Peintres et sculpteurs modernes de la France/Prudhon
Nous ne croyons pas remplir une lacune en publiant une notice sur le célèbre Prudhon. Plusieurs travaux très recommandables ont fait connaître depuis long-temps les particularités de sa vie, et le goût croissant du public pour ses ouvrages a encore augmenté l’intérêt qui s’attache à ces détails. Nous n’avons point voulu enchérir sur tout ce qui peut le faire connaître davantage, mais simplement élever une voix de plus à la louange de cet homme inspiré dont les ouvrages furent la critique naïve des écoles de peinture de son temps, écoles dont l’influence dure encore malgré des transformations apparentes. Le pédantisme du contour, le goût de l’archaïsme substitué à celui de l’antique, une haine bizarre des moyens pittoresques dans la peinture, telles ont été les entraves dans lesquelles Prudhon s’est débattu victorieusement, et c’est en présence des mêmes écarts du goût que ses ouvrages demeurent comme des exemples capables de ramener à la vraie simplicité et à la vraie élégance.
Nous rougirions de chercher à augmenter l’intérêt que présente une vie si pure en insistant outre mesure sur des particularités biographiques qu’il est toujours facile d’interpréter ou de poétiser au gré des imaginations. C’est une espèce de profanation dont les modernes ne se sont pas assez garantis, quand ils se sont mis à faire agir et parler les hommes célèbres qu’ils ont voulu faire connaître par des écrits : il est audacieux de prêter des idées et des sentimens à des hommes qui ont vécu surtout par leurs sentimens et par leurs idées.
La vie de Prudhon offre cette particularité, qu’il n’a été apprécié et même connu que fort tard, quoiqu’il ait excellé de très bonne heure dans son art. Son talent semble n’avoir pas eu d’enfance, et, en examinant tout ce qui a été recueilli de ses ouvrages, on ne voit presque point de transition entre les informes essais de l’écolier et les productions achevées du maître. On trouve dans les cahiers sur lesquels il dessinait au sortir de l’école le germe de ses plus belles inventions. Son exécution même n’a point varié depuis ses premières études, et c’est un caractère de plus qui le place à côté des grands maîtres. On verra avec étonnement ce talent, formé de si bonne heure, se consumer jusqu’à l’époque de l’âge mûr dans des travaux obscurs, indignes de lui, mais qu’il a relevés à force de mérite.
Prudhon était le treizième enfant d’un maître maçon de Cluny. Il était né le 6 avril 1759[1], et avait reçu les noms de Pierre-Paul : ce sont ceux de Rubens et du Puget. Cet émule des plus grands maîtres devait naître et mourir dans la pauvreté, et c’est un triste rapport de plus avec un grand nombre d’entre eux. Sa mère sut deviner son ame tendre et rêveuse, et contribua, malgré les embarras d’une si nombreuse famille, à développer en lui de nobles instincts. Il reçut chez les moines de Cluny une instruction qui, bien que sommaire, contribua encore à élever sa pensée. La vue des tableaux bons ou mauvais qui décoraient cette retraite éveillait en même temps dans son imagination le goût de la peinture. Peut-être, parmi tous les objets qui frappèrent ses regards dans un âge si tendre, il suffit d’un seul pour allumer la passion de toute sa vie. Cette espèce d’initiation est frappante chez tous les grands artistes. Il en est beaucoup qui n’ont rencontré que fort tard ce lambeau de poésie, ce tableau souvent médiocre et dépourvu d’attrait pour le vulgaire dans lequel ils ont trouvé leur vocation écrite. C’est le premier et indispensable aliment destiné à développer les germes de facultés qui s’ignorent. Souvent le génie a été chercher dans le fatras d’une production ridicule ce coin de grandeur qui éveille l’enthousiasme pour toujours. Prudhon se plaisait à raconter que, saisi de cette impatience soudaine à donner un corps à ses idées, sans doute à la vue de quelque chef-d’œuvre ignoré, il avait fabriqué lui-même, à l’âge de quatorze ans, des couleurs et des pinceaux. Il n’en fallait pas tant, en province surtout, pour faire croire à l’avenir de son talent. L’évêque de Mâcon fut informé par les solitaires de Cluny de l’aptitude présumée du jeune Prudhon. Ce prélat l’envoya à Dijon, dont l’école de peinture était célèbre, et qui continue encore aujourd’hui les traditions de plusieurs peintres remarquables qui en sont sortis, et au premier rang desquels il faut placer le célèbre Doyen.
Le professeur qui dirigeait alors cette école était M. Devosge, artiste de mérite dont l’exemple et les conseils furent très utiles au jeune Prudhon. Nous avons dit que les premiers objets qui frappèrent ses regards décidèrent de sa vocation ; nous pourrions ajouter que la vue des ouvrages de son maître eut sur son style une influence qu’il est impossible de méconnaître. Nous avons sous les yeux deux estampes gravées d’après ce professeur, et dont le sentiment particulier se retrouve complètement dans presque toutes les parties du talent de Prudhon, agrandi à la vérité ou simplifié, comme on peut le croire. C’est une gloire modeste sans doute, mais c’est encore une gloire que d’avoir imprimé à une aussi belle imagination un caractère et comme une marque qui le signale dans tous ses ouvrages.
Les biographes ne montrent presque point d’intervalle entre les momens qu’il consacra à ses premières études et ceux qui le virent s’engager dans les liens d’une union mal assortie si l’on considère l’indignité de l’objet qui fixa son choix ; mais, dans un âge si tendre et avec l’irréflexion qui accompagne souvent les élans d’une sensibilité extrême, il put se faire illusion sur les suites de sa démarche et sur la nature des sentimens qu’il allait trouver dans sa compagne. Cet engagement téméraire, contracté à dix-neuf ans, fut la source de tous ses chagrins et assurément la cause qui le retint si-long-temps dans l’obscurité.
La ville de Dijon décernait tous les trois ans un prix de peinture fondé par les états de Bourgogne. Prudhon concourut à ce prix, qui consistait dans l’envoi à Rome avec une pension. L’histoire de ce concours fait autant d’honneur à son bon cœur qu’à son talent. Comme il était occupé à terminer son tableau, il entendit dans la cellule voisine de celle où il travaillait les plaintes d’un camarade, son concurrent, qui désespérait de venir à bout de son travail. Prudhon, trouvant le moyen de communiquer avec lui au moyen d’une ouverture pratiquée dans la cloison, se met alors en devoir d’achever le tableau de son rival, et y réussit si bien, que le prix est adjugé à l’ouvrage qui n’était pas le sien. L’honnêteté du concurrent fit heureusement redresser ce jugement ; le jeune homme fit connaître l’obligation qu’il avait à Prudhon et le fit couronner à sa place.
Arrivé à Rome, il se lie avec Canova, qu’une conformité de génie et de caractère ne tarda pas à lui rendre cher. Le sculpteur avait déjà conquis une partie de cette faveur qui, devait conduire au plus haut point sa fortune et sa renommée. Il fit à son ami les offres les plus séduisantes pour le retenir à Rome, lorsque des nécessités de plus d’une espèce le rappelèrent à Paris. Prudhon avait éprouvé à Rome, malgré l’encouragement qu’il trouvait dans l’amitié de Canova, les extrémités les plus dures. Sa fierté l’avait empêché de découvrir à son ami l’excès de sa gêne ; mais ce qu’il allait retrouver à Paris, c’étaient les mêmes embarras sans les consolations qu’il tirait de son séjour au milieu des objets les plus propres à plaire à son esprit. Les liens qu’il avait formés à la légère avant son départ pour l’Italie devinrent à son retour une chaîne pesante. Les soucis de la paternité, les horreurs du ménage, et d’un ménage pauvre, allaient fondre sur lui. Il lui fallut donc se multiplier dans des besognes rebutantes qui renvoyaient bien loin ses projets de gloire et d’avenir.
Il faut admirer qu’au milieu de ces obscurs travaux l’étincelle divine ne l’ait pas abandonné tout-à-fait. Au contraire, on retrouve quelque chose de lui dans presque tous les ouvrages de cette époque qui ont pu être sauvés. Croira-t-on que cet homme admirable, forcé de composer jusqu’à des adresses et des vignettes pour des confiseurs et des bijoutiers, imagine, dispose, dessine avec tout le charme qu’il a porté dans ses ouvrages les plus célèbres ? Un grand nombre de vignettes placées en tête des brevets, des actes du gouvernement, des lettres des préfets et autres fonctionnaires du temps de la république et du consulat, sont de la main de Prudhon. On n’a pas besoin de dire que ces vénérables monumens occupent un rang distingué dans les collections ; on en trouverait encore un grand nombre dans les archives des ministères.
Quelques-unes de ses compositions mythologiques estimées datent de cette époque. Un comte d’Harlay, amateur de dessins, lui en demanda quelques-uns. Prudhon fit pour lui sa Cérès et l’Amour réduit à la raison avec son pendant. Les libraires lui commandèrent également des dessins pour des éditions de luxe. De ce nombre furent ceux qui ornent les éditions de Didot et qui contribuèrent le plus à lui donner quelque réputation.
Le sort n’était pas si attaché à le persécuter, qu’il ne lui eût accordé une bonne fortune bien rare pour un peintre. Connu à peine, il avait trouvé des graveurs. Deux hommes surtout, Copia et Roger, ont semblé prédestinés à reproduire ses inspirations, et leur talent, appliqué à rendre avec toutes leurs graces ses productions les plus légères, n’a pas peu contribué à attirer sur ces petits chefs-d’œuvre l’attention des amateurs et des artistes.
Il avait entrepris, en 1794, un voyage en Franche-Comté dans le dessein d’y faire quelques portraits au pastel qui augmentèrent effectivement ses ressources. Il devait y faire une connaissance fort précieuse dans la personne de M. Frochot, depuis préfet de la Seine, dont l’amitié le suivit et l’encouragea dans les difficultés de sa carrière.
Le peu d’importance apparente des travaux de Prudhon n’avait pas encore attiré sur son nom le dangereux éclat d’une grande renommée. Il était pour tout le monde dans ces conditions de paisible médiocrité à l’ombre desquelles on permet à un homme d’exister. Un dessin qu’il exposa et qui lui valut un prix d’encouragement vint fixer plus particulièrement l’attention jalouse de ses confrères. Ce dessin représentait la Vérité descendant des cieux et conduite par la Sagesse. Une faveur plus signalée devait suivre ce premier succès ; un logement lui fut accordé au Louvre avec un atelier pour exécuter en grand sa composition. Cette distinction le mettait au rang de ce qu’on est convenu d’appeler les peintres d’histoire. Cette classe choisie ne le vit pas avec plaisir entrer dans ses rangs. Ses confrères allèrent jusqu’à le plaindre des suites probables de la témérité qui lui faisait quitter le genre limité auquel il devait ses premiers succès pour aborder les sommets escarpés de l’art. Il avait un tort plus grave aux yeux de ses rivaux. Son talent était comme sorti de terre tout d’un coup ; il avait trouvé dans son imagination et n’avait emprunté à personne ses divinités, ses nymphes, ses génies. Cet olympe dont il était le maître ne relevait aucunement des types alors à la mode ; en un mot, il n’appartenait point à l’école.
On se ferait difficilement une idée de ce qu’était alors la toute-puissance du préjugé en faveur de David. Il est permis aujourd’hui, malgré tout le respect et toute l’admiration que mérite cet illustre maître, de s’étonner que cette admiration ait pu être portée à ce point de fanatisme. C’était une opinion parfaitement établie, et le public était ici dans la même persuasion que les artistes, que David passait de cent coudées les peintres les plus célèbres ; le plus léger doute à cet égard eût révolté tout le monde. Sa couleur même était l’objet de l’admiration. Le gris de ses teintes était finesse ; le peu d’éclat de ses tableaux était sobriété admirable et l’effet même de la force, qui méprise l’exagération, Ce qu’on appelait le style, c’était le sien par excellence ; et, quand on disait d’un peintre qu’il avait du style, cela ne voulait pas dire qu’il eût une forme originale à lui, une manifestation de sa pensée empreinte de son génie particulier : cela signifiait qu’il avait le style antique fixé désormais par David et revivant dans sa peinture. Ce qui est fait pour étonner encore davantage, c’est que dans ce moment même le Louvre ne suffisait point à contenir et à mettre en lumière les chefs-d’œuvre nombreux que la peinture de toutes les écoles anciennes que la conquête avait amenés à Paris de l’Italie, de la Flandre et de l’Espagne. Le Luxembourg n’avait pas été dépouillé de la superbe suite des tableaux de Rubens, de la vie de saint Bruno, de Lesueur, des ports de Vernet, réunis maintenant au Musée pour remplir des vides, hélas ? irréparables. On n’y voyait pas cette foule de tableaux de troisième et de quatrième ordre, tirés du garde-meubles et qui devraient y rentrer. Pour ne citer que les principaux, la plus grande partie des chefs-d’œuvre de Rubens, aujourd’hui retournés à Anvers, à Bruxelles, à Malines, à Gênes, à Florence, la Transfiguration, la Sainte Cécile, les madones admirables, les admirables portraits de Léon X et vingt autres de Raphaël de la première force, le Saint Jérôme, la Léda du Corrége, son Christ au pied de la croix de Parme, le Saint Pierre du Titien, le Saint Marc du Tintoret, en un mot tout ce que la peinture avait produit de plus parfait pendant trois siècles : tout était là, excepté ce qu’on n’avait pu arracher aux murailles.
Cette réunion de merveilles, telle que l’œil des hommes n’en verra jamais de semblable, étalée sous les yeux d’une génération indifférente, n’avait pu tempérer cette étrange furie d’antique dont tous les artistes étaient possédés ; et les talens ne manquaient pas : on voyait au premier rang Girodet, Guérin, Gérard et Gros lui-même, ce fils de Rubens, qui eut bien le triste courage de résister à toute cette magie, vers laquelle il inclinait en secret. L’admirable Gros, malgré l’éclat de ses premiers succès, était alors considéré comme une espèce d’hérétique au milieu de ses confrères. Les bons sujets de l’école l’accusaient de ne point dessiner et de manquer de style. A les entendre, il ne savait peindre que des uniformes, et, à force de se l’entendre répéter, le grand peintre avait eu la bonhomie de prendre au sérieux cette tactique de l’envie et de la sottise. Il revint même sur ses pas autant qu’il le put, et, durant les dernières années de sa vie, il s’efforçait encore de rentrer dans la voie que son aveugle respect pour son maître lui faisait prendre pour la meilleure.
On concevra facilement, par ce qui précède, l’espèce d’isolement où Prudhon se trouvait placé vis-à-vis de la foule des artistes imbus de la manière de David. Heureusement il s’était acquis quelques protecteurs puissans qui ne le laissèrent pas manquer de travaux. Il eut l’occasion de décorer pour un riche particulier un hôtel de la rue Cerutti, qui est devenu depuis la propriété de la reine Hortense. Bien que sa fierté non moins que sa timidité naturelle l’empêchât de se produire et d’employer les moyens ordinaires d’attirer l’attention, le zèle des personnes distinguées dont il s’était fait des amis par ses qualités estimables vint le chercher dans sa retraite et lui donner des occasions d’employer son talent. Ces encouragemens lui eussent fait la situation la plus conforme à ses désirs, sans la cause constante de ses embarras et de ses soucis. Il arrivait souvent à sa femme de l’abandonner brusquement après avoir épuisé les minces ressources qu’il tirait d’un travail assidu. En le délivrant de sa présence et en même temps de ses importunités, de ses reproches et de ses emportemens, elle le laissait au milieu de ses marmots et chargé de tous les soins de sa maison. Ses amis l’ont trouvé souvent à son chevalet avec ses enfans sur ses genoux, et l’étourdissant de leurs jeux et de leurs cris. Un de ces amis qui a écrit une notice sur sa vie le surprit un jour au milieu de ces paternels embarras. Il s’extasie bonnement devant cette scène de ménage, et ajoute cette réflexion, que Prudhon dut tirer sans doute un excellent parti pour son art de la variété et du charme de ces groupes enfantins.
« La peinture, disait Michel-Ange, est une maîtresse jalouse : elle veut un homme tout entier. » L’infortuné Prudhon devait faire chèrement l’expérience de cette vérité, car ce fut au prix de son repos pendant sa vie presque tout entière. Ces tracasseries insupportables avaient agi à tel point sur son esprit naturellement mélancolique, que ses amis craignirent avec raison qu’il ne se portât contre lui-même aux plus funestes extrémités pour s’affranchir de ses chagrins. Les années s’écoulaient sans fruit pour sa réputation. Au milieu des angoisses d’un état qu’il semblait que rien ne pût changer, il évitait des plaintes inutiles ; mais sa profonde tristesse trahissait assez son découragement. On l’engagea donc à une séparation, comme le seul remède à ses maux, et cette séparation fut enfin consommée, grace à la pension qu’il s’engageait à payer à sa femme. L’éducation de ses enfans allait lui devenir moins pénible par l’éloignement de leur affreuse mère, et le peintre allait vivre enfin pour son art et pour lui-même.
Chose étrange ! ce grand peintre était arrivé presque au déclin de l’âge qu’il n’avait donné sa mesure que dans des productions où brillaient à la vérité toute sa grace et toute son originalité, mais dont l’importance semblait secondaire. En un mot, il n’avait guère exécuté à l’huile et en grand que ce plafond de la Vérité descendant du ciel, dans lequel son style n’a pas toute sa fermeté. Il était à ce moment de la vie où la verve se refroidit chez le commun des artistes, où l’ardeur pour l’étude, où la passion de la renommée, les abandonnent, et la faveur avec elles. Arrivé à cette période critique, l’artiste, se comparant à lui-même, ou s’effraie de la verve qui animait ses premiers ouvrages, ou se répète, mais sans passion et sans la confiance de ses jeunes années. Il se retire insensiblement de l’arène, et, ne se retrouvant plus lui-même, il s’étonne toutefois que le public ne l’accueille plus avec autant de complaisance. Prudhon allait éprouver les effets de la réputation et leurs chances diverses, et presque au même moment le sort lui ménageait un triomphe bien plus doux, et qui n’est pas plus que les applaudissemens de la multitude le privilège des gens qui vieillissent. Un ami l’avait sollicité vivement de donner des leçons à Mlle Mayer, élève de Greuze. Elle venait de perdre son maître, mort en 1802 ou 1803. Prudhon, devenu d’une sauvagerie extrême, ne voyait dans cette obligation qu’un ennui ajouté à tous les autres. Il fallut presque de l’importunité pour vaincre sa répugnance ; mais la grace aimable de cette jeune personne surmonta peu à peu cette résistance, et l’artiste consentit à l’accueillir. L’attachement profond qui naquit de leurs rapports mutuels contribua non-seulement à arracher Prudhon au sentiment de ses infortunes passées, mais à l’échauffer aux grandes entreprises et à le soutenir au milieu de ses travaux. Ce n’est guère là, l’effet ordinaire d’une semblable liaison, surtout à l’âge où Prudhon était parvenu. Son activité, au lieu de s’endormir, ne fit que s’accroître ; et sons esprit, dégagé des plus cruelles entraves, allait prendre tout son essor.
Il faut rapporter à cette époque l’exécution de son beau plafond de Diane implorant Jupiter, qui décore l’une des salles des antiques au Musée. Prudhon est là tout entier : la noblesse et la légèreté de la déesse, la disposition savante, la beauté de ce fond sur lequel on entrevoit les divinités de l’Olympe noyées dans une lumineuse vapeur, tout cela est d’un maître achevé. La conservation et la fraîcheur de ce morceau sont parfaites. Ces dernières qualités ne sont pas inutiles ; à noter dans l’œuvre de Prudhon. L’emploi de procédés particuliers appropriés à sa manière d’exécuter a eu quelquefois des résultats fâcheux pour ses ouvrages, et particulièrement pour ceux auxquels il travailla le plus. Sa manière habituelle consistait à ébaucher son sujet avec un ton uniforme ordinairement gris qui lui permettait de se rendre compte de l’effet de l’ombre et de la lumière avant d’en venir aux finesses de la couleur et du contour. Il revenait sur cette préparation avec des glacis ou de légers empâtemens qui la voilaient en quelque sorte, mais sans la faire entièrement disparaître. L’emploi de ces moyens, dit M. Quatremère dans sa notice, lui donnait la facilité « de retoucher, de laisser, de reprendre son ouvrage à chaque accès d’un sentiment qui, trop vif pour être durable, agissait chez lui par intermittence. » Cette explication ; qui nous paraît rendre très bien sa manière de travailler, donne aussi la raison de la lenteur qu’il mit souvent à achever ses ouvrages. Avec un esprit aussi amoureux du sublime, il ne devait atteindre à la perfection de son ouvrage qu’après de nombreux tâtonnemens ; on voit aussi, dans l’emploi de cette méthode, la raison des altérations que le temps a pu amener dans ses tableaux ; ces travaux successifs et l’emploi de siccatifs destinés à les faciliter ont contribué à altérer quelques parties de ses peintures. Il est arrivé aussi que le ton gris des dessous a reparu à travers les glacis trop légers, qui avaient paru suffisans au moment de l’exécution. Vers la fin de sa vie, il usa moins de cette manière de procéder ; celle qu’il adopta, particulièrement pour ses portraits, était presque entièrement opposée, car il peignait sur un fond de couleur roussâtre avec des tons francs dans la lumière qu’il dégradait jusqu’à l’ombre, en diminuant l’empâtement de la couleur.
On ne sait pas assez tout ce que les hasards de l’exécution, ou l’emploi de pratiques dont les effets ne se font sentir souvent qu’après un grand nombre d’années, peuvent ajouter ou ôter de valeur au plus bel ouvrage en peinture. Tout le génie du monde ne peut empêcher un vernis de jaunir, un frottis de s’évaporer. Quand l’écrivain a peint la blonde Vénus, et qu’il est satisfait de son portrait, tous les siècles écoulés ne changeraient point l’effet de ses périodes ; mais quel œil reconnaîtra la mère des amours sur une toile enfumée et sous des teintes jaunies ? La fragile peinture a pour ennemis tous les élémens : l’air et le soleil, le sec et l’humide ; ce ne sont pas encore là les plus cruels : un retoucheur ignorant vient souvent achever d’un seul coup l’œuvre de destruction que des siècles n’ont point consommée.
On trouve, dans les nombreux dessins de Prudhon, lesquels offrent moins de prise à ces influences perverses, avec tout le charme de ses inventions, la démonstration claire de sa manière de peindre. Ils sont presque tous sur papier bleu, au crayon noir et blanc. Ses premiers traits présentent seulement les masses confuses de son idée, mais l’effet de l’ombre et de la lumière est arrêté tout de suite, et, sur ces masses, il achève peu à peu et arrive aux dernières finesses.
Ces ravissans dessins, qui font aujourd’hui l’ornement des collections[2], donnent peut-être plus que ses tableaux eux-mêmes une idée complète de la richesse et de la variété de son imagination. Ses tableaux, au reste, sont en petit nombre ; on a vu que la nécessité de vivre et de soutenir sa famille l’avait forcé, obscur encore et inconnu, à se livrer à toute sorte de travaux qui l’avaient éloigné de la peinture. Il faudrait citer comme autant de chefs-d’œuvre ses compositions pour l’Art d’aimer, pour le Racine et pour l’Aminte du Tasse. Une grande partie a été exécutée pour des ouvrages dont les titres mêmes sont une énigme pour les curieux à la recherche de ces origines. Un poème ou roman de Lucien Bonaparte a fourni le sujet de plusieurs vignettes de trois pouces de haut qui sont des ouvrages admirables. On trouve un mystérieux plaisir, et j’allais dire un plaisir plus pur et plus dégagé de toutes les impressions étrangères à la peinture, dans la contemplation de ces scènes dont les sujets sont sans explication ; la peinture seule y triomphe, comme la musique dans une symphonie. L’une d’elles représente un lieu désert entouré de ruines. Un homme vient de violer un tombeau pour en tirer des trésors ; sous ses pieds, et lui servant comme de marche-pied, se débat une femme presque étouffée qui presse un enfant contre son sein. Au-dessus du tombeau, et étendue dans une espèce de linceul, une figure de vieillard penche la tête sur cette scène impie et la contemple sans s’émouvoir. Un autre cadre de la longueur du petit doigt présente la scène suivante : une divinité farouche siège sur un trône qui est lui-même un composé de figures accroupies et dans l’attitude de la souffrance. Au pied de ce trône ou plutôt de ce sinistre piédestal, une jeune femme, prosternée sur le sol, la tête cachée dans la poussière, semble implorer convulsivement cette idole sourde et cruelle. Dans le fond vague et obscur, on voit s’agiter des génies. Tout le monde connaît sa charmante composition de Phrosine et Mélidor, dont l’eau-forte a été gravée de sa main. Cette invention seule le place à côté du Corrége.
Enfin parut en 1808 le tableau de la Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime. C’est l’ouvrage le plus important de Prudhon. Dans cette composition, le mélange des caractères vigoureux et des beautés touchantes se présentait avec tous les avantages possibles la franchise de l’effet, la décision des lignes, tout y est frappant et attachant. Ce fut un rude coup pour ses adversaires et un objet de surprise pour cette masse inhabile qui, incapable par elle-même de porter un jugement quelconque, est toujours disposée à s’en rapporter à celui de la haine. Napoléon, supérieur aux cabales et frappé de l’excellence de l’ouvrage, donna au peintre la décoration. Accordée spontanément par l’empereur et à cette époque féconde en miracles, cette distinction était immense ; elle tirait à l’instant de la foule des artistes et plaçait au premier rang un homme presque obscur la veille. Ses ennemis, et il comptait dans ce nombre tous les peintres, lui reprochèrent d’avoir peint le Crime avec des traits trop repoussans ; à leur gré, il eût fallu de la grace jusque dans la figure du brigand teint de sang, marchant sur l’innocente victime dont il emporte les dépouilles.
On l’avait chargé peu de temps auparavant de peindre un tableau destiné à orner les salles de l’Université, et qui devait être de grande dimension. Le dessin composé à cet effet existe encore ; c’est une pensée analogue à celle de l’école d’Athènes : les diverses facultés y sont représentées avec leurs emblèmes respectifs. Il est difficile de connaître précisément la raison qui empêcha Prudhon de donner suite à ce projet. Il était souffrant à cette époque et sans doute mal disposé pour une vaste entreprise. Peut-être, à l’aspect de cette grande toile toute prête pour recevoir son idée, manqua-t-il de confiance ; peut-être fallait-il, pour le confirmer dans le sentiment de sa force, le succès de son tableau de la Justice et la Vengeance divine.
Ce dernier ouvrage avait été commandé à Prudhon par le préfet de la Seine Frochot, qu’on a vu déjà encourager ses essais. On raconte que Prudhon avait conçu la disposition de son tableau au moment où, dînant chez M. Frochot, il avait entendu ce dernier citer comme offrant un sujet remarquable les vers d’Horace : Raro antecedentem, etc. Prudhon se serait levé à l’instant pour aller, dans le cabinet même du préfet, tracer à la hâte les lignes principales de sa composition. Si l’anecdote est vraie, et que Prudhon se soit en effet emparé de cette belle idée pour en faire le sujet de son tableau, tout porte à croire que la composition célèbre qu’il a exécutée n’était pas celle qui s’était offerte à son esprit dans le premier moment. Il existe de lui sur le même sujet un dessin remarquable, mais entièrement différent, et qu’il a bien fait d’abandonner. Ce serait, contrairement au préjugé établi, une nouvelle preuve de l’insuffisance ordinaire du premier jet, et de la nécessité qu’il y a à mûrir une idée et à la retourner de plusieurs manières. Le dessin dont nous parlons rappelle un peu pour la disposition la Calomnie de Raphaël ; on y voit la Justice assise à un tribunal et un ange vengeur qui traîne devant elle deux coupables, un homme et une femme. La figure de la femme qui se débat et résiste à la main qui l’a saisie est d’une pantomime terrible ; quant à l’action de l’homme, son complice, elle est vulgaire. La victime n’est plus cette touchante figure de jeune homme tombé sur le devant du tableau, les bras mollement allongés, et beau encore dans le sein de la mort. C’est une jeune femme massacrée, jetée au pied du tribunal avec son enfant mort comme elle. Ce triste corps ramassé sur lui-même et étendu là comme le mouton sur l’étal du boucher est d’une invention si naïve et si frappante à la fois, que le peintre a dû regretter de l’abandonner avec le reste de la composition ; mais l’ensemble était mal ordonné, et n’avait pas cette harmonie dans les lignes et cette unité de conception qui distinguent si éminemment l’autre tableau. Ce tribunal placé sur l’un des côtés de la scène, et qui se présente de travers à cause de la perspective, ôte à la figure de la Justice et à celles qui l’accompagnent l’assiette et par conséquent le caractère d’impassibilité que l’esprit voudrait leur trouver. Quand le Poussin a représenté le Jugement de Salomon, il a placé en face du spectateur, et au milieu de la toile, la figure de son jeune sage. La tête même n’incline ni à droite ni à gauche, et un seul doigt levé, le regard tourné à peine, indiquent suffisamment l’arrêt du juge.
On vit successivement paraître aux salons de 1810 et de 1812 les tableaux de Psyché enlevée par les Zéphyrs, Vénus et Adonis, la Tête de Vierge, le Zéphyr se balançant sur les eaux. Nous ne décrirons pas plus que le tableau de la Justice et la Vengeance divine ces divers ouvrages connus de tout le monde, au moins par le moyen de la gravure ; on y voit briller à des degrés différens les mérites principaux de Prudhon. La Psyché et le jeune Zéphyr obtinrent un succès plus général que la Vénus. La figure de la déesse fut admirée, il est vrai : elle était parfaitement belle ; mais l’Adonis fut critiqué amèrement, et ces critiques furent sensibles à l’artiste. Les journaux, qui ne pouvaient pas se mêler de beaucoup de choses dans ce temps-là, s’étendirent sur les défauts de l’ouvrage ; ils n’y étaient pas médiocrement portés par l’opinion bien connue de leurs peintres favoris. D’autres tracasseries vinrent enchérir sur ces piqûres. Prudhon avait été choisi pour donner des leçons de peinture à l’impératrice Marie-Louise ; ce poste lui fut envié, et les intrigues qui furent mises en œuvre pour le lui faire retirer n’honorent point la mémoire de ceux qui les employèrent. Peut-être les envieux prêtaient-ils au grand artiste des sentimens semblables à ceux dont ils étaient eux-mêmes animés, et supposaient-ils qu’il ferait servir son influence à nuire à ses ennemis ou à les supplanter. On va voir un exemple du parti que cet homme si simple savait tirer d’un poste envié. Plusieurs peintres ses rivaux avaient été chargés, concurremment avec lui, de faire le portrait de la jeune impératrice. Il n’est pas besoin de dire qu’il était important de montrer du zèle à s’acquitter de cette tâche. Il arriva que ses émules l’avaient achevée depuis long-temps et qu’ils avaient recueilli tout le fruit de leur empressement, que Prudhon en était encore à l’ébauche de sa peinture : non pas qu’il eût apporté à son travail la moindre négligence ; mais, amoureux de la perfection comme à son ordinaire, il mettait à cet ouvrage autant de temps qu’il en fallait pour l’achever de manière à se satisfaire. La même raison lui fit refuser plus tard d’entreprendre le plafond qui décore le grand escalier du Musée. C’eût été un ouvrage capital pour les dimensions, et la place avait de quoi tenter ; mais on lui fixa malheureusement pour l’exécution de ce travail un terme qui ne lui parut pas suffisant, et il renonça à s’en charger.
Suivrons-nous dans cette notice incomplète l’exemple de la plupart des biographes qui sont bien plutôt de purs panégyristes des hommes célèbres dont ils entreprennent de décrire les actions ou les ouvrages ? Amoureux de leurs héros, ils admirent tout indistinctement, ils louent tout pour faire contre-poids au blâme ou aux critiques de ceux que ces hommes remarquables ont eus pour adversaires. Ils commettent la plus grande injustice avec la meilleure intention du monde. En admirant sans raison les parties faibles, ils rabaissent nécessairement celles qui méritent l’admiration. Il est inutile de parler des défauts qui ont été reprochés à Prudhon par ses contemporains et par ses rivaux. Ces reproches éternels de convention et de manière sont de ceux qu’on a adressés de tout temps aux artistes qui sortaient de la manière et de la convention reçues. Écoutons la remarque d’un homme qui a écrit sur lui quelque temps après sa mort, et qui se montre d’ailleurs son partisan déclaré « Les critiques qu’on fit de ses ouvrages, dit-il, semblent avoir quelque fondement sous le rapport du genre de dessin adopté par cet artiste, qui, loin d’imiter l’antique qu’il avait cependant étudié à Rome, n’en avait adopté ni les formes, ni le goût, ni les principes. »
Ce critique, tout bien intentionné qu’il est, pourrait bien n’avoir connu ni ce goût, ni ces principes dont il parle. Il ne sait pas assez que, l’antique ne nous étant connu que par les statues et par les bas-reliefs, il a pu prendre pour ce qu’il appelle les principes de l’antique ceux qui s’appliquent seulement à la sculpture, comme l’isolement des figures, la sécheresse des draperies collées sur le nu, etc., etc. Ce sont là en quelque sorte les conditions nécessaires de cet art. Prudhon, au contraire, est peintre d’abord, c’est-à-dire que sur un champ auquel il donne avant tout la profondeur, il dispose des groupes entourés d’air et de lumière. Il s’attaque à la plus grande difficulté de son art, qui est d’obtenir la saillie. Ce qui caractérise l’antique, c’est l’ampleur savante des formes combinée avec le sentiment de la vie, c’est la largeur des plans et la grace de l’ensemble. Le véritable esprit de l’antique ne consiste pas à donner à toute figure isolée l’apparence d’une statue ; ce même esprit ne réside pas davantage dans la disposition en bas-relief, quand il s’agit de rendre une scène composée de plusieurs figures.
On ne refusera pas à Prudhon une grande partie des mérites qui sont ceux de l’antique. Dans la moindre étude sortie de sa main, on reconnaît un homme profondément inspiré de ces beautés. Il serait hardi sans doute de dire qu’il les a égalées dans toutes leurs parties. Il eût retrouvé à lui seul, parmi les modernes, ce secret du grand, du beau, du vrai et surtout du simple qui n’a été connu que des seuls anciens. Il faut avouer que la grace chez lui dégénère quelquefois en afféterie. La coquetterie de sa touche ôte souvent du sérieux à des figures d’une belle invention. Entraîné par l’expression et oubliant souvent le modèle, il lui arrive d’offenser les proportions ; mais il sait presque toujours sauver habilement ces faiblesses.
Sa couleur est plus séduisante que vraie, mais on ne peut en concevoir une autre plus appropriée à son dessin. D’ailleurs, le sentiment de l’harmonie est chez lui si complet, que l’esprit ne demande pas autre chose que ce qu’il voit. Il a fait de très beaux portraits, mais idéalisés toujours. Le choix des fonds, la manière dont il les éclaire, en font des espèces de poèmes comme ses tableaux. Nous n’en citerons qu’un seul qui résume les qualités de tous les autres : c’est celui de l’impératrice Joséphine. Il a su joindre à une ressemblance parfaite un sentiment d’élévation exquis dans la pose, dans l’expression et dans les accessoires. Elle est assise sous les bosquets de la Malmaison. La mélancolie de l’expression fait pressentir ses malheurs. La tête, les bras, la robe, sont admirables. Il semble que la toile a trop d’étendue pour la figure. On voudrait surtout retrancher dans la partie supérieure ; à part ce défaut, et peut-être un peu de sécheresse dans le schall et quelques parties secondaires, ce portrait est un de ses chefs-d’œuvre.
Le véritable génie de Prudhon, son domaine, son empire, c’est l’allégorie. Sur ce terrain, il retrouve ses mérites dans toute leur force. Les défauts de sa manière y sont moins sensibles et deviennent presque des qualités. Comme parmi ces allégories il préfère ordinairement celles qui présentent des images gracieuses, le charme de son exécution fait oublier et les incorrections du dessin et la monotonie des teintes. Ce ton vaporeux, cette espèce de crépuscule dans lequel il enveloppe ses figures, s’empare de l’imagination et la conduit sans effort dans un monde qui est de l’invention du peintre.
L’allégorie est fastidieuse quand le peintre, qui devrait avoir des ailes pour nous emporter dans des régions supérieures, se colle timidement aux détails de l’imitation et n’ose quitter le terre à terre de son sujet. Il arrive aussi que ce sujet peut être si ridicule et si mal choisi, qu’il enchaîne à son tour l’imagination la plus heureuse. Diderot se moque très justement du peintre Hallé, qui représente dans un tableau immense Minerve conduisant la Paix à l’Hôtel-de-Ville de Paris. Voici sa description en abrégé : « Imaginez au milieu d’une grande salle une table carrée, sur cette table une petite écritoire de cabinet et un portefeuille d’académie. Autour, le prévôt des marchands, tout l’échevinage, tout le gouvernement de la ville, une multitude de longs rabats, de perruques effrayantes, de volumineuses robes rouges et noires, tous ces gens debout, parce qu’ils sont honnêtes, et les yeux tournés vers l’angle supérieur droit de la scène, où Minerve descend accompagnée d’une toute petite Paix que l’immensité du lieu et des personnages achève de rapetisser, et qui laisse tomber d’une corne d’abondance, etc., etc. « Pour vaincre, ajoute-t-il, la platitude de tous ces personnages, il aurait fallu l’idéal le plus étonnant, le faire le plus merveilleux, » et il a raison, car M. Hallé n’a ni l’un ni l’autre.
Mais que Rubens, ouvrant les portes du temple de Janus, en fasse sortir le terrible Mars foulant aux pieds les Arts, les Graces en deuil, dont il disperse les attributs ; qu’entraîné par les monstres de la Discorde et de l’aveugle Fureur, dont les torches se réfléchissent dans son armure en lueurs sinistres, il s’arrache aux bras de Vénus éplorée, tandis que la Paix, non la petite Paix de M. Hallé, mais une vraie immortelle, s’élance après lui, tendant vers le ciel, à travers ses longs crêpes, ses beaux bras impuissans, l’ame s’arrache facilement, pour suivre le peintre, aux vulgaires réalités ; elle est à l’aise et charmée au milieu de ces êtres dont l’action et les proportions la transportent pourtant si loin de tout ce qui lui est familier.
Si Prudhon montre Bonaparte vainqueur et pacificateur, il le place sur un char ; la Sagesse et la Gloire veillent sur lui et couronnent son front ; des divinités aimables le précèdent et se jouent parmi les coursiers qui conduisent son triomphe.
Ce qui fait que M. Hallé est plat et ridicule, tandis que Rubens et Prudhon sont admirables, c’est que les uns idéalisent véritablement les êtres surnaturels dans des scènes où les êtres humains prennent eux-mêmes des proportions idéales, tandis que l’autre ne fait que rapprocher dans une sotte action, dont il ne sait montrer que le côté invraisemblable, des êtres humains de l’espèce la plus triste et de piteuses divinités encore plus maussades. Le secret qui manque à Hallé et aux peintres qui lui ressemblent, c’est celui de la force et de l’audace, mais de celle qui sait s’arrêter précisément aux limites au-delà desquelles l’imagination ne vous suit plus et ne reconnaît plus rien.
J’ai sous les yeux une estampe flamande qui fait partie d’une suite des Métamorphoses d’Ovide, composée par des élèves de Rubens. Voici des hommes qui, tout pleins de la manière et des habitudes de style de ce grand maître, sont insipides, parce qu’il leur manque ce faire, cet idéal, ce souffle, dont Rubens est plein. On a représenté dans cette estampe Orphée attirant à lui les bêtes par le son de son archet. Le violon est ici substitué à la lyre consacrée ; mais cet anachronisme ne choquait pas à cette époque. Au son de cet archet et de ce violon, des animaux de toute espèce se sont rassemblés ; mais comment le peintre animera-t-il cette réunion étrange ? Vous fera-t-il voir les oiseaux fendre les airs à tire d’aile pour se percher le plus près possible de l’enchanteur ? Les cerfs timides, étonnés d’être attirés hors de leurs retraites, dresseront-ils l’oreille tout inquiets ? Les panthères se rouleront-elles aux pieds du musicien dans de petites convulsions presque voluptueuses, en suivant du regard le divin archet et les sons qui s’envient ? Tout cela peut se passer dans l’imagination du lecteur sur l’énoncé de ce beau sujet ; mais, à coup sûr, Ovide l’avait vu dans la sienne, et ses vers charmans ne laissent à cet égard que bien peu de choses à inventer à la pensée la plus féconde. Rien de tout cela n’a frappé le Flamand : dans une plaine tout unie, il rassemble une foule paisible d’animaux, comme on les voit dans la basse-cour ou dans une foire de bestiaux ; des moutons, des bœufs, des ânes et jusqu’à des dindons, imités à merveille à la vérité, et chacun dans son allure, se mêlent tranquillement à quelques bêtes sauvages dont la contenance offre la même tranquillité et la même modestie. La biche, le lièvre, y coudoient les lions et les tigres ; tout ce monde semble venu là pour y prendre sa place comme au concert, pendant que le singe se tient auprès du musicien, attentif à lui tourner les feuillets de son livre de musique.
Nous avons vu Prudhon arrivant à la renommée au moment où les forces manquent ordinairement pour la poursuivre. Pendant le temps assez court qui suivit les longues années de son obscurité et de son abandon, il produisit ses ouvrages les plus remarquables ; la supériorité de ces ouvrages ne les mit pas à l’abri de la controverse et même des critiques violentes. Cette place accordée si tardivement dans l’estime publique ne l’était pas sans de nombreuses réserves. Sans parler des rivaux qu’il trouvait dans l’école, il avait à vaincre, et il n’y était pas parvenu, la disposition chagrine de ces connaisseurs intraitables sur tout ce qui s’écarte de la tradition. Il répugnait à cette classe de juges de reconnaître sa parenté avec les grands maîtres et de l’appeler le Corrége français, comme le gros du public, qui, à vrai dire, le faisait, sans trop savoir la différence qu’il y a entre Corrége et les autres peintres. On persistait à l’accuser de monotonie, d’incorrection, et à blâmer presque unanimement la répétition des mêmes airs de tête. On ne prenait pas garde que ces défauts sont communs à presque tous les maîtres et souvent la condition inévitable qui compense leurs beautés.
Les hommes sont ainsi faits. Ils voient sans s’émouvoir des efforts merveilleux et demandent encore des merveilles. Avec quelle froideur n’a-t-on pas accueilli de nos jours, et presque dans le même temps, les ouvrages étonnans qui ont marqué la carrière si courte de l’illustre et à jamais regrettable Géricault ! Tant de verve, tant de nouveauté, n’avaient concilié à la Méduse, au Hussard, au Cuirassier, que l’admiration enthousiaste de quelques jeunes gens ; toute la grace, toute la finesse, toute l’abondance du génie de Prudhon, n’avaient pu surmonter le préjugé qui lui était contraire.
La restauration ne prodigua ni à l’un ni à l’autre les encouragemens. Quant à Prudhon, retiré dans son atelier et fidèle à sa réserve, il concentrait dans son amour pour le travail et dans la société de ses amis tous ses sentimens et toutes ses pensées. Au contraire, presque tous les peintres que l’opinion plaçait en tête de l’école se montrèrent empressés auprès de ce nouveau pouvoir qui avait proscrit leur illustre maître David et défendu même à ses cendres le retour dans une patrie honorée par ses talens. On a pu voir Prudhon, dans les dernières années de sa vie, employant toutes ses soirées dans l’atelier de son élève, M. Trezel, à dessiner d’après nature comme s’il eût été lui-même un élève. Il ne se trouvait pas mal à l’aise, le porte-crayon à la main et dans la société de jeunes gens. Sa complaisance pour ces derniers était inépuisable. Beaucoup d’artistes faits ont eu également à se louer de lui. Il a bien souvent négligé ses travaux pour apporter à un confrère embarrassé l’aide de ses conseils et de sa savante main.
Ses ouvrages devinrent plus rares. Les fatigues de l’âge et bientôt d’horribles chagrins vinrent faire une diversion fatale à son amour pour l’étude. L’Assomption de la Vierge, qui orne aujourd’hui la chapelle des Tuileries, a été son dernier ouvrage exposé de son vivant. Cette composition fut estimée assez universellement, mais n’excita aucune critique passionnée. Les palmes de l’Institut n’avaient verdi que fort tard pour l’illustre maître. A mesure que le calme s’était fait autour de productions devenues moins fréquentes, il semblait que l’Académie se fût réchauffée au souvenir d’un mérite oublié si long-temps. Elle avait épuisé ou à peu près la liste des noms qui se recommandaient à elle par des succès d’école ou par des liens de confraternité. « Il n’avait appartenu, » dit naïvement le secrétaire perpétuel dans l’éloge public prononcé deux ans après la mort de Prudhon, « ni à l’Académie ni à aucune école ; il était donc étranger à ces liaisons d’élèves contemporains qui établissent dans la suite une sorte de devoir d’aider les autres à parvenir[3]. »
Mais, à supposer qu’une si tardive distinction l’ait trouvé sensible, de quel intérêt allaient devenir pour lui et les distinctions et la gloire même et son art dont il avait fait jusqu’alors sa consolation ! La mort tragique de Mlle Mayer vint tout à coup renverser toutes les espérances qu’il avait pu former pour le repos de ses dernières années. Cet événement le surprit au milieu de la vie calme et retirée où nous venons de le montrer. Cette malheureuse femme se tua dans un accès de noire mélancolie ou plutôt de folie portée à son comble. Ce dernier motif paraît le seul vraisemblable. Un certain égarement, des manières singulières et tout-à-fait inaccoutumées chez elle, eussent pu faire pressentir cette catastrophe. On voulut éloigner Prudhon avant de lui apprendre l’affreuse nouvelle, mais on ne put y parvenir, et il pénétra dans l’appartement de Mlle Mayer, qu’il trouva baignée dans son sang. Que ceux qui ont vu devant leurs yeux et pressé dans leurs bras le corps inanimé d’un objet chéri et ravi à jamais se rappellent leur propre douleur, et ils auront une idée de celle de ce malheureux qui, se jetant sur ce corps insensible et dans l’égarement de ses esprits, cherchait à le ranimer et à refermer l’horrible blessure. Il fallut l’entraîner tout couvert de sang. Avec ces tristes restes allaient disparaître ses dernières joies et presque ses derniers sentimens.
Il est inutile de chercher les causes d’une résolution si cruelle. Chez certaines natures, de sombres idées naissent souvent au sein d’une situation qui présente les apparences du calme. Une exaltation passagère peut bien donner à de tels mouvemens, nourris et envenimés en secret et dans des heures funestes, une intensité et un emportement capables de pousser l’ame aux dernières extrémités. Est-il un seul sentiment de quelque violence qui ne touche à la démence par quelque point, et dans un esprit bouleversé et hors de soi quelles bornes assigner au désespoir, même quand il n’est fondé que sur des motifs qui semblent frivoles ? Gros, au comble de la réputation, et quand il n’avait plus qu’à jouir de sa gloire, se tue pour quelques articles de journaux. En 1806, au moment où allait paraître la Bataille d’Aboukir, il fut sur le point de prendre ce parti désespéré, parce qu’on lui avait demandé brusquement de substituer dans son tableau le personnage de Napoléon à celui de Murat, projet qui, heureusement pour Gros lui-même comme pour son tableau, ne fut pas mis à exécution.
Quelques amis supposèrent que l’infortunée MIIe Mayer avait envisagé avec une espèce de terreur la situation où la placerait vis-à-vis de Prudhon la nécessité de quitter l’appartement qu’elle occupait à la Sorbonne. Ce logement, qu’elle avait obtenu à titre d’artiste, était entièrement indépendant, de sorte que les convenances ne semblaient pas mettre tout-à-fait obstacle à leur réunion. Or, ces logemens venaient d’être redemandés par l’Université, qui voulait à leur place installer les cours publics qu’on y voit encore aujourd’hui. On a parlé aussi d’une femme de la société de Mlle Mayer, qui, sous le voile de l’amitié, se serait entremise charitablement pour lui donner des scrupules tardifs sur sa liaison et surtout au point de vue des inconvéniens qui en pourraient résulter pour Prudhon. Comment, s’il en fut ainsi, ne pensa-t-elle pas que le chagrin mortel qu’elle allait lui causer était un malheur auprès duquel tous les inconvéniens possibles n’étaient rien ? comment cette idée si naturelle ne vint-elle pas la détourner de son dessein ? Rien ne prouverait plus clairement qu’elle avait perdu la raison.
Quels que fussent les motifs capables de porter cette ame troublée à sa cruelle résolution, cette mort devenait pour l’infortuné resté seul le dernier trait du sort dans une vie déjà si éprouvée. A partir de cette catastrophe, la vie devint pour lui un poids insupportable. Ses pensées, ses discours, revenaient sans cesse vers ce point fixe, et son courage, pour résister à tant de maux, n’était plus qu’une morne résignation. Il s’élançait à l’avance vers le moment qui le réunirait à ce qu’il avait aimé. Il prit un triste plaisir à finir les tableaux commencés par la malheureuse femme. La Famille dans la désolation, l’un de ses derniers ouvrages exposés, est de ce nombre. Le Christ auquel il travaillait presque en mourant est comme la dernière lueur de son ame. Mécontent de cet ouvrage qu’il laissait imparfait, il suppliait ses amis de le faire disparaître après sa mort. On voit dans la collection de M. Marcille un tableau de grande dimension qui est l’un des tristes fruits de ses travaux de cette époque, lesquels, loin de tromper ses souvenirs, l’y ramenaient, comme on voit, de plus en plus. Il a représenté dans cette peinture l’ame quittant la terre pour rejoindre les cieux. Une mer sombre et qui semble grossir sans cesse se brise contre un écueil. Une belle figure s’élance de ce bord funeste en tendant les bras vers une céleste patrie. Elle est nue, elle a quitté ce lourd manteau de la vie mortelle ; cette dépouille qui tombe à ses pieds est souillée encore par la vague fangeuse, et marque la dernière trace d’un triste passage. Cette belle ame détachée de sa chaîne s’élève avec langueur, et dans ses beaux yeux un faible espoir se mêle à l’amer sentiment des douleurs passées. Ce tableau n’est pas achevé : il ne devait pas l’être. Sans doute qu’en travaillant à cet ouvrage, dans lequel il résumait ses cruelles pensées, il ne fût point parvenu à en exprimer toute l’amertume et à se satisfaire.
Peu de temps après la mort de Mlle Mayer, l’un de ces amis rares et dont le nom mérite d’être conservé, M. de Boisfremont, peintre et élève de Prudhon, le prit avec lui pour l’entourer de soins. Rien ne pouvait distraire complètement une pareille douleur ; mais les pieux empressemens de cette amitié si pure l’aidaient en quelque sorte à vivre. C’est dans la maison et dans l’atelier de M. de Boisfremont que ses derniers ouvrages ont été peints, et qu’on a exposé après sa mort ceux qu’il laissait inachevés, ainsi que ses études et ses dessins, dont la vente produisit à cette époque d’indifférence une bien faible somme, si on la compare aux prix élevés que le temps a mis depuis à ses ouvrages. C’est dans cette maison et dans les bras de son ami qu’il mourut le 16 février 1823. Il s’éteignit en prononçant ces paroles touchantes : « Mon Dieu, je te remercie ; la main d’un ami fidèle me ferme les yeux. » Il n’avait pas survécu deux ans à l’objet aimé ; il en parlait encore sans cesse, quand le trait fatal l’atteignit lui-même.
La faveur générale qui s’attache aujourd’hui aux ouvrages de Prudhon est-elle l’effet d’un simple caprice et de cet esprit de réaction que nous voyons, dans l’histoire des arts, élever ou rabaisser les réputations ? Il est malheureusement trop certain que la supériorité du talent ne suffit pas pour mettre la gloire elle-même à l’abri des variations de l’opinion et de la mode. Il est des talens privilégiés qui ont été entourés tout de suite d’une admiration à laquelle le temps n’a fait qu’ajouter. Les grands artistes qui ont brillé par la grace, par le charme et par la noblesse de leurs inventions, ont peut-être conquis plus rapidement l’unanimité des suffrages. Raphaël, Léonard de Vinci, Paul Véronèse, Cimarosa, n’ont pas attendu long-temps cette justice de l’opinion. Au contraire, les génies austères qui sondent les abîmes de l’ame et qui saisissent plus volontiers dans leurs peintures le côté terrible et pathétique des choses humaines exercent un empire plus restreint et plus contesté. La violence ou la singularité de leurs inspirations les isole des sentimens ordinaires, et fait que leurs qualités mêmes sont destinées à être l’objet d’une discussion éternelle. Ainsi d’un Puget, ainsi d’un Rubens. Cent ans après la mort de ce dernier, Depiles, dans ses Entretiens sur la Peinture, prend sa défense comme s’il s’agissait d’un homme encore vivant, dont les détracteurs et les partisans passionnés seraient encore en présence. « Certaines personnes, dit-il, s’étaient contentées de suivre aveuglément l’opinion des personnes qui les trompaient, ou par malice ou par ignorance. D’autres en assez grand nombre, qui n’avaient vu de ce rare génie que les tableaux qui étaient à Paris, ont suspendu leur jugement entre l’opinion des peintres vulgaires et celle que j’ai tâché d’établir en faveur de Rubens, jusqu’à ce qu’ils eussent vu par eux-mêmes si les ouvrages dont je parlais étaient des preuves suffisantes pour justifier tout le bien que je disais de leur auteur… Ils les ont vus aujourd’hui et sont des premiers à parler de lui avec éloge et des plus attachés à son parti. »
Si nous ne sommes point trompé par notre partialité en faveur de Prudhon, nous croyons que les qualités de cet aimable génie sont de celles qui doivent assurer dès à présent sa renommée. Il est même inutile de s’appuyer à cet égard sur ce grand argument auquel rien ne résiste ordinairement aux yeux des contemporains, c’est-à-dire la valeur excessive à laquelle ses ouvrages sont récemment parvenus. On peut aller jusqu’à la trouver exagérée, au moins quant à ce qui concerne des ouvrages faibles signés de lui, pour lesquels on offre encore des prix excessifs. Il n’est pas inutile de dire que le même honneur a été accordé à des contrefaçons et à des copies par suite du caprice des amateurs vulgaires dont le dédain et l’engouement sont également aveugles. Il nous reste à faire des vœux pour que nos collections nationales suivent un peu ce beau mouvement et se montrent à leur tour plus empressées à acquérir et à mettre en lumière un plus grand nombre de productions de Prudhon. Il est peu de cabinets qui ne soient plus riches en estampes gravées d’après ses compositions, ou en tableaux et dessins de sa main, que ne sont le Musée et la Bibliothèque. Dans le premier de ces établissemens, on n’a placé au nombre de ses dessins que deux ou trois pastels ébauchés et pas une de ses compositions caractéristiques, telles que sujets mythologiques, bacchanales, etc., dans lesquelles il excellait. Quant aux deux seules peintures de Prudhon qu’on y voie figurer, bien que l’une d’elles soit son célèbre tableau de la Justice et la Vengeance céleste et l’autre le Christ, son dernier ouvrage, on regrette de n’avoir à juger de son talent que dans des productions qui brillent plutôt par la sévérité du sujet et de la manière que par cette suavité et cette grace qui resteront les caractères particuliers de son talent.
EUGÈNE DELACROIX.
- ↑ Toutes les biographies font naître Prudhon en 1760. Des recherches faites récemment sur les registres de sa paroisse natale ont fait connaître qu’il est né en 1759. Sur ce registre, son nom est écrit Prudon. Il est plus que probable que c’est par erreur qu’il a signé également Prudhon et Prud’hon.
- ↑ La plus complète sans doute est celle de M. Marcille, amateur enthousiaste du talent de Prudhon, et dont le goût éclairé a su réunir une quantité étonnante de dessins de sa main et des plus précieux. Il est l’heureux propriétaire de la charmante esquisse de Vénus et Adonis, et du beau tableau de l’Ame, dont il sera parlé plus loin.
- ↑ Notice historique sur la Vie et les Ouvrages de M. Prudhon, lue à la séance de l’Académie des Beaux-Arts, le 20 octobre 1824, par M. Quatremère de Quincy, secrétaire perpétuel.