Poèmes et Paysages/Lever de lune sous l’équateur

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XLII

LEVER DE SOLEIL

SOUS L’ÉQUATEUR

 

Du sein des flots la lune émerge blonde et belle !
L’éther ouvre à son vol de claires profondeurs.
Sous ses flammes d’argent l’Océan étincelle.
L’horizon est baigné de rêveuses splendeurs.

O lune ! sur cette onde où ton globe se mire,
Je vogue, et ma pensée à toi monte et t’admire.
Et je te vois flotter, calme dans le ciel pur,
Comme un esquif léger sur une mer d’azur.
Les yeux vers toi, bercé par la houle profonde,
Qu’il est doux de rêver à ta lumière blonde !

Épanche sur mon front tes feux mystérieux,
Lune ! et poursuis au ciel ton vol silencieux.

Tu montes, et déjà dans les airs qui blanchissent,
Voilant leurs cheveux d’or, les étoiles pâlissent.

Jalouses devant toi s’effacent leurs beautés.
Âme des belles nuits, reine aux chastes clartés,
L’Océan te sourit ! vers la voûte où tu planes
Il lève avec amour ses ondes diaphanes.

Épanche sur son sein tes feux mystérieux,
Lune ! et poursuis au ciel ton vol silencieux.

Quel calme sur les mers ! sous les cieux quel silence !
Le vaisseau lentement sur l’onde se balance.
J’écoute et n’entends plus que les mourants accords
Du flot qui mollement vient baigner nos sabords.
Aucun souffle dans l’air n’arrive à mon oreille :
L’astre luit, la nuit marche, et l’Océan sommeille !

Épanche sur les flots tes feux mystérieux,
Lune ! et poursuis au ciel ton vol silencieux.

Nuit divine ! Océan ! lune, paisible reine !
O voûte immaculée ! ô profondeur sereine !
Oh ! quelqu’un avec moi de votre immensité
Sent-il descendre en lui la vague majesté ?
Est-il une âme aussi qui, pensive à cette heure,
Dans le fluide éther, sa future demeure,
Voyant passer la nuit sur son char constellé,
Contemple ainsi que moi ce silence étoilé,
Ce vide auguste empli d’ineffable lumière,
Et, des flots assoupis de l’océan du ciel,

Sur ces ondes où plane un calme solennel,
Ramène ainsi que moi sa rêveuse paupière ?

Épanche autour de nous tes feux mystérieux,
Lune ! et poursuis au ciel ton vol silencieux.

Je ne sais : mais peut-être, esprit ailé qui passe,
Un voyageur divin, pèlerin dans l’espace,
Suspend sa course heureuse et, des hauteurs des cieux,
Sur ce monde flottant laisse tomber ses yeux.
Aux dernières lueurs des mourantes étoiles,
Aux clartés dont la lune argente au loin nos voiles,
Il voit notre vaisseau, tel qu’un cygne des mers
Dont l’aile blanche traîne au bord des flots amers,
Dormir au lent roulis des lumineuses lames
Où l’astre de Vénus fait onduler ses flammes.

Endors à ta lueur mon front silencieux,
Lune ! et poursuis au ciel ton vol mystérieux.