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Poésies (Couvreur)/Regret

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PoésiesHonoré Paulin Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 39-40).


REGRET



Ô France d’autrefois, guerrière et triomphale,
Laisse-nous respirer ton passé, d’où s’exhale,
Souffle épique passant dans les drapeaux soyeux,
Ton âme de lumière aux clairs regards joyeux.
Comme tes trois couleurs, arc-en-ciel des armées,
Flottaient au firmament au vent des destinées,
Éblouissant velum sur l’éclair du combat,
Apportant dans leurs plis le magique Fiat !
Alors ces grands semeurs, ivres de leurs conquêtes,
Qui labouraient le sol avec des baïonnettes,
Et qui le fécondaient de semailles de sang,
Et qui le déchiraient, comme d’un soc puissant,
Avec le roulement des lourdes batteries,
Et qui le foudroyaient de leurs artilleries,
Voyaient, l’été suivant, dans les mêmes sillons,
Mûrir au grand soleil leurs guerrières moissons.
L’épanouissement des sanglantes semailles,
C’était ce grain levé pour le vent des batailles,

Ces jeunes régiments que la gloire enivrait,
Tous ayant sur le front le baptême secret ;
Tous couronnés d’espoir comme d’un diadème,
Souriant à la mort, leur amante suprême ;
Tous marchant au canon, leur autel nuptial,
Sous la rouge lueur du ciel impérial ;
Tous joyeux, s’avançant avec un air de fête
Dans les champs balayés d’un souffle de tempête
Où flambait le soleil, où l’aigle au large vol
Projetait en passant son ombre sur le sol.
Alors, comme un essaim d’oiseaux dans les prairies,
S’envolaient vers le ciel les fières sonneries,
Le clairon matinal, ce chant du coq gaulois,
Que les échos voisins répercutaient vingt fois.
Souviens-toi de ce chant, souviens-toi, vieille Europe !
Une autre politique aujourd’hui t’enveloppe ;
Un kaiser te regarde, et tu baisses les yeux ;
L’Angleterre dessine un geste impérieux ;
Un seul mot de sa bouche, un signe, et tu t’effares,
Pourtant tu te souviens du son de nos fanfares ;
Tu n’as pas oublié sur quel air nous chantions :
« Aux armes, citoyens ! formez vos bataillons ! »