Pensées et Fragments inédits de Montesquieu/Préface et Description des Manuscrits publiés dans cet Ouvrage

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Pensées et Fragments inédits de Montesquieu, Texte établi par Le baron Gaston de Montesquieu, Imprimerie de G. GounouilhouI (p. xi-xxxiv).


PRÉFACE

Bien que nous donnions aux volumes qu’on va lire le titre de Pensées et Fragments inédits de Montesquieu, plusieurs des morceaux qui s’y trouvent sont déjà connus. Dans les recueils des Œuvres (soi-disant) complètes de l’Auteur, on rencontre, en effet, un nombre variable d’extraits plus ou moins étendus des manuscrits que nous allons publier intégralement. Mais les plus riches ne reproduisent pas même un vingtième du contenu des trois gros volumes auxquels ils font des emprunts. De plus, les textes y ont été imprimés sur des transcriptions hâtives, pas toujours exactes1. Enfin, beaucoup des réflexions de Montesquieu sont rapprochées arbitrairement les unes des autres, ou bien isolées de l’ensemble qui en fixe le sens et la valeur.

A la lecture des quelques pages dont nous parlons, nul n’aurait imaginé que l’auteur de l’Esprit des Lois eût laissé une riche mine de documents, pleins de détails précieux sur toute sa vie intellectuelle ou littéraire, et particulièrement sur la seconde moitié.

Il en est, cependant, ainsi.

Si les Voyages de Montesquieu indiquent, presque jour par jour, ses étapes à travers l’Empire d’Allemagne,

1. Dans le tome II des Pensées (manuscrites), au verso du folio 100, Montesquieu a écrit, entre une réflexion sur les neveux et une citation (biffée) d’un mot plus ou moins drôle: t Je vay comencer par une sotte chose, qui est ma généalogie. » Les éditeurs ont imprimé : t Je fais faire une asstM sotte chose, c’est, etc. » Ce texte altéré a fourni à un critique grave une preuve de la vanité de Montesquieu) l’Italie et les Pays-Bas, en 1728 et 1729, le recueil complet de ses Pensées, par ce qu’il nous révèle sur la genèse de ses idées et de ses œuvres, permet de le suivre, pendant une trentaine d’années, dans sa marche laborieuse à la découverte des vérités morales et politiques.

Nous espérons donc qu’on ne contestera point que nous apportons un livre vraiment nouveau au public qu’intéressent les choses de la littérature, de l’histoire et de la philosophie.

I

Montesquieu possédait une série de volumes in-40, solidement reliés et composés de feuilles toutes blanches primitivement. De l’un d’eux, il n’a utilisé que quelques pages, pour y consigner les corrections qu’il voulut, d’abord, introduire dans son traité sur la Grandeur des Romains. Mais les autres étaient appelés à lui rendre des services plus variés et plus durables.

Tantôt il y inscrivait lui-même et tantôt il y faisait inscrire des notes relatives à des faits curieux, ou des extraits de ses lectures, ou encore l’expression de ses idées personnelles, résumées en courtes formules ou plus ou moins longuement développées. Dans celui de ces registres qui nous semble être le plus ancien1, et qui est intitulé Spicilegium, on trouve surtout des notes; au besoin, des recettes médicales. C’est, au contraire, à

1. Certaines parties du Spicilegium nous paraissent être antérieures aux Lettres Persanes. Il commence, en effet, par des extraits « d’un gros recueil > que le père Desmolets avait prêté à Montesquieu. Or, parmi ces extraits, à la page 78, se trouve le suivant:

t Ferdinand, roi d’Aragon, assembloit les États d’Aragon et de Catalogne, quand il entreprenoit quelque guerre importante, et leur demandoit un don gratuit ou des subsides pendant le cours de la guerre. L’an i510, les États de ces deux provinces étant assemblés dans une des analyses de livres qu’étaient réservés presque exclusivement six à huit tomes environ, dont un seul nous est parvenu1, mais dont chacun était affecté à un ordre spécial d’études, tel que le Droit, la Politique, la Géographie, etc. Enfin, trois volumes, autrement précieux que le reste, constituent un recueil où des réflexions détachées sont mêlées à de petites œuvres inédites ou à des fragments inédits d’œuvres que l’auteur de l’Esprit des Lois n’a jamais terminées ou n’a terminées qu’en en retranchant des parties plus ou moins importantes. C’est à la publication de ce recueil que nous consacrons le présent ouvrage.

Le premier des trois volumes dont nous parlons semble avoir été commencé après l’impression des Lettres Persanes; le second, après celle des Considérations sur la Grandeur des Romains; et le troisième, après celle de l’Esprit des Lois.

Mais il s’en faut bien qu’on puisse induire sûrement de ce qu’un morceau se trouve à la suite d’un autre, qu’il n’ait pas été transcrit avant lui dans le registre où il figure. Les intercalations sont visibles dans une foule d’endroits. C’est même par dizaines, sinon par centaines, que l’on compte dans les tomes II et III, entre les pages écrites, celles qui sont demeurées en blanc, et qui, sans doute, étaient destinées à recevoir des pièces ayant quelques rapports avec les fragments qu’elles auraient immédiatement suivis. %

Nos volumes n’en fournissent pas moins des renseignements chronologiques; mais il est parfois délicat de les en tirer.

ville limitrophe, les préliminaires furent : en quelle langue seroit conçue la délibération; et cette difficulté dura plusieurs jours. Enfin, on convint que la demande se feroit en langage catalan, et la réponse en aragonois. »

Il est bien probable que cette anecdote du < gros recueil » a inspiré a. notre auteur la fin de la iog’ Lettre Persane, bien qu’il y rapporte, dans une note, le fait dont il parle, à l’an 1610.

1. Ce volume a pour titre: Géographie», tom. II.

Ajoutons que, bien qu’ils comprissent, outre un millier de courtes réflexions, des œuvres ou fragments d’œuvres de plus longue haleine, Montesquieu, lui-même, les désignait ordinairement sous le titre de Mes Pensées. Nous suivrons son exemple. En parlant des manuscrits que nous éditons, nous les appellerons tome I, II ou III des Pensées ou encore des Pensées (manuscrites) de Montesquieu.

II

Il serait fort difficile d’énumérer ici les divers sujets abordés par Montesquieu dans ses Pensées (manuscrites). Le grand curieux qu’il était s’intéressait plus ou moins à tout. Une seule branche des connaissances humaines semble lui être restée vraiment étrangère : les mathématiques; et visiblement il leur en voulait de ne pas lui être accessibles.

Cette lacune, bien entendu, n’empêche pas notre recueil d’être singulièrement mêlé. Aussi, dans une courte préface, ne peut-on le considérer que d’ensemble; en insistant, tout au plus, sur quelques points essentiels.

Nous ferons donc remarquer, d’abord, que le tome I" des Pensées ne fut commencé qu’à l’époque où l’Auteur renonça presque aux sciences physiques et naturelles, pour se consacrer de préférence aux études morales et politiques. De là vient que les sciences n’occupent qu’une place très restreinte dans les trois volumes dont nous éditons le texte. Il est même assez curieux de constater qu’on y chercherait vainement, sur deux mille deux cent et quelques articles, plus de douze à quinze ayant trait, peut-être, à Y Histoire de la Terre ancienne et moderne dont «M. de Montesquieu, président au Parlement de Guyenne, à Bordeaux », avait inséré une sorte de prospectus dans les journaux de 17191.

Nous regrettons davantage l’absence, dans les manuscrits que nous publions, d’un plus grand nombre de détails sur la vie proprement dite de l’Auteur. Le peu qu’ils nous apprennent à cet égard est même très vague, le plus souvent. Presque tout, d’ailleurs, en est relatif moins à l’homme qu’à l’écrivain.

Dans le tome II, par exemple, nous trouvons la harangue que Montesquieu adressa au roi Louis XV, le 3 juin 1739, en qualité de directeur de l’Académie françaisea. Il y félicite le Prince de la paix qu’il venait de conclure à Vienne, avec l’Empereur d’Allemagne. Nous savons par lui-même qu’il fut très ému en s’acquittant de sa tâche3.

Un autre sentiment pénible qu’il avoue, c’est l’irritation que lui causaient les critiques superficielles dirigées contre ses ouvrages4.

11 s’en vengeait cruellement! De sa propre main, il écrivait une épigramme acérée sur une page quelconque de l’un de ces in-quartos intimes, dont nous indiquions tout à l’heure l’emploi. Puis, il l’y laissait dormir. Sa rancune était assouvie. Et même, quand l’épigramme était trop vive, il la biffait soigneusement et la rendait presque indéchiffrable ..

En parlant de lui, le père Castel pouvait bien dire qu’il n’avait jamais connu de plus belle âme6!

Ne s’est-elle pas révélée, avec toute sa noblesse, dans ce précepte touchant et vraiment évangélique: « Il faut

1. Œuvres complètes de Montesquieu (Paris, Garnier frères, 18701S79), ,ome V, PaKe 24

2. tes Registres de l’Académie française (Paris, F. Didot, 1895), tome II, page 445.

3. Pensées (manuscrites), tome III, folio 270 v°.

4. Pensées (manuscrites), tome II, folio 180.

5. Pensées (manuscrites), tome II, folio 456.

6. L’Homme moral opposé à l’Homme physique de Monsieur J?... [par le P. Castel], (Toulouse, 1756), page 112. plaindre les gens malheureux, même ceux qui ont mérité de l’être, quand ce ne seroit que par ce qu’ils ont mérité de l’être»?»

Mais (répétons-le) ce n’est point l’homme que les Pensées (manuscrites) font surtout connaître; c’est le philosophe et l’auteur: le philosophe, avec ses méthodes et ses principes; et l’auteur, avec ses théories littéraires et ses productions successives, allant de l’ébauche en vers, jusqu’au chef-d’œuvre en prose.

III

Quant aux méthodes du philosophe, nous relèverons un seul point, mais capital.

Montesquieu s’était appliqué trop sérieusement aux sciences physiques et naturelles pour méconnaître le rôle des observations ou des expériences rigoureuses dans la découverte de la vérité. A ce point de vue, il est instructif de lire sa note sur la peste et la manière de la combattre2. Mais, précisément, comme il se rendait bien compte des conditions sous lesquelles l’induction est légitime, il se défiait des applications qu’on voudrait en faire aux études politiques et sociales. Ce n’est que lorsqu’elles portent sur des phénomènes semblables que les généralisations sont fécondes. Avec des éléments divers, n’ayant que de l’analogie, on ne fonde point de vraies sciences.

Dans ses Pensées, l’auteur de l’Esprit des Lois met en garde, à plusieurs reprises, contre les illusions que se font certaines gens; et notamment dans le passage qui suit:

« Les politiques ont beau étudier leur Tacite; ils n’y trouveront que des réflexions subtiles sur des faits qui

1. Pensées (manuscrites), tome I, page 3g2.

2. Pensées (manuscrites), tome I, page 122. auroient besoin de l’éternité du Monde, pour revenir dans les mêmes circonstances1. »

Est-ce à dire que toute généralisation soit stérile en ces matières? Nullement! Une philosophie prudente peut arriver à des conclusions vraies et utiles par l’examen de ce qu’il y a de permanent dans l’histoire. Or qu’y trouvet-on partout et toujours? L’Homme, avec ses facultés, ses instincts et ses passions, causes intimes et éternelles de toutes les vicissitudes des Peuples.

C’est parce qu’ils sont (comme les Lettres Persanes) l’œuvre d’un moraliste, d’un moraliste hors ligne, que l’Esprit des Lois et les Considérations sur la Grandeur des Romains ne cesseront point d’exciter l’admiration des penseurs à venir.

IV

Les fragments que nous publions permettront aussi de mieux comprendre les idées fondamentales de Montesquieu, telles qu’elles ressortent de ses œuvres antérieurement connues. Ils nous en découvrent quelquefois l’origine, et souvent en montrent le développement graduel. On assiste (comme nous l’avons déjà dit) au travail qui s’est fait, pendant trente et quelques années, dans un des plus grands esprits dont l’Humanité s’honore.

Spécialement, les Pensées doivent nous empêcher de confondre ce que nous appellerons le rêve, rêve idyllique, de l’Auteur avec ses théories proprement dites.

Un certain état social peut lui paraître supérieur aux autres pour assurer aux habitants de la Terre ce qu’il juge être leur vrai bonheur. Mais jamais il n’eut la naïveté de croire qu’un législateur quelconque pût imposer ce

1. Ptuéti (manuscrites), tome I, paye 539. bonheur à une vieille société, ni même en garantir la durée dans une société qu’il fonderait et constituerait. A ses yeux, rien n’est précaire comme les régimes les meilleurs et les plus nobles. Ils ne subsistent que par un concours de vertus fatalement rare 1. Les Troglodytes se lassent de n’obéir qu’à leur conscience trop rigide et secouent le joug d’une liberté que les mœurs seules restreignent.

Nous touchons ici à la conception centrale de Montesquieu, à sa conception de l’Homme, pauvre être médiocre pour le bien et même pour le mal.

Dans tous ses écrits, il insiste sur le sentiment de notre faiblesse. Aussi n’est-il point de vertu qu’il recommande plus fortement que la modestie. Il en définit ainsi la forme la plus parfaite:

« L’humilité chrétienne n’est pas moins un dogme de philosophie que de religion. Elle ne signifie pas qu’un homme vertueux doive se croire plus malhonnête homme qu’un fripon, ni qu’un homme qui a du génie doive croire qu’il n’en a pas; parce que c’est un jugement qu’il est impossible à l’esprit de former. Elle consiste à nous faire envisager la réalité de nos vices et les imperfections de nos vertus2. »

Depuis l’époque où il rédigeait son premier chefd’œuvre, jusqu’à la veille de sa mort, Montesquieu est sans cesse revenu sur l’éloge de la modestie et sur la condamnation de l’orgueil, qu’il distingue avec soin d’une juste fierté, pure de dédain.

Usbek écrit dans la 144e Lettre Persane:

< Hommes modestes, venez, que je vous embrasse! Vous faites la douceur et le charme de la vie. Vous croyez que vous n’avez rien; et, moi, je vous dis que vous avez tout. »

Un article du Traité des Devoirs est conçu en ces termes:

« Une âme basse orgueilleuse est descendue au seul point

1. Pensées (manuscrites), tome I, page 534, et tome II, folios 10 et 17.

2. Pensies (manuscrites), tome I, page 20. de bassesse où elle pouvoit descendre. Une grande âme qui s’abaisse est au plus haut point de la grandeur1. »

Enfin, dans les conseils A mon Petit-Fils, nous détachons cette phrase:

« Sachez aussi que rien n’approche plus des sentiments bas que l’orgueil, et que rien n’est plus près des sentiments élevés que la modestiea. »

Nous ne continuerons point nos citations: celles que nous venons de faire permettront de saisir le lien intime qui rattache la politique de Montesquieu à sa morale.

Si l’Homme est un être médiocre, rien d’extrême ne lui convient.

Pour les particuliers, il n’est pas bon qu’ils disposent d’une liberté absolue ou de richesses immenses.

C’est un danger pour des autorités publiques que d’avoir une puissance à laquelle des lois fixes et les attributions d’autres magistrats n’assignent point de limites.

Et, pour les états eux-mêmes, les grandes conquêtes, les extensions indéfinies sont, tôt ou tard, une cause de ruine.

On peut critiquer, rejeter cette manière de voir, la juger mesquine et bourgeoise; on ne saurait en méconnaître l’unité rigoureuse et logique.

Notons qu’à la différence de tant de faux modestes, Montesquieu, en humiliant le Genre humain, ne crée point une catégorie d’hommes exceptionnels, dans laquelle il se rangerait naturellement.

V

Passons, maintenant, du philosophe à l’auteur. Les Pensées et Fragments inédits découvrent dans Montesquieu un artiste très conscient de son art: de l’art

1. Pensées (manuscrites), tome II, folio 108 v°.

2. Pensées (manuscrites), tome III, folio 359 v°. qu’il apporte dans la construction de ses phrases, autant que dans la composition même de ses œuvres.

Pour bien apprécier le grand prosateur, il importe de lire ses écrits à haute voix, comme s’il s’agissait d’un poème, de La Divine Comédie, par exemple. Ce procédé a un double avantage. Une lecture ralentie permet de saisir plus aisément toutes les idées qui se suivent, drues et serrées, dans une langue parfois trop concise. Mais, surtout, on jouit mieux ainsi de l’œuvre littéraire. Un rythme harmonieux se dégage à la lecture d’une série d’alinéas, n’ayant que quelques lignes en général et formant comme autant de couplets, dont chacun flatte l’oreille.

La qualité que nous relevons ne distingue pas exclusivement ce qu’on pourrait appeler les morceaux de bravoure, tels que les portraits d’hommes illustres. Prenez, dans VEsprit des Lois, les définitions par lesquelles le second livre commence. Qui ne discerne dans cette prose sévère un tour général, un mouvement ordonné?

Montesquieu se rendait compte des mérites de son style à cet égard. On lit, en effet, dans le tome Ier de ses Pensées : « Bien des gens, en France, surtout M. de La Motte, soutiennent qu’il n’y a pas d’harmonie. Je prouve qu’il y en a, comme Diogène prouvoit à Zénon qu’il y avoit du mouvement, en faisant un tour de chambre »

C’est également à dessein que notre auteur disposait le sujet de ses œuvres d’une manière qui lui a valu le reproche d’impuissance. N’a-t-on pas dit qu’il avait l’intelligence « fragmentaire »? Lui qui a suivi constamment, dans un ordre rigoureux, une idée unique, à travers les trois à quatre volumes de VEsprit des Lois!

Il est vrai qu’il lui répugnait de faire quelque chose d’analogue à une dissertation, à un traité doctoral. Sa

i. Ptnsies (manuscrites), tome I, page 374 nature le portait à suivre une méthode plus libre et plus dégagée. Non content d’éviter les transitions dans ses grands ouvrages, il se plaisait à couper encore les petits en morceaux.

Le portrait du Régent qu’il a esquissé dans les cinq Lettres de Xénocrate à Phérès n’en formait qu’une à l’origine.

Dans l’Esprit des Lois, il avait, d’abord, expliqué pourquoi il y insérait les livres XXVII et XXVIII. Il se ravisa ensuite, jugeant inutile de le dire. Ne s’imaginait-il point que, ce qu’il voyait clairement, lecteurs et critiques s’en rendraient compte de même1? Illusion étrange, mais touchante! Elle était bien digne du génie qui se disait: « Il y a ordinairement si peu de différence d’homme à homme, qu’il n’y a guère sujet d’avoir de la vanitéa. »

Mais d’où pouvait lui venir sa haine des transitions et des expositions bien liées?

Il avait pour le pédantisme une aversion instinctive et réfléchie. Ennemi d’un sot orgueil, il voulut, sans doute, ressembler le moins possible aux cuistres de son temps, pauvres hères jugeant le Monde du sommet des minuties qu’ils savaient peut-être. C’est pourquoi il s’écarta avec soin, mais non sans excès, des procédés didactiques qui leur étaient habituels.

De plus, il sentait probablement qu’une prose très concise doit être très coupée, sous peine de fatiguer les lecteurs.

Quoi qu’il en soit, Montesquieu a fait, en ces termes, sa profession de foi littéraire:

« Pour bien écrire, il faut sauter les idées intermédiaires: assez, pour n’être pas ennuyeux; pas trop, de peur de n’être pas entendu. Ce sont ces suppressions heureuses

i. Pensées (manuscrites), tome III, folio 4 v».

2. Pensées (manuscrites), tome III, folio 343. qui ont fait dire à M. Nicole que « tous les bons livres » étoient doubles1 ».

Reconnaissons, toutefois, qu’on ne doit appliquer ce précepte que sous bénéfice d’inventaire. Il a nui certainement à notre auteur lui-même. Et d’abord, il a dérouté les esprits subtils qui mesurent la logique d’une œuvre au nombre et au poids des conjonctions qui s’y trouvent.

VI

Que Montesquieu eût écrit ou voulu écrire quelques ouvrages d’une certaine étendue, autres que les Lettres Persanes, les Considérations ou Y Esprit des Lois, on le savait jusqu’ici assez vaguement. Il était question d’une Histbire de Louis XI, dont le brouillon et la mise au net auraient été consumés par les flammes. On possédait même l’analyse des premiers chapitres d’un Traité des Devoirs, lus, en 1725, à l’Académie de Bordeaux2. Rien ne permettait, cependant, de croire que notre auteur eût commencé plusieurs autres livres, qu’il aurait abandonnés ensuite: patriœ cecidere manus3. Encore moins avait-on des raisons sérieuses pour soupçonner que la fameuse Histoire de Louis XI n’eût jamais été mise au feu, parce qu’elle n’avait existé jamais.

Les trois tomes des Pensées (manuscrites) fournissent des renseignements nombreux sur les questions que nous venons de poser.

Ils nous révèlent un Montesquieu qui se cherche luimême pendant des années, qui médite une série d’œuvres de plus en plus complexes, sans qu’elles arrivent à terme,

1. Pensées (manuscrites), tome III, folio 277.

2. Œuvres complètes, tome VII, page 66.

3. Esprit des Lois, Préface. et qui passe par des crises d’abattement, où il s’écrie avec dégoût: € F ai la maladie de faire des livres et d’en être honteux quand je les ai faits1. »

Nous n’insisterons point sur la tragédie de Britomare, ni sur les Dialogues mythologiques, dont certains passages nous ont été conservés. Quelques opuscules de moindre importance ne nous arrêteront pas davantage. Au contraire, nous signalerons que l’auteur des Lettres Persanes, après avoir entrepris une Histoire de la Jalousie, qu’il changea plus tard en Réflexions sur le même sujet, voulut composer, sous une forme nouvelle : un De Officiis, comme Cicéron, et un II Principe, comme Machiavel.

Ainsi Montesquieu passa de la Psychologie à la Morale et de la Morale à la Politique. La Politique ne le lâcha plus. Mais il demeura toujours moraliste et psychologue; ce qui donne à ses doctrines une incomparable fermeté.

Notez que, même lorsqu’il écrivit sur l’histoire, il y chercha la démonstration de quelques vérités politiques. On n’estimait pas, alors, que le plus noble emploi du génie fût de produire un livre qui ne prouvât rien. Dans ses Considérations sur la Grandeur des Romains (comme dans sa Monarchie universelle), il s’efforce d’établir les périls qu’entraînent les grandes conquêtes, « Ut lapsu graviore ruant, » telle était l’épigraphe qu’il avait empruntée à Claudien, pour son œuvre. Il l’a traduite, en la commentant, dans un passage du chapitre xv, qui est comme la clé de voûte de l’œuvre entière.

Et ce qui nous est parvenu des ouvrages qu’avait commencés Montesquieu, l’un, sur l’ensemble de l’histoire de France, et l’autre, sur le règne de Louis XIV, nous permet d’induire aussi que les réflexions politiques devaient y occuper une large place.

A mesure que notre auteur se voua, de plus en plus exclusivement, à l’étude des lois et des règles qui président à la destinée des nations, il exposa ses idées sous des formes plus simples et plus graves. Les Pensées (manuscrites) nous révèlent qu’après avoir mis en scène Usbek et Rica, dans les Lettres Persanes, il songea à présenter ses opinions sous le nom d’écrivains étrangers et imaginaires. Certains de ses opuscules étaient destinés à un ou plusieurs recueils, intitulés: Bibliothèque Espagnole, ou Journaux de Livres peu connus. Ses Princes eux-mêmes étaient (soi-disant) l’ouvrage « qu’auroit fait M. Zamega, s’il étoit jamais venu au Monde1». Montesquieu sentit probablement qu’il y avait moins d’art que d’artifice dans ce procédé de publication. Il y renonça et mit au jour les Considérations sur la Grandeur des Romains, le chefd’œuvre le plus compact et le plus austère de la prose française.

Parmi les fragments que nous publions, signalons encore les préfaces inédites que le Président avait rédigées, les unes, pour ses œuvres propres, et les autres, pour quelque œuvre d’autrui. Nous ignorons à laquelle de ces deux catégories appartient l’introduction qui semble destinée à une histoire des Jésuitesa. Mais il est certain que Montesquieu composa pour un M. Rollin ou Raulin (ne pas confondre avec le bon Rollin, « l’Abeille de la France ») un projet d’épître à mettre en tête d’un livre dédié au trop galant maréchal de Richelieu3.

Ajoutons ici un mot sur la prétendue Histoire de Louis XI. Dans les tomes des Pensées (manuscrites), on ne rencontre pas une ligne qui fasse supposer que l’Auteur ait jamais consacré un livre spécial au fils de Charles VII. Il y est bien question d’une Histoire de Louis XIV, dont

1. Pensées (manuscrites), tome III, folio 296 v».

2. Pensées (manuscrites), tome I, page 253.

3. Pensées (manuscrites), tome III, folio 475. nous possédons même la préface1. Mais, quant au règne de Louis XI, Montesquieu paraît n’en avoir traité que dans un chapitre de son livre sur l’histoire de France en général. Ce qu’il y eut de brûlé, ce ne furent que les matériaux qui servirent pour ce chapitre2. Le travail luimême, on le trouvera à la page 338 de ce volume.

VII

Il nous eût été facile de faire, dans les trois tomes des Pensées, un choix restreint de passages remarquables à la fois par la forme et par le fond. Ces extraits auraient rempli un volume de grosseur moyenne, s’adressant au grand public, qu’il eût charmé sans doute. Nous avons préféré, néanmoins, entreprendre une édition intégrale, sans, du reste, en méconnaître les dangers.

Nous n’ignorons point qu’on relèvera, dans les deux gros tomes que nous imprimons, plus d’un article insignifiant en lui-même. Mais l’ensemble des morceaux constitue un document tout à fait hors ligne. Quel est l’homme de génie dont, jusqu’à ce jour, on ait pu suivre le travail intérieur pendant trente à trente-cinq années de son existence? Pour Montesquieu, la chose devient presque aisée à l’avenir. Et nous espérons qu’une étude plus complète de son œuvre finira par découvrir à tous l’originalité et l’unité profondes et trop méconnues de ses conceptions morales et politiques.

Quand nous annonçons une publication intégrale, il ne faudrait point prendre le mot dans un sens absolu. Nous laisserons, par exemple, de côté quelques citations pures


i. Pensits (manuscrites), tome II, folio 83.

2. Œuvres complètes, tome VII, page 301. et simples, que ne suit aucun commentaire1. A plus forte raison, n’imprimerons-nous qu’une fois les morceaux transcrits à deux reprises dans l’original. Nous nous permettrons même de très rares suppressions: celles d’un fragment par trop Régence et de deux ou trois phrases très libres, sans portée philosophique. Au contraire, pour les passages biffés dans les manuscrits, par l’Auteur luimême ou par quelque autre, nous n’avons pas cru devoir les omettre sans distinction.

Quelques-uns présentent, en effet, un intérêt véritable, soit qu’ils trahissent une impression passagère, soit qu’ils découvrent la suite d’un raisonnement ou les formes progressives d’une même idée. Nous les donnerons donc, mais entre deux astérisques, pour qu’on les distingue à première vue. Il y a même un fragment que nous reproduisons barré, afin de bien indiquer qu’il n’est qu’une boutade, dont Montesquieu eut regret dans sa modestie foncière.

Une autre question délicate qu’il nous a fallu résoudre est celle de l’ordre à adopter dans notre publication.

L’ordre des manuscrits serait d’un intérêt capital, s’il était strictement chronologique. Mais on ne peut méconnaître que les interversions et les intercalations abondent dans les trois volumes des Pensées. En outre, quelle fatigue pour les lecteurs que d’aller incessamment d’un sujet à un autre, sans lien et sans transition!

Donc nous soumettrons à un classement méthodique les 2,2oo et quelques morceaux que nous allons imprimer.

i. Voici, du reste, la plupart de ces citations, que nous n’aurions su où classer dans le corps de l’ouvrage:

Tome I, p. 3i6 (298). — San Pietro, portitore del Paradiso. — Cerbiro, da gli Antichi, era creduto esser alla porta del Inferno.

Tome II, f» 16 (926). — Jure perhorrui.

Late conspicuum tôliere verticem.

[Horace, Od., III, xvi, v. 18 et 19.]

Ibid. (927). — Virtuiem {ncolumem odimus;

Sublatam ex oculis quœrimus invidi.

[Ibid. ni, xxiv, v. 3i et 32.]

Ibid. (928). — Jam nec epes animi credula mutui.

[Ibid. IV, 1, v. 3o.]

On les trouvera groupés sous les rubriques suivantes:

Avertissement.

I. Montesquieu.

II. Œuvres connues de Montesquieu.

III. Œuvres et Fragments d’Œuvres inédites de

Montesquieu.

IV. Science et Industrie.

V. Lettres et Arts.

VI. Psychologie.

VII. Histoire.

VIII. Éducation, Politique et Économie politique.

IX. Philosophie.

X. Religion.

La partie qui vient après Y Avertissement a un caractère autobiographique; les deux suivantes sont relatives à des ouvrages devant constituer un tout par eux-mêmes; et les sept autres ne renferment guère que des notes et des réflexions détachées.

Les indications que l’on trouvera en tête de chaque article, après le numéro initial, font connaître le tome et la page où cet article se trouve, ainsi que le rang qu’il occupe dans la série des 2,251 fragments que les volumes des Pensées contiennent.

Quant au numéro initial lui-même, nous l’avons marqué d’un astérisque toutes les fois qu’il est suivi d’un fragment transcrit par un secrétaire de l’Auteur, et non par l’Auteur lui-même.

N’oublions pas de mentionner ici que nous avons cru devoir joindre aux articles des Pensées quelques extraits d’un quatrième in-quarto: le Spicilegium de Montesquieu. Il renferme surtout des notes littéraires, historiques et politiques. Mais les passages, peu nombreux, que nous lui empruntons révèlent des détails curieux sur la vie et sur les opinions du Président.

Les notes qu’on lira au bas du texte sont exclusivement celles qui se trouvent dans les originaux, et qui ne sont point des additions modernes. Bon nombre d’entre elles renvoient aux pages d’un ou de plusieurs des tomes des Pensées. Pour les autres notes que pourrait désirer un lecteur instruit, nous les placerons à la fin du volume auquel elles se rapporteront1.

De plus, nous terminerons la publication tout entière par un Index général, que précédera une table de concordance. Celle-ci permettra de lire le contenu des deux tomes, en suivant l’ordre des manuscrits. Avec elles, on retrouvera aussi les articles que visent les renvois mis, par l’Auteur, en marge, au haut ou au bas du texte.

Bien entendu, nous reproduisons scrupuleusement la teneur des manuscrits, à l’orthographe et à la ponctuation près. Nous n’avons pas même corrigé (sauf à les faire suivre d’un sic) quelques articles ou adjectifs qui étonnent, et dont il suffirait de changer une lettre2 pour donner à certaines phrases un sens plus naturel. A peine nous permettrons-nous d’ajouter, entre crochets, quelques syllabes ou quelques petits mots visiblement oubliés par l’Auteur ou par ses secrétaires.


Peut-être notre temps n’est-il guère favorable à la publication d’un livre dont la lecture exigera quelque effort. De plus, les théories pondérées de Montesquieu n’ont point actuellement la vogue. Nous ne nous faisons

1. Nous nom sommes contentés, dans nos annotations, de rappeler quelques faits moins connus, de signaler les changements de rédaction qui présentent un intérêt véritable, et d’indiquer avec précision, dans la mesure où cela nous a été possible avec le concours de nos amis, les livres et les passages d’auteur que Montesquieu a cités.

2. Montesquieu faisait souvent les l comme les c, les s ou les t. De là, peut-être, des erreurs de copie. Cette remarque est applicable même aux œuvres déjà connues de l’Auteur. donc pas illusion sur le succès immédiat qu’obtiendra le présent ouvrage. Par bonheur, les vérités fondamentales peuvent attendre: elles ne passent pas. Une expérience, plus ou moins amère, ramènera tôt ou tard aux sages théories exposées par l’auteur de Y Esprit des Lois. On ne dédaignera point alors des volumes qui complètent et commentent les œuvres classiques du grand écrivain. Nous espérons même qu’un critique autorisé leur appliquera un jour le mot du rhéteur de Rome:

Me se profecisse sciât, eu* valde placebit’. i. Quintilien, Institutions oratoires, livre X, chap. i.

DESCRIPTION DES MANUSCRITS

PUBLIÉS

DANS CET OUVRAGE

Comme nous l’avons dit dans notre préface, nous imprimons, sous le titre de Pensées et Fragments inédits de Montesquieu, le contenu des trois volumes in-40, que l’Auteur lui-même désignait ordinairement ainsi: Mes Pensées.

Ces volumes furent confiés, vers 1828, à M. J. Laîné, l’ancien ministre de Louis XVIII, pour qu’il en fît une publication, plus ou moins complète. Mais il mourut en 1S35, sans avoir exécuté ce projet. Il avait eu, cependant, le loisir de mettre en marge du texte une série de manchettes qui indiquent les sujets traités. De sa main sont également quelques corrections, dont on peut induire comment il eût entendu ses fonctions d’éditeur. Enfin, c’est lui qui, sans doute, a souligné la plupart des passages audessous desquels on remarque un trait à l’encre, et d’une encre tout à fait semblable à celle des manchettes.

Nous ne reparlerons point de ces surcharges diverses, en décrivant, l’un après l’autre, les trois tomes des Pensées.

I

Le tome I" a vingt-trois centimètres en hauteur, dix-huit et demi en largeur, et cinq en épaisseur.

La reliure, assez fatiguée, est recouverte de cuir brun. Au dos, on discerne encore quelques ornements dorés, dont l’éclat est bien terni. Mais la pièce de cuir où devait être gravé le titre primitif a disparu. A la place qu’elle occupait se trouve, aujourd’hui, un morceau de papier blanc, sur lequel on lit ces mots : Mes Pensées, tome I. Ce nouveau titre, d’une écriture très moderne, est collé le haut en bas.

11 n’y a plus que 284 feuillets dans le volume. A l’origine il en comptait davantage: car, sans parler du feuillet coupé à la fin, on en a enlevé deux après la page 2b5, un après la page 27?, et des dizaines après la page 524.

Ce qui reste est coté très irrégulièrement, tantôt par folio et tantôt à la page, de la manière suivante : folio 1 ; pages 2 à 265, 27o à 273, 278 à 3o9; page sans cote; pages 3io à 3i6, 3i4 à 3i6 (doubles), 317 à 42o, 422 à 43o; folios 431 à 442, 444 à 459; pages 46o à 52o, 522 à 542; folio 543.

Six pages sont restées en blanc: i52 et 153, 168 et 169, 367 et 368.

Aux pages écrites sont ménagées, du côté du pli des feuilles, des marges, dont la largeur varie de deux à sept centimètres.

Quant au texte, il est en grande partie de la main même de Montesquieu. Toutefois, de nombreux fragments ont été copiés par deux secrétaires successifs de l’Auteur. Le premier avait une écriture ronde, presque droite; le second, une écriture plus allongée et inclinée un peu plus.

Rien à relever de constant par rapport à la couleur de l’encre (bien pâle parfois), au nombre des lignes de chaque page et au nombre des lettres de chaque ligne : tout varie, en effet, d’article en article.

II

Le tome II a vingt-quatre centimètres en hauteur, dix-huit en largeur, et six en épaisseur.

La reliure, fatiguée comme celle du tome I, est également recouverte de cuir brun. Mais, au dos, où sont imprimés des ornements dorés, se trouve une pièce de maroquin rouge. On y voit, dans une sorte de cadre, le titre: Mes Pensées, tom. II.

Il n’y a plus que 336 feuillets dans ce volume, auquel on en a enlevé une dizaine après le quatrième feuillet.

Ceux qui restent sont foliotés de la manière suivante: deux folios sans cote; folios 1 à 164, r 55 à 164 (doubles), i65 à 249, 45o à 496; 28 folios sans cote.

Le nombre des pages qui n’ont pas été utilisées est considérable. Et, d’abord, celles des feuillets qui ne sont pas cotés. A ces pages s’ajoutent les versos des folios 3o et 36, les folios 4o à 56, les versos des folios 88 et 96, le folio 14o, les versos des folios 168, 17a, 178, i83 et 189, les folios 19o, 47o, 472, et 473, le verso du folio 474, les folios 475 à 49o, et, enfin, les versos des folios 492 et 493.

Notons, toutefois, qu’au 332° feuillet, qui est déchiré en partie, quatre commencements de lignes sont encore visibles.

Les marges ont deux à cinq centimètres de largeur dans ce volume.

La plus grande partie des textes n’a pas été transcrite par l’Auteur, mais bien par ses secrétaires; spécialement, par celui qui a copié une vingtaine de pages à la fin du tome Ier.

Il n’est pas sans intérêt de constater, aux folios 2o2 et 2o3, que l’écriture des articles insérés par Montesquieu lui-même y grossit tout à coup. Ce changement correspond à l’époque où le grand homme faillit perdre la vue. Quelles angoisses ne permet-il point de deviner?

III

Le tome III a vingt-deux centimètres et demi de hauteur, dix-sept de largeur, et six et demi d’épaisseur.

La reliure en est dans un étrange état. Presque tout le dos et un des plats sont encore recouverts de cuir brun. Mais une toile grise et vernie, évidemment moderne, a été collée sur le reste.

Point de titre extérieur.

Outre une garde en papier coloré, le volume contient 489 feuillets de papier blanc. Mais d’autres ont été enlevés: 1o à 12 environ après le folio 34, 6 après le folio 261, et un après le folio 299. •

Ce qui subsiste a été folioté ou paginé (non sans corrections) de la manière suivante : 3 folios sans cote; folios 1 à 1o7; pages 1o8 et 1o9; folios 11o à 299, 3oi à 335, 335 bis à 46o, 46o bis à 485; un folio sans cote.

N’ont pas été utilisés le verso du premier feuillet et le troisième feuillet, les versos des folios 158 et 159, les folios 16o i 246, les versos des folios 274 et 298, les folios 299, 3o3 à 3o7, le recto du folio 3o8, le verso du folio 323, les folios 324 à 327, le verso du folio 329, les folios 33o à 333, le verso du folio 337,le recto du folio 338, les versos des folios 357, 358, 362 et 374, les folios 375 à 455, le verso du folio 467, les folios 468 à 471, le verso du folio 479, et les folios 48o et suivants.

Dans ce volume, la largeur des marges varie entre un et quatre centimètres.

On n’y trouve, relativement, que peu de morceaux transcrits par Montesquieu lui-même: presque tout y est de la main de quatre à cinq secrétaires, dont l’écriture varie beaucoup.

C’est pourtant l’Auteur lui-même qui a mis, sur le premier feuillet, le titre : Continuation de mes Refflections (sic), troisième volume, et, sur le deuxième feuillet, les douze premiers des quinze renvois qui suivent, et qui forment une sorte de table des matières:

« J’ay mis ce qui n’a pu entrer dans mon dialogue LisimaÎMe(sic): p. 354;

» Ce qui n’a pu entrer dans mes Romains: p. 16 et p. 456;

» Sur le Bonheur: p. 18 vers, et p. 12 verso, p. 312;

» Ce qui n’a pu entrer dans l’Esprit des Loix: p. 35, jusques à la p. 115; après quoy est une continuation qui dure jusques à la p. i58 et ira plus loin (voy. aussi p. 341);

» Doutes: depuis la p. 247, jusques à la p. 256;

» Refflections (sic) sur Le Prince qui n’ont pu entrer dans mes ouvrages: p. 28o;

» Quelques fragments d’un ouvrage qui n’est plus: p. 3oi. » Choses qui n’ont pu entrer dans ma Deffense (sic) : p. 3o9;

» Choses qui n’ont pu entrer dans mon roman d’Arsame: p. 3i8;

» Apologie et Préface des Lettres Persanes: p. 32o;

» Fragments d’une dissertation : Différence des Esprits : p. 3a8;

» Matériaux divers: p. 356;

» *Littérature et belles - lettres : p. 363;

» *Matériaux de dissertations pour PAccadémie (sic) de Bord[eau]x, qui ne doivent point paroître : p. 472;

» *Matériaux divers: p. 475. »

Nous ajouterons qu’en parcourant le tome III on y trouve une feuille de papier qui porte la cote 432, et sur laquelle Montesquieu a écrit un passage de son traité des Princes, avant qu’il eût arrêté e nom de l’auteur auquel il l’attribuerait:

« Non ! Non ! dit M. Maréja (?), etc.»


Quant au Spicilegium, auquel nous n’avons fait que de rares emprunts, nous n’essaierons pas de le décrire en détail; d’autant plus que nous avons inséré une note sur ce registre dans les Voyages

Toutefois, nous allons reproduire ici l’observation que Montesquieu y a insérée, de sa main, au recto du 6B feuillet:

t Vous remarquerés que, tout ou presque tout ce qui est dans ce livre, jusques à la page cent trente-six exclusivement, je l’ay compilé d’un gros recueil qui m’a esté prêté par le R. P. Demolets (sic), et qui avoit esté fait par un de ses amis. Le reste a esté recueilli par moy et est le fruit de certeines (sic) lectures. Je mettray à la fin de ce volume (p. — ) quelques refflections (sic) que j’ay faittes (sic). On trouvera aussi, parmi ce que j’ay compilé, quelques refflections de ma façon. Il faudra que je les marque d’une (sic) astérisque. »

i. Voyages de Montesquieu, tome I, page XXI.