Poésies de Benserade/Le Jaloux

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Poésies de Benserade, Texte établi par Octave UzanneLibrairie des bibliophiles (p. 150-152).



Le Jaloux.

STANCES.


Le déplaisir qui me combat,
Me fait connoître que le sage
Doit embrasser le célibat,
Et détester le mariage.

Ô que mon cœur est agité !
Qu’il est remply d’inquiétudes !
Ma femme a l’esprit si gâté
Qu’elle est l’antipode des prudes.

Son orgueil ne se peut guérir ;
Elle s’égale aux souveraines ;
Et son luxe a fait enchérir
La dentelle et le point de Gênes.

Pour éblouïr les jeunes foux
Et passer prés d’eux pour un Ange,
Elle a dépeuplé de bijoux
Les boutiques du Pont au Change.

La folle a si bien ménagé
Les doux appas de sa prunelle,
Que mon lit se voit assiégé
De plus de braves qu’Orbitelle.

Dans l’entretien de ces Vaillans,
Dont elle veut être adorée,
Son caquet prend tous les brillans
De l’éloquence figurée.

Ses paroles sont toutes d’or,
Rien n’échappe à sa Rhétorique,
Et Paris n’a point de Médor
Dont elle ne soit l’Angélique.

Elle me rend si malheureux,
Que mon chagrin n’a plus de bornes ;
Je croy qu’un peuple d’amoureux
Travaille à me planter des cornes.

Mille peurs troublent mon cerveau,
Dés que son page approche d’elle,
Je crains tout, même le tableau
Du héros peint dans ma ruelle.

Que je serois aimé des Cieux,
Si cette belle vagabonde
Alloit débaucher nos ayeux
Et coqueter en l’autre monde.



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