Paysages et paysans/Le Jeteur d’épervier

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LE JETEUR D’ÉPERVIER


De loin, j’apercevais comme une forme humaine,
Noire et gesticulant d’une étrange façon,
En marchant au milieu de l’eau. — J’eus le frisson :
La mort s’offrait là-bas à quelque veuve en peine…

Et, longeant la rivière à travers le brouillard,
Je courais, pour tâcher de sauver le pauvre être,
Lorsqu’au lieu d’une femme en deuil, je vis un prêtre
Pêchant à l’épervier — sans rabat, le gaillard !

Souple et fort, poings tendus, à pleine corde… Floc !
Il le déployait rond — tout entier, d’un seul bloc.
Quant aux balles, ses dents n’avaient pas l’air d’y mordre…

Les coups se succédaient en tous sens, à foison…
À peine s’il avait dépoché son poisson
Qu’il relançait plus loin son filet, sans le tordre.

À clignotements frais, luisaient les cieux sans voiles,
Et, longtemps, je suivis près de l’eau, les doublant,
Le grand fantôme noir au grand épervier blanc
Qui semblait maintenant pêcher dans les étoiles !…