Paris en l’an 2000/Enseignement des adultes, Académie

La bibliothèque libre.
Chez l’Auteur et la Librairie de la Renaissance (p. 111-116).

§ 6.

Enseignement des adultes. — Académies.

Dans toutes les grandes villes, le Gouvernement a institué des cours publics que suivent les étudiants et où les adultes peuvent venir perfectionner leur instruction.

Ces cours, faits par les professeurs les plus distingués, embrassent la totalité de l’enseignement : la littérature, l’histoire, les langues mortes et vivantes, l’histoire naturelle, la médecine, la physique, la chimie, l’astronomie, les mathématiques, etc. Les leçons ont lieu dans la journée et aussi le soir, afin que les travailleurs puissent y assister sans quitter leur ouvrage. Bien que les amphithéâtres où se font ces cours soient immenses, ils sont toujours remplis d’une foule nombreuse, tant sont grands le mérite des professeurs et le zèle de la population.

Non content d’avoir institué des cours publics, le Gouvernement a fait appel à l’enseignement libre et il a mis les amphithéâtres de l’État à la disposition des citoyens qui désirent faire des conférences sur n’importe quel sujet. Ce sont des écrivains qui traitent une question littéraire, des voyageurs qui racontent leurs excursions, des savants qui exposent une nouvelle découverte, etc. Rien n’est plus varié et plus instructif que ces conférences particulières, et, bien que les professeurs improvisés ne soient pas toujours fort éloquents, ils ne laissent pas de réunir un auditoire assez nombreux.

Un autre genre d’instruction que l’Administration n’a pas négligé non plus, ce sont les Bibliothèques publiques. Il y en a dans toutes les villes. On y trouve les ouvrages classiques, ainsi que beaucoup d’autres livres utiles ou curieux que l’on peut lire à la bibliothèque même, ou emporter chez soi pour quelques jours.

Concurremment aux Bibliothèques publiques, il existe partout des cabinets de lecture où l’on tient toute la littérature moderne, les livres du jour et les journaux. Ces cabinets de lecture sont considérés comme des établissements de commerce et gérés par des employés du Gouvernement. Ils ne sont point gratuits, mais la rétribution pour un abonnement ou une séance de lecture est des plus minimes, l’Administration ne faisant aucun bénéfice sur cette partie et même souvent se trouvant en perte. Elle s’en console en pensant que l’instruction du peuple rapporte toujours plus qu’elle ne coûte et qu’il vaut encore mieux lire un mauvais roman que de s’enivrer dans quelque sale cabaret.


Les particuliers, rivalisant de zèle pour l’instruction avec le Gouvernement, ont formé de leur côté une multitude de sociétés savantes, littéraires et artistiques, embrassant toute l’étendue des connaissances humaines. C’est ainsi que dans toutes les villes, même les moins importantes, on trouve des sociétés d’agriculture, de météorologie de botanique, d’archéologie, des orphéons, des fanfares, etc. Toutes ces associations libres correspondent entre elles ; elles se communiquent leurs travaux ou se donnent rendez-vous pour des concours. Chaque fois qu’elles remplissent un but réellement utile, l’Administration ne manque pas de les encourager et leur accorde des subventions pour acheter des instruments ou publier leurs comptes-rendus.

Il est une de ces sociétés qui est classée parmi les établissements d’utilité publique et est devenue une véritable institution de l’État. Je veux parler de l’Académie de Paris qui réunit dans son sein tout ce que la France compte d’illustrations littéraires ou scientifiques.

Cette Société, célèbre dans le monde entier, compte 500 titulaires, répartis entre 5 Académies spéciales de 100 membres chacune ; savoir :

L’académie des belles-lettres, pour les poëtes, les auteurs dramatiques, les romanciers, les journalistes et autres écrivains.

L’académie des beaux-arts, pour les peintres, les sculpteurs, les graveurs, les architectes et les musiciens.

L’académie des sciences littéraires, pour les historiens, les économistes, les philosophes, les archéologues, les philologues etc.

L’académie des sciences naturelles, pour l’anatomie, la physiologie, la médecine, la botanique, la zoologie, la géologie, la météorologie, etc.

Enfin l’académie des sciences exactes, pour la physique, la chimie, l’astronomie et les mathématiques.

Les membres de ces diverses académies ne sont pas nommés par les académiciens comme cela avait lieu sous l’ancien régime, mais ils sont élus par les Parisiens eux-mêmes, à l’aide du suffrage universel et à la majorité des voix.

Ce mode d’élection a eu pour résultat de supprimer l’intrigue et la faveur, et de ne faire entrer à l’Institut que des personnages s’étant fait un nom par leurs œuvres. De plus il a changé notablement la composition de deux académies, celles des belles lettres et des beaux-arts.

D’un côté on y a nommé un certain nombre de femmes artistes ou femmes auteurs à qui les fauteuils académiques étaient jadis rigoureusement refusés.

D’un autre côté, le vote des Parisiens a envoyé dans ces doctes assemblées des spécialités qui autrefois y auraient paru déplacées. Ainsi, l’Académie des belles-lettres compte dans son sein beaucoup de romanciers, beaucoup de journalistes et un certain nombre d’acteurs et d’actrices de talent. De même, dans l’Académie des beaux-arts, on a placé des photographes de mérite, des instrumentistes, des chanteurs et des chanteuses à côté des peintres et des compositeurs de musique.

Malgré toutes les erreurs que peut commettre le suffrage universel, les places d’Académiciens n’en sont pas moins extrêmement recherchées par tous les hommes de talent et elles sont la consécration obligée de toute renommée littéraire ou scientifique. Aussi, le Gouvernement a t-il beaucoup de considération pour ceux qui ont réussi à se faire élire ; il leur alloue un traitement de 12,000 fr. et les met ainsi au nombre des plus riches citoyens de la République sociale.