Poésies érotiques (Parny)/2 — Le Lendemain

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Poésies érotiquesIsle de Bourbon (p. 4-6).


LE LENDEMAIN.


Tu l’as connu, ma chère Éléonore,
Ce doux plaisir, ce péché si charmant
Que tu craignois, même en le désirant ;
En le goûtant, tu le craignois encore.
Eh bien, dis-moi ; qu’a-t-il donc d’effrayant ?
Que laisse-t-il après lui dans ton ame ?
Un léger trouble, un tendre souvenir,
L’étonnement de sa nouvelle flâme,
Un doux regret, & sur-tout un désir.
Déjà la rose aux lis de ton visage
        Mêle ses brillantes couleurs ;
Dans tes beaux yeux, à la pudeur sauvage
        Succèdent les molles langueurs,
        Qui de nos plaisirs enchanteurs
Sont à la fois la suite et le présage.

Déjà ton sein doucement agité,
        Avec moins de timidité,
        Repousse la gaze légère
        Qu’arrangea la main d’une mère,
        Et que la main du tendre amour,
        Moins discrete & plus familière,
        Saura déranger à son tour.
        Une agréable rêverie
        Remplace enfin cet enjoûment,
        Cette piquante étourderie,
        Qui désespéroient ton Amant ;
        Et ton ame plus attendrie
        S’abandonne nonchalamment
        Au délicieux sentiment
        D’une douce mélancolie.
        Ah ! laissons nos tristes censeurs
        Traiter de crime abominable
        Ce contrepoids de nos douleurs,

Ce plaisir pur, dont un dieu favorable
        Mit le germe dans tous les cœurs.
        Ne crois pas à leur imposture ;
        Leur zèle barbare & jaloux
        Fait un outrage à la nature ;
        Non, le crime n’est pas si doux.