Pauvres fleurs (éd. Laurent 1839)/Aveu d’une Femme

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AVEU D’UNE FEMME



Savez-vous pourquoi, madame,
Je refusais de vous voir ?
J’aime ! et je sens qu’une femme
Des femmes craint le pouvoir.
Le vôtre est tout dans vos charmes,
Qu’il faut, par force, adorer.
L’inquiétude a des larmes :
Je ne voulais pas pleurer.

Quelque part que je me trouve,
Mon seul ami va venir ;
Je vis de ce qu’il éprouve,
J’en fais tout mon avenir !
Se souvient-on d’humbles flammes,
Quand on voit vos yeux brûler ?
Ils font trembler bien des âmes :
Je ne voulais pas trembler.

Dans cette foule asservie
Dont vous respirez l’encens,
Où j’aurais senti ma vie
S’en aller à vos accents,
Celui qui me rend peureuse,

Moins tendre, sans repentir,
M’eût dit : « N’es-tu plus heureuse ? »
Je ne voulais pas mentir.

Sous l’éclat de vos conquêtes,
Si votre cœur s’est donné,
Triste et fier au sein des fêtes,
N’a-t-il jamais frissonné ?
La plus tendre, ou la plus belle,
Aiment-elles sans souffrir ?
On meurt pour un infidèle :
Je ne voulais pas mourir.