quelque chose. Une repartie s’échappe du metteur en scène — une réplique sur le plateau s’élance en zigzaguant, entraîne la suite du texte : tout va bien ; un ruisseau aimable, endigué par quelques cailloux, vient de reprendre son cours.
Il y a des jours où, touchée par tant de bon accord, de travail plein de fougue ; des jours où, voyant les interprètes dressés, agressifs, contre un intrus, un « étranger » à la répétition, qui se serait tapi dans un fauteuil des galeries, je me dis qu’il est presque dommage de rompre cette fraternité de veillée d’armes. Car il faut bien qu’un soir prochain je les voie tous à peu près méconnaissables : la grande comédienne foulera comme un fauve son étroite loge, de gauche à droite, de large en long ; le charmant comique ressemblera à un tragédien anxieux ; la gaie vedette clair-de-lune ouvrira des yeux épouvantés dans son halo de cheveux lumineux ; la petite débutante pleurera de vraies larmes dans sa boîte à maquillage toute neuve… Et les trois coups de la générale mettront fin à cet abandon, à des rendez-vous, à un charme de comité secret, à une camaraderie qui m’étaient, je l’avoue égoïstement, bien agréables…
Je crois qu’aucun succès de ma carrière d’écrivain n’égala celui que me valut la recette, publiée dans un quotidien, de la flognarde, l’hiver dernier. Il ne se passe pas de semaine qu’on ne me la redemande. « Vous, qui êtes avant tout une femme pratique, donnez-nous, à l’entrée de la mauvaise saison, quelques recettes… » Gardez, mes chères correspondantes, la conviction que je suis une femme pratique : vous finirez peut-être par me le faire croire.
Quant aux recettes… Je mesure mon impuissance à celle de telles « tantes » et « cousines » qui touchent tantôt au bout de leur rouleau. Elles font pourtant de leur mieux, s’évertuent autour du rôti sans viande, de la crème sans lait et de l’omelette presque sans œufs. Mais il y a présentement, à la fin de toute recette économique, deux petits mots qui font tout chavirer. On les retarde jusqu’à la fin, pour un peu on les imprimerait en texte imperceptible — les mots : deux cuillerées d’huile ou trente-cinq grammes de beurre.
Notre pudeur sous-alimentée use aussi, comme d’un palliatif, de vocables qu’on n’avait jamais tant vus. Le « déchet » remplace l’aloyau, les « reliefs » de lapin suppléent au lièvre à la royale. Mais où prendre le déchet quand on n’a pas eu la pièce ? Avec quelle bonne volonté nos guides culinaires — tes disciples modestes, cher Curnonsky — nous proposent de remplacer la viande par les mollusques ! Mais, puisqu’il n’y a presque pas de mollusques, que met-on en leur lieu et usage ? Un bon adverbe conditionnel, le si. « Si vous avez au fond d’un plat un peu de jus… » C’est la manière précautionneuse. Tâchons d’en sourire. L’humour est une forme du courage.
Ayant ri, allons ensemble vers ce qu’en France on connaît le plus mal. Sur cinquante sortes de salades, nous en cultivons, nous en mangeons, tant cuites que crues, quatre ou cinq. En temps de paix, ce n’est guère ; c’est nettement insuffisant aujourd’hui. Demandez plutôt à M. Pierre Chouard ! « Vous n’avez donc jamais brouté, avec ou sans accommodement, dira-t-il, les sommités tendres de la luzerne ? Ni le séneçon des oiseaux ? » Je ne prétends pas nous mettre au régime des canaris et des chèvres, mais nous pouvons bien — j’oubliais la raiponce — sortir quelquefois, à peu de frais, de nos éternelles et coûteuses scaroles et laitues ! La belle saison n’est pas finie, et l’été reviendra. Si je m’y prends trop tard cette année, je n’oublie pas qu’il est, aux bords un peu dessalés de la mer, une large et molle et tendre fausse laitue marine d’un vert d’émeraude qui s’appelle l’ulve. On la voit de loin et la marée la couvre très rarement.
Mais vous êtes routinières comme les enfants, et parfois autant que les Asiatiques, entêtés à se laisser mourir près d’un tas de blé s’ils n’ont pas leur poignée de riz. Quelle ménagère en est encore à laisser perdre le lait tourné ? J’y mêle sel et poivre et oignon cru, et je le baptise « fontainebleau 41 », pour ce qu’il est beaucoup plus doux que la plupart des yoghourts. Ou bien je l’incorpore à une omelette, qui grossit d’autant.
Je ne saurais faire de la noix de terre un long éloge. Elle est sauvage, mais déserte certains terrains. C’est un menu tubercule ridé, et pas beau. Son frère, en Espagne, sert à préparer la délicieuse émulsion nommée orchata de chufas. Notamment en Limousin, les enfants bergers savent la déterrer et la croquer crue.
Ayant poussé jusqu’au Bois, par un matin humide de la semaine passée, j’ai suivi un chercheur de champignons, qui a gonflé son sac de toile de minuscules champignons au toit pointu, nés de deux heures de rosée. Mais il était bien plus fier d’une assiettée de « violets », larges comme la paume de la main, et d’un si joli mauve bleu qu’on ne risque, en les cueillant, aucune fatale erreur. Pendant que je le suivais, un couple de sittelles — c’est le moment de leur passage — bavardaient dans de hauts pins. Arc-boutées de leur queue en éventail contre le tronc, elles exploraient, épouillaient l’écorce écailleuse. Leur dos bleuté brillait au soleil comme l’ardoise neuve ; elles descendaient assez familièrement pour que je pusse voir la cambrure légère des becs longs et effilés…
Je travaillai un moment pour l’homme aux champignons, qui ne négligeait pas l’ail sauvage. Mais je trouvai une autre merveille, un de ces crapauds-mouches, gros comme une abeille, qui sont si bien ciselés dans une agate presque noire, pourvus d’yeux où tremble une parcelle d’or, et je n’eus plus d’attention que pour lui, bien qu’il ne fût pas comestible. D’ailleurs, je ne consomme pas non plus la grenouille. La longue période pénible pourrait bien faire de nous un peuple détourné de certaines goinfreries, un peu effaré par le goût fort et grisant de la viande grillée, des gibiers, des salaisons. Sans illusions sur les frairies de l’hiver prochain, j’attends la châtaigne, nourriture irréprochable, secours cérébral, et la noix, s’il se peut. Ma dernière ration de viande : quatre-vingts grammes difficiles à convaincre, osseux malgré leur petit volume, m’a découragée. J’en appellerai aussi à la lentille et au fruit de saison. Que n’ai-je imité mon ami Max — treize ans — qui revient de la campagne et que j’interrogeais sur ses devoirs de vacances :
— Bon travail cet été, Max ?
— Vous parlez ! Trente livres d’haricots blancs que je ramène !
— Et quoi encore ?
— De la poire verte-longue. De la pomme précoce.
— Et puis ?
— Un pot de beurre fondu. Une tourte de pain gris de dix livres. En le mettant bien sécher, on peut le garder longtemps, pour le tailler dans la soupe…
Un pot de beurre, une grande tourte farinée… Petit Chaperon Rouge 41, comme vous êtes prévoyant ! Je voudrais effacer, entre vos sourcils, ces trois petits plis soucieux… J’espère que la jeunesse vous reviendra — je cite Labiche — avec l’âge.
Le raisin tarde à mûrir. Il mûrira pourtant, grâce à ces journées de septembre dont rien n’est perdu pour la vigne, où la face du soleil est nette, lavée de nuages, de son lever à son coucher. Beaucoup de vignobles seront vendangés ce mois-ci sous le ciel rouge à l’aurore, rose au crépuscule. Le soleil de ces ciels-là a tôt fait de sécher la rosée des nuits froides, assez abondante pour mouiller la grappe et son jus si les vendangeurs la coupaient trop tôt.
Nous pensons au vin avec d’autant plus de révérence qu’il imite les autres denrées : il se raréfie, ou se cache. Tout ce qui l’approche renchérit. Vide, une bonne bouteille de verre épais devient un vase précieux, pour ce qu’on peut y conserver aussi la tomate et le haricot vert. Elle constitue un appât, un objet de troc. Pleine, nous la couchons douillettement dans la cave. S’il s’agit de la boire, nous y mettons une sage parcimonie. Il y aura toujours assez de vin en France pour que l’usage ne s’en perde pas, mais il se fera modéré. En Provence, depuis des années, à n’importe quelle heure de l’été, nous traitions le vin comme l’eau : « J’ai soif, verse-moi un verre de vin. » Car dans le Midi il n’est pas de boisson plus glissante et plus gaie qu’un vin jeune, couleur de framboise foncée, à égale distance du « rosé », du blanc auquel je reproche d’être souvent, entre Cassis et Fréjus, un peu collant, et du gros « vin noir » qui a plus de couleur que de bouquet…
Je me laisse aller à parler vin et vendanges à cause de septembre, comme en juin j’évoquais la cerise qui nous a manqué, la belle Montmorency à chair transparente, rouge laque. Son cousin le bigarreau noir n’est en comparaison que fadeur et goût de graine de sureau — avec un petit ver blanc près de la queue. Nous n’avons pas vu non plus cette année la noble forme de la pêche nommée « téton de Vénus ». À ceux qui ne la connaissent pas, j’enseigne qu’elle est plus ovale que ronde, avec un sillon peu marqué, et qu’elle porte à son sommet velouté cet ombilic saillant qui lui a valu son nom. Dans la Grande Pomologie, livre inépuisable d’images, on peut l’admirer peinte au naturel avec un art qui imite jusqu’au grain de beauté infligé à son sein divin par un rayon de soleil trop aigu, ou par la morsure d’une guêpe.
N’ayons pas peur de contempler ce qui nous manque. Émoussons, par le regard appuyé, par une pensée approfondie, les traits dont nous blessent toutes les absences. Susciter en ce moment les tableaux de l’abondance, ce n’est pas seulement un jeu un peu mortifiant, c’est une gymnastique, une manière assez brave d’entretenir fraîches les acquisitions de notre mémoire. Point de souvenir qui n’ait ses cavités que le temps obscurcit ; mais d’où nous pouvons déloger tel petit secret, en voie de nous échapper. La vue de l’esprit les fouille. À vous parler vendanges je viens de rencontrer sur un cep d’autrefois, dans un touffu juponnage de feuilles, un gros lézard vert, que j’empoignai à tâtons… Je criai de saisissement, une femme crie toujours. Mais je ne lâchai pas ma prise qui était de belle taille, écailleuse finement, pourvue de longs doigts qui essayaient de desserrer les miens, d’une majestueuse queue verte, d’une tache bleue sur chaque tempe, d’un gosier pourpre de petit glaïeul…
Quand je le lâchai, un matou de la maison sauta dessus. Mais je saisis le matou par la queue ; il se retourna, cria, et lâcha le lézard qu’il ne retrouva pas. Les jours d’après, le chat revenait à la même place, cherchait sous la feuille et chantait naïvement, de sa voix grave et nuancée de matou, quelque appel à la proie ingrate, à moins que ce ne fût un vocero nostalgique sur le thème : « J’avais un lézard… »
Ce lézard égaré, je le retrouve sous un plaisant désordre de frairies méridionales, de cigales et de guêpes poisseuses. Nous sommes, presque tous, trop peu soigneux des biens immatériels dont notre mémoire déborde. Nous ne balayons pas dans les coins. À défaut de recettes culinaires qui soient dignes de mes lecteurs, j’offre le moyen de composer des tableaux savoureux. Oui, oui, je vous entends grommeler contre « l’odeur du festin et l’ombre de l’amour »… Mais je n’en démords pas. Sensible aux saisons — comme est sensible aux marées le petit animalcule marin qui, porté loin de la mer, monte et descend dans l’eau selon l’heure du flux originel — je me félicite d’avoir, juin venu, la fenaison en tête, puis les blés mûrs et leur subtile fragrance poussiéreuse, et aujourd’hui j’en ai à la vendange, à celle que je connais le mieux. Je chevauche mon tapis volant, de Saint-Tropez à Toulon, où la prompte maturité du raisin enrégimente toute la population au service du vin. Pour cette fête égalitaire, la couturière vient avec ses ciseaux, l’aubergiste abandonne son fourneau froid, le pêcheur laisse la barque à la calanque.
L’ « estrangier » n’a plus qu’une ressource : s’embaucher pour la vendange, et c’est ce qu’il fait. Il peut y gagner sa journée, tout au moins sous la forme d’un ou deux seaux de raisins bleus et or, qui lui donneront, s’il veut, quelques litres de vin cuit. Pressez les grappes, mettez à cuire le jus mousseux et ne le retirez que réduit au tiers pour le mettre en bouteilles et le boucher solidement. Son alcool et son sucre, venus tout droit du soleil, rendent superflue l’addition d’un arome. Mais ils ne vous dispensent pas de filtrer avant la mise en flacons. Car ces raisins, chargés de vertus, dégorgent leur excès en une « crasse » fastueuse, qui surnage écumante, s’assemble à la rigole du pressoir, l’engorge de caillots, manifeste la richesse, le tempérament épais et généreux du cru…
Dans ces régions où le soleil règne, accélère le battement du cœur, farde en mai les cerises, j’ai bu du vin âgé de huit jours, qui se comportait comme un vin adulte. Ce n’est pas lui, ni le carafon à panse aplatie qu’il enflamme de rouge clair, que je regrette le mieux. Beau rustre, passant chaleureux, je te retrouverai bien un jour…
Mais retrouverai-je, une fois la grappe pressée, alors qu’elle n’est pas encore sollicitée de se changer en eau-de-vie, retrouverai-je son parfum insigne ? Il montait de la cuve aux parois vernissées, flottait sur le marc composé de vert de grappes, de pépins, de peaux de raisins, et ici j’avoue que mon optimisme évocateur m’abandonne et se tourne en mélancolie. Car pendant quelques heures le marc restitue, fugitif, inoubliable, un parfum de réséda pareil à celui qui erre, les nuits de printemps, sur le vignoble en fleur.